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2.2 La th´eorie des booms temporaires

2.2.1 Les effets statiques

La principale diff´erence entre un choc temporaire et un choc permanent est l’effet sur le revenu transitoire. Si le choc est anticip´e comme permanent, le revenu permanent et le revenu courant changent dans la mˆeme proportion. Ni le revenu transitoire, ni la propension `a ´epargner ne sont affect´es. Par contre, dans le cas d’un boom temporaire, des effets dynamiques transitoires vont entrer en jeu.

Selon Bevan, Collier et Gunning (1990), les effets d’un choc temporaire ne diff`erent d’un choc permanent que dans la mesure o`u le march´e du capital est imparfait. La possibilit´e d’acc`es sans entrave au march´e financier international, c’est-`a-dire l’existence de march´es de capitaux parfaits, entraˆıne que tout revenu courant sup´erieur au revenu permanent peut ˆetre accumul´e sous formes d’actifs ´etrangers. La dur´ee du choc est alors peu importante. Les m´enages peuvent librement faire une allocation intertemporelle de leurs d´epenses de sorte que la consommation est ind´ependante de la dur´ee du choc. De mˆeme, du cˆot´e de l’offre, les agents peuvent assurer une allocation intertemporelle efficace des facteurs de production. Ainsi, dans le cadre d’un march´e parfait, la th´eorie du syndrome hollandais s’applique donc aussi bien aux chocs permanents qu’aux chocs temporaires.

Cependant, cette hypoth`ese de perfection de march´es de capitaux est peu r´ealiste pour des pays en d´eveloppement dont les march´es financiers sont r´eprim´es financi`erement. Les chocs auront alors des effets diff´erents et sont analys´es dans le cadre d’une th´eorie, qui g´en´eralise la premi`ere, dont le nom est «la th´eorie des booms de construction».

Cette th´eorie est une g´en´eralisation du cadre th´eorique du syndrome hollandais qui traite uni-quement le cas d’un choc permanent dans une ´economie sans contrˆole. Cependant, les r´esultats des deux th´eories, au niveau statique, sont de mˆeme nature : un boom, permanent ou tempo-raire, entraˆıne une appr´eciation du taux de change r´eel et un d´eclin du secteur ´echangeable non boomier. La sp´ecificit´e de la th´eorie des booms de construction vient surtout des enseignements qu’elle apporte dans un cadre dynamique. La distinction qu’elle fait entre bien de consomma-tion et bien d’investissement dans le secteur des biens ´echangeables fait ´emerger le secteur de la

construction comme le secteur cl´e pour analyser les chocs temporaires.

De plus, l’introduction des contrˆoles exerc´es par le gouvernement en termes de contrˆoles de change, de commerce international et du march´e du cr´edit permet de mieux rendre compte de l’impact du boom dont les effets n´egatifs sont exacerb´es.

Dans une ´economie non contrˆol´ee, un boom temporaire, ou anticip´e comme tel, va entraˆıner des effets d’´epargne et augmenter la propension d’investir. L’augmentation de l’investissement permet d’augmenter l’offre des biens non ´echangeables et entraˆıner une moindre appr´eciation r´eelle que dans le cas du syndrome hollandais. D’autre part, contrairement aux r´esultats de cette derni`ere th´eorie, la r´eaction de l’´economie n’est optimale que si les agents ´etalent les investissements dans le temps, en particulier s’ils d´etiennent des actifs ´etrangers au moment o`u le coˆut du capital est tr`es ´elev´e.

Le cadre th´eorique est toujours celui de la petite ´economie ouverte o`u le prix des ´echangeables est fix´e de mani`ere exog`ene. Une distinction est faite dans chaque secteur o`u les biens de consom-mation et les biens d’investissement sont diff´erenci´es. Cette diff´erenciation est surtout importante pour le secteur non ´echangeable. Pour les biens ´echangeables, l’hypoth`ese de petite ´economie ouverte fait que les prix relatifs de ces deux types de bien sont fix´es internationalement et ne r´eagissent pas `a la demande int´erieure. Le march´e des capitaux ´etant imparfait et la d´etention d’actifs ´etrangers exclue, la variation de l’´epargne se traduit n´ecessairement par une variation de l’investissement.

Bevan et al. montrent que, sous ces hypoth`eses, le boom temporaire va entraˆıner une expan-sion du secteur non ´echangeable qui produit les biens capitaux (identifi´e, ici, au secteur de la construction).

Deux canaux de transmission sont identifi´es. Le premier est li´e `a l’augmentation temporaire de l’´epargne. Le second est li´e `a l’augmentation permanente de la consommation que la th´eorie du syndrome hollandais appelle l’effet de d´epense.

Si les agents pr´evoient de mani`ere parfaite les prix des exportations et si les march´es de capitaux sont parfaits, les fluctuations dans les prix des exportations n’ont aucune influence sur aucun secteur de l’´economie, car le revenu courant fluctue lui aussi autour du revenu permanent et l’´ecart est compens´e par des variations d’actifs financiers.

Dans le cas d’une ´economie non contrˆol´ee, le boom temporaire entraˆıne une augmentation de l’´epargne et donc la demande d’investissement domestique, sauf si le coˆut du capital ne varie pas ce qui serait le cas si les march´es financiers ´etaient parfaitement int´egr´es au niveau international. Les pays en d´eveloppement ´etant en g´en´eral contraints sur ces march´es, le taux

d’int´erˆet est endog`ene et sup´erieur `a celui qui pr´evaut sur le march´e international. Il est donc optimal `a long terme d’´epargner localement les gains inattendus, ce qui diminue le coˆut marginal domestique du capital et incite `a investir localement.

La modification du revenu permanent va avoir aussi pour cons´equence une augmentation de l’investissement. La part du suppl´ement de consommation affect´ee aux biens non ´echangeables, entraˆıne une augmentation de l’offre domestique qui `a son tour entraˆıne un suppl´ement de demande de biens du secteur de la construction. Suite `a ce boom temporaire, le prix des biens non ´echangeables va subir une hausse, avec, une d´eformation du prix relatif de ces composantes en faveur des biens d’investissement.

Le graphique ci-dessous (figure 2.7) illustre les effets des booms temporaire et permanent sur les prix des biens d’investissement et des biens de consommation du secteur des biens non ´echangeables.

Fig. 2.7 – Les effets de booms temporaire et permanent

Le secteur des biens non ´echangeables est d´ecompos´e en biens d’investissement K et biens de consommation C. Leurs prix respectifs relativement aux prix des biens ´echangeables PK/PT et PC/PT. Les droites KK et CC repr´esentent les demandes avant le boom.

Un boom permanent a pour effet d’augmenter les demandes en laissant les prix relatifs inchang´es. Le nouvel ´equilibre sera ainsi atteint en E0. Apr`es un boom temporaire, le taux d’investissement augmente et le prix des biens d’investissement augmente relativement plus que

celui des biens de consommation. Le nouvel ´equilibre est alors en E”. La th´eorie des booms de construction arrive donc aux mˆemes conclusions que celle du syndrome hollandais, quant aux effets statiques d’un choc externe. Un choc externe, qu’il soit temporaire ou permanent, a pour effet d’augmenter le prix relatif des biens ´echangeables et de contracter le secteur des biens ´echangeables. Les ajustements sont optimaux, quand l’´economie est non contrˆol´ee.