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1.4 La justification `a court terme de la d´evaluation

1.4.1 le mod`ele salter-swan

L’analyse pr´ec´edente s’int´eressait aux quantit´es globales qui caract´erisent une ´economie et aux ´egalit´es n´ecessaires entre certains agr´egats, qui sont les conditions d’une ´economie ´equilibr´ee. Cette analyse utilisait des relations de la Comptabilit´e Nationale en ´economie ouverte et d´ebouchait sur des strat´egies assez traditionnelles de gestion `a court terme de la demande (r´eduction de la demande publique, ∆G et r´eduction des cr´edits `a l’Etat, ∆CDg ).

L’analyse de la Banque Mondiale se situe d’embl´ee du cˆot´e de l’offre ; elle s’int´eresse au comportement des agents pour lesquels les prix doivent ˆetre des indicateurs fiables.

Cette analyse qui repose sur le mod`ele de ”l’´economie d´ependante” (appel´e aussi ”mod`ele australien” ou encore ”mod`ele Salter-Swan” puisqu’il trouve son origine dans les travaux de ces deux ´economistes australiens (1960)) s’int´eresse au comportement des agents pour lesquels les prix doivent ˆetre des indicateurs fiables.

Ce mod`ele d´ecrit les conditions d’´equilibre d’une ”petite ´economie ouverte”. Il distingue deux types de biens qui peuvent ˆetre produits par l’´economie consid´er´ee :

- des biens ´echangeables (T, ”tradable goods”),´echang´es ou susceptibles d’ˆetre ´echang´es inter-nationalement (biens d’exportation, d’importation, de substitution aux importations) ; les biens ´etrangers et les biens int´erieurs ´etant suppos´es parfaitement substituables. Le prix de ces biens ´echangeables est d´etermin´e par le march´e mondial ; pour le secteur ”expos´e”, cette ´economie est ”price-taker” sur le march´e mondial. Ces biens dont le Prix est not´e PT ´etant des biens agr´eg´es (composites au sens de Hicks), cela suppose que les termes de l’´echange, Px/Pm, sont fixes (Px le prix des biens d’exportation ; Pm prix des biens

d’importation).

- des biens non ´echangeables (NT, ”nontradable goods” ), biens qui ne font pas l’objet d’un ´echange international, soit par leur nature (certains services aux m´enages), soit du fait de coˆuts de transactions prohibitifs9. Dans ce secteur, le prix est d´etermin´e par les conditions locales d’offre et de demande : soit PN T.

Biens ´echangeables et non ´echangeables pourront ˆetre substituables, selon les variations de prix.

Le mod`ele reprend les hypoth`eses usuelles de l’´equilibre g´en´eral : Courbe de possibilit´es de production concave, situation de concurrence pure et parfaite, comportement de maximisation du profit des firmes et existence de courbes d’indiff´erence collective.

La figure (1.3) permet de visualiser l’´equilibre de ce mod`ele. La courbe Y X repr´esente la courbe fronti`ere des possibilit´es de production entre ´echangeables et non ´echangeables. Elle est strictement concave, caract´eris´ee par des coˆuts d’opportunit´e croissants.

D’autre part, les pr´ef´erences des consommateurs de l’´economie consid´er´ee peuvent ˆetre illustr´ees par des courbes d’indiff´erence collective U.

A cela il faut ajouter des hypoth`eses simplificatrices `a replacer dans un contexte implicitement concurrentiel : plein-emploi, la productivit´e marginale en valeur est la mˆeme dans les deux secteurs, mobilit´e des facteurs de production `a l’int´erieur de l’´economie, absence de taxes sur les importations et les exportations. Enfin, si les agents priv´es demandent des deux types de biens, l’´Etat ne demande que des biens non ´echangeables.

Le point A repr´esente le point de production pour un prix relatif des biens ´echangeables en termes de biens non ´echangeables q. On appelle ce prix, c’est `a dire le rapport du prix des biens ´echangeables `a celui des biens non ´echangeables (PT/PN T), le taux de change r´eel interne. Il mesure la quantit´e de bien non ´echangeable `a laquelle il faut renoncer pour se procurer une unit´e suppl´ementaire de bien ´echangeable. Si le prix des biens ´echangeables (T) est sup´erieur `a celui des biens non ´echangeables (NT), les entreprises sont incit´ees `a transf´erer des ressources du secteur NT vers le secteur T car la production y est plus profitable puisque le prix PT est relativement ´elev´e avec des coˆuts de production constants. Ce n’est que lorsque le rapport des prix est ´egal `a la pente de la fronti`ere des possibilit´es de production qu’il n’y a aucun gain `a ces transferts de ressources d’un secteur vers un autre. Il y a une d´epr´eciation r´eelle quand le taux de change r´eel augmente.

