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5.3 Les mod`eles de la Lib´eralisation financi`ere

5.3.1 Le mod`ele de Kapur

Plusieurs mod`eles th´eoriques permettent d’expliciter les effets positifs de la lib´eralisation financi`ere propos´ee par McKinnon et Shaw. L’un des plus connus et des plus simples est sans nul doute celui de Kapur, (1976,1983). Nous exposons ici deux mod`eles le premier est ´elabor´e dans le cadre d’une ´economie ferm´ee (Kapur, (1976)). Le second compl`ete le premier en lui int´egrant l’ouverture internationale des ´echanges (Kapur, (1983)).

Le mod`ele en ´economie ferm´ee

Le mod`ele de Kapur (1976) est le mod`ele retenu pour justifier du bien fond´e de la lib´eralisation financi`ere sur les ´economies financi`erement r´eprim´ees aussi bien sur le secteur r´eel que sur le secteur mon´etaire. Il s’appuie sur l’hypoth`ese de la debt intermediation de Shaw en ce sens qu’un taux d’int´erˆet cr´editeur plus ´elev´e accroˆıt le niveau d’´epargne, permet l’expansion du cr´edit bancaire et par cons´equent le volume d’investissement. Dans ce mod`ele, Kapur analyse les programmes de stabilisation et montre qu’une hausse du taux d’int´erˆet sur les d´epˆots a des effets de court terme sur le revenu r´eel plus significatifs qu’une r´eduction du taux d’expansion mon´etaire.

L’analyse suppose, qu’`a court terme, le volume de la production Yt de la p´eriode t est reli´e au capital utilis´e Kt selon une fonction de production de type Harrod-Domar `a coefficient de capital constant.

Le capital Kt se r´epartit entre le stock de capital fixe KF

t et le stock de capital circulant KC t dont les parts respectives sont α et (1 − α) :

KtF = αKt et Ktc= (1 − α)Kt (5.6)

o`u α est un param`etre fix´e par des facteurs techniques.

Le financement interne ne permet pas aux entreprises de se constituer un fond de roulement suffisant pour l’exploitation courante, les entreprises d´ependent, donc, du financement externe et du cr´edit pour financer, en partie, le capital circulant.

L’auteur, suppose, pour la simplicit´e de l’expos´e, qu’une fraction θ constante est financ´ee par le cr´edit bancaire, le reste (1 − θ) est couvert par les ressources internes de l’entreprise. On a donc :

∆Ldt = θ(1 − α)Kt∆Pt (5.7)

L’´equation (5.7) d´ecrit le volume des cr´edits (∆Ld

t) d´esir´e pour maintenir constante la valeur r´eelle du stock de capital d´esir´e KC

t , compte tenu de la variation du niveau des prix.

Le secteur informel est suppos´e inexistant, la variation du stock de capital, c’est `a dire, l’´ecart entre le stock effectif et le stock d´esir´e est alors ´egal `a la diff´erence entre le cr´edit bancaire effectif et le coˆut de remplacement du capital circulant utilis´e. Il vient alors :

∆Kt= 1 1 − α[ ∆Lt Pt ∆Ld t Pt ] = 1 1 − α[ ∆Lt Pt − πθ(1 − α)Kt] (5.8)

o`u π est le taux d’inflation.

Par ailleurs, `a partir du bilan consolid´e du syst`eme bancaire, l’offre de monnaie s’´ecrit :

Mt= Ht+ Lt (5.9)

L’offre de monnaie Mtest compos´ee des cr´edits bancaires offerts Ltet de la base mon´etaire Ht. Les banques constituent `a leurs passifs des d´epˆots `a vue collect´es aupr`es des m´enages aug-ment´es du refinancement que leur accorde la banque centrale. En contrepartie, elles accordent les cr´edits aux entreprises Lt (et constituent des r´eserves obligatoires). Pour la banque centrale, les ressources issues de la base mon´etaire sont constitu´ees des liquidit´es en circulation et des reserves.

Le mod`ele suppose que la masse mon´etaire se r´epartit en proportion fixe entre le volume de cr´edit et la base mon´etaire, on a donc :

La banque centrale contrˆole, par le biais de la base mon´etaire Ht, `a la fois la masse mon´etaire et le volume des cr´edits bancaires :

˙L = ∆Lt Lt = ∆Bt Bt = ∆Mt Mt = µ (5.11)

Il s’en d´eduit que la variation des cr´edits (en valeur) est une fraction constante de la masse mon´etaire :

∆Lt= µqMt (5.12)

Il est possible, `a ce stade, de r´e´ecrire l’´equation (5.8) comme suite :

∆Kt= 1

1 − α[µq Mt

Pt − πθ(1 − α)Kt] (5.13)

o`u ∆Pt/Pt= π d´esigne le taux d’inflation.

En appelant γ le taux de croissance de l’activit´e et v la vitesse de circulation de la monnaie, il vient, en utilisant l’´equation(5.5) :

γ = ∆Yt Yt = ∆Kt Kt = µq v σ 1 − α− πθ (5.14)

Le taux de croissance de l’activit´e d´epend positivement de la croissance de la masse mon´etaire µ, du coefficient de capital σ, du taux d’utilisation du capital α et n´egativement de la vitesse de la circulation de la monnaie et du taux d’inflation (plus pr´ecis´ement du coˆut d’inflation induit par les cr´edits additionnels requis pour remplacer le capital utilis´e). Un coefficient ´elev´e de reserves obligatoires (1 − q) r´eduit la part du volume de cr´edit et diminue, de ce fait, la croissance ´economique. Puisque dans cette ´equation (5.14), la vitesse de circulation de v et le taux d’inflation π sont des variables endog`enes, il convient de les expliquer `a partir des ´equations de comportement de la demande de monnaie et d’anticipation d’inflation.

L’´equation suivante (5.15) exprime une fonction de demande de monnaie `a la Cagan (P.Cagan (1956)). Elle est fonction du taux d’int´erˆet nominal it corrig´e du taux d’inflation anticip´ee πa

t. Md t Pt = Yte a(it−πa t)⇐⇒ Mtd PtYt = e a(it−πa t) (5.15)

avec a un param`etre positif.

On suppose que les agents forment des anticipations selon un m´ecanisme d’anticipations adaptatives. La variation de l’inflation anticip´ee d’une p´eriode `a l’autre est fonction de l’erreur de pr´evision contemporaine (πt− πa

t) que l’on ´ecrit simplement : at dt = β(πt− π a t) = βh(M s t PtYt Mtd PtYt) = βh ¡ 1 v − e a(it−πa t)¢ (5.16)

L’erreur de pr´evision contemporaine (πt− πa

t) est fonction de l’exc`es d’offre de monnaie. Le mod`ele de Kapur se r´eduit alors aux deux ´equations (5.14) et (5.15)auxquelles est adjointe une condition d’´equilibre (at

dt = 0) de long terme.

Se basant sur la solution d’´equilibre du mod`ele, Kapur envisage les politiques de stabilisation pour analyser les effets de deux politiques concurrentes : lib´eralisation financi`ere qui prend la forme d’une augmentation du taux nominal i ou r´eduction du taux d’expansion de la masse mon´etaire µ.

Une hausse de i entraˆıne une hausse imm´ediate des encaisses mon´etaires d´esir´ees et, donc, une r´eduction instantan´ee du taux d’inflation ((5.16). Le taux d’inflation anticip´ee se trouvant `a un niveau plus ´elev´e que le taux effectif, ceci provoque des ajustements d’anticipations qui entraˆınent un niveau d’inflation d’´equilibre plus bas. Pour atteindre l’´equilibre, une diminution de v est n´ecessaire, ce qui accroˆıt le ratio M/pY et donc, le montant de ressources bancaires. D’autre part, la hausse du taux d’int´erˆet cr´editeur nominal i n’a pas d’effet instantan´ee sur la demande de cr´edit bancaire. En diminuant le coˆut r´eel du capital, l’augmentation de π entraˆıne une hausse de γ en permettant un financement du capital circulant plus ´elev´e. En r´esum´e, une hausse du taux d’int´erˆet i a des effets favorables sur l’inflation et la croissance `a court et long termes, notamment :

- une baisse des anticipations d’inflation et donc une baisse du taux d’inflation qui a un effet positif sur la croissance ;

- et un autre effet indirect qui induit une augmentation de la demande de monnaie (Md/P )et donc une hausse de l’´epargne.

Le mod`ele Kapur montre que la politique mon´etariste de lutte contre l’inflation (diminution de la masse mon´etaire) est contre-productive. En effet, en partant d’un r´egime d’inflation ´elev´ee, une d´ec´el´eration `a taux constant µ de l’offre de monnaie pour lutter contre l’inflation diminuera le taux de croissance de l’activit´e γ. L’application d’une r`egle mon´etaire `a la Friedman (r`egle de k% de la masse mon´etaire) conduit `a une r´ecession dans une ´economie financi`erement r´eprim´ee. La baisse du taux d’expansion mon´etaire µ n’a pas d’effet instantan´e sur l’inflation. Cette hausse entraˆıne, plutˆot, une plus grande vitesse de circulation de la monnaie et, donc, une baisse de l’offre r´eelle de la monnaie et une baisse du taux d’inflation anticip´ee. La combinaison de ces deux effets produit un exc`es de demande de monnaie et un taux d’inflation plus bas.

Cependant, si cette r´eduction de µ entraˆıne une r´eduction du taux d’inflation, elle provoque aussi, `a court terme, une r´eduction du taux de croissance de l’´economie γ en augmentant la vitesse de circulation de la monnaie. Une d´ec´el´eration de l’offre mon´etaire se traduit par une r´eduction de l’offre de cr´edit, ce qui a un impact n´egatif sur l’activit´e.

A long terme, en revanche, une fois le taux d’inflation atteint son niveau d’´equilibre, la vitesse v diminue et permet `a γ d’atteindre un niveau d’´equilibre stationnaire plus ´elev´e.

Le mod`ele en ´economie ouverte

Kapur(1983) s’inspire des travaux deMathieson (1979) et compl`ete le mod`ele pr´ec´edent en introduisant la possibilit´e des ´echanges ext´erieurs. Le taux de change, suppos´e verifier la th´eorie de la parit´e des pouvoirs d’achat (PPA), devient ainsi un instrument additionnel de politique ´economique .

L’auteur ajoute ´egalement `a son mod`ele l’hypoth`ese que le capital circulant KC

t peut ˆetre financ´e soit par des cr´edits domestiques Lt soit des credits ext´erieurs Ft:

KtC = LλtFt(1−λ) (5.17)

On suppose que le prix unitaire du capital circulant import´e est ´egal `a l’unit´e ; le prix domestique du capital circulant