9Ce qui peut poser des difficult´es pratiques pour l’identification de ces produits dans ´economies en transition vers le march´e, en effet une forte taxe ou une forte subvention peuvent constituer un coˆut de transaction ´elev´e donnant naissance `a des strat´egies ”rent seeking”

Fig. 1.3 – Le mod`ele australien

L’´equilibre de production se trouvent en A (point ou la courbe est tangente `a la droite isocoˆut de pente q), d´efinissant respectivement OY et OX quantit´es produites de biens non ´echangeables et ´echangeables.

Les consommateurs priv´es consomment des deux types de biens. La consommation d’´equilibre est d´etermin´ee au point B o`u la courbe d’indiff´erence des consommateurs UB est tangente `a la droite de pente q. Ce qui d´etermine OXB quantit´e de biens ´echangeables et OY de biens non ´echangeables.

Par d´efinition du bien non ´echangeable, les points A et B sont situ´es sur une mˆeme horizon-tale, puisque la production et la consommation de ces biens doit ˆetre ´egale `a l’´equilibre. Sinon, le prix de ces biens changerait, pour restaurer l’´egalit´e entre l’offre et la demande.

L’´economie est donc caract´eris´ee par un ´equilibre interne sur le march´e des NT et un d´es´equilibre externe (CA = XA XB ) dans la mesure o`u l’´economie ne produit que OXA de biens ´echangeables.

L’´equilibre externe ne peut pas ˆetre restaur´e sans changement du taux de change r´eel q. Si on ne change pas q et que l’on r´eduise l’absorption, on se d´eplace le long de la courbe d’Engel R1 (´evolution des d´epenses par rapport au revenu `a prix relatifs constants) marqu´ee en pointill´e. Le point de consommation descend le long de cette courbe jusqu’au point C, alors que le point

de production reste en A. Cet ajustement sera alors effectu´e au prix d’un exc`es d’offre de biens NT engendrant une sous-utilisation des capacit´es de production et hausse du chˆomage.

Ainsi, le nouveau point d’´equilibre, marqu´e E sur le graphique, est caract´eris´e par une d´epr´eciation r´eelle, par rapport `a la situation initiale, et par un niveau plus bas de l’absorp-tion.

On observe que la courbe d’Engel R2 a pivot´e vers le haut, ce qui repr´esente une d´eformation de la composition de la demande, avec une r´eduction de la part relative des biens ´echangeables dans le panier du consommateur.

De plus, la d´epr´eciation r´eelle a fourni une incitation `a accroˆıtre la production de biens ´echangeables, et `a r´eduire celle de biens non ´echangeables.

Ainsi, pour r´esorber le d´eficit commercial, il faut combiner une d´epr´eciation r´eelle avec une r´eduction de l’absorption. Il s’ensuit une hausse de l’offre de biens ´echangeables et une diminution de la demande de ces biens.

Pour atteindre cet objectif, et en particulier inciter `a la r´eorientation de la demande (“ex-penditure switching” ) et donc de la production, il semble plus « pratique » de modifier le taux de change e que de contraindre les prix PN T.

Cette d´evaluation a un double impact :

- un effet de substitution r´esultant de la d´epr´eciation r´eelle le long de la mˆeme courbe d’in-diff´erence.

- un effet de revenu induit par la hausse du prix niveau g´en´eral des prix (le taux de change augmentant, le prix des biens ´echangeables s’accroˆıt du mˆeme taux). Cet effet est symbolis´e par le passage `a une courbe d’indiff´erence plus proche de l’origine.

Cependant, rien ne garantit que cette contraction r´eelle de la d´epense soit suffisante pour atteindre le point d’´equilibre E. En particulier cela d´epend du degr´e d’indexation des salaires notamment ceux du secteur des biens NT10.

Des mesures mon´etaires et budg´etaires restrictives doivent accompagner la d´evaluation. Afin d’analyser ces effets, il est utile d’´etendre ce cadre pour d´ecrire explicitement les aspects mon´etaires et budg´etaires.

Soit donc le mod`ele constitu´e des quatre ´equations suivantes : L’´equation (1.36) nous donne l’´egalit´e entre le prix des biens ´echangeables PT et leur valeur sur le march´e mondial (en devise ´etrang`ere), multipli´ee par le taux de change e.

10ceci explique la formulation alternative des plans de stabilisation pr´econisant une baisse de salaire dans le secteur NT ´evalu´es en termes de bien ´echangeables

PT = ePT (1.36) L’´equation (1.37) d´efinit le niveau g´en´eral des prix P comme une fonction croissante (et homog`ene de degr´e un) des prix PT et, celui des biens non ´echangeables PN T :

P = P (PT, PN T) (1.37)

L’´equation (1.38) saisit l’´egalit´e entre l’offre ON T et la demande sur le march´e des biens non ´echangeables, compos´ee d’une demande priv´ee DN T et d’une demande publique en biens NT (GNT) : ON T( PT PN T) = DN T µ PT PNT, M P+ GN T (1.38)

Une d´epr´eciation du taux de change r´eel pousse `a une augmentation de la demande priv´ee de biens non ´echangeables et `a une baisse de leur offre, alors que l’effet des encaisses r´eelles sur la demande, saisi par M

P , est positif.

Enfin, une derni`ere ´equation d´efinit la balance commerciale comme la diff´erence entre l’offre OT et la demande de biens ´echangeables, celle-ci aussi ´etant compos´ee d’une demande priv´ee D T et d’une demande publique GT .

CA = OT( PT PN T) − DT µ PT PN T, M P− GT (1.39)

Une d´epr´eciation du taux de change r´eel pousse `a une baisse de la demande priv´ee de biens ´echangeables et `a une hausse de leur offre. L’effet d’encaisse r´eelle est bien sˆur positif.

L’´equation (1.38) peut se repr´esenter sur la figure (1.4) par le lieu II, de pente n´egative, puisque, en cas d’augmentation des encaisses r´eelles qui accroˆıt la demande, une appr´eciation r´eelle est n´ecessaire afin de restaurer l’´equilibre du march´e des biens non ´echangeables. A droite de II, il y a un exc`es d’offre de biens NT.

On repr´esente par le lieu XX, l’ensemble des couples taux de change r´eel–encaisses r´eelles pour lesquels la balance commerciale est en ´equilibre. Sa pente positive indique le fait que si l’absorption augmente, `a la suite d’une hausse des encaisses r´eelles, il faut une d´epr´eciation r´eelle pour d´etourner la demande des biens ´echangeables, rendre l’´economie plus comp´etitive et restaurer l’´equilibre externe.

A droite de ce lieu, o`u les encaisses r´eelles sont trop fortes par rapport au taux de change r´eel, se trouve la zone des d´eficits commerciaux, au contraire, les points situ´es `a gauche de XX repr´esentent des situations de surplus ext´erieur.

Fig. 1.4 – L’´equilibre g´en´eral

Le double ´equilibre interne et externe se trouve au point E, o`u le march´e des biens non ´echangeables et la balance commerciale sont simultan´ement en ´equilibre.

Le point A repr´esente une situation o`u le march´e des biens non ´echangeables est en ´equilibre, alors que la balance commerciale est en d´eficit. En ce point, il y a une sur´evaluation r´eelle car le taux de change r´eel est situ´e en dessous de sa valeur d’´equilibre, et/ou en raison d’une liquidit´e excessive, puisque la valeur des encaisses r´eelles est sup´erieure `a celle qui correspond `a E.

Pour restaurer l’´equilibre, il y a deux possibilit´es :

- combler le d´eficit externe sans modification des prix, en amenant le lieu XX `a se d´eplacer jusqu’au point A, qui devient alors le nouveau point d’´equilibre. Pour ce faire, il faut r´eduire les d´epenses publiques GT d’un montant appropri´e, comme on peut le voir dans l’´equation (1.39). On parle alors d’ajustement r´eel.

- changer `a la fois les prix nominaux et les prix relatifs, c’est `a dire d´evaluer. Ainsi, sur la figure 4, on peut passer de A `a E en d´evaluant la monnaie, avec le cas ´ech´eant un accompagnement par des mesures budg´etaires ou mon´etaires plus ou moins restrictives. Le but est de r´eduire les encaisses r´eelles et de provoquer une d´epr´eciation r´eelle, simultan´ement.

Plus on augmente PT par l’interm´ediaire du taux de change e, moins on a besoin de r´eduire M et PN T ce qui est un avantage si le prix des biens non ´echangeables souffre de rigidit´e `a la baisse. Ainsi, L’effet principal de la d´evaluation passe par une baisse des d´epenses priv´ees, par l’interm´ediaire de la baisse des encaisses r´eelles d´etenues par les agents priv´es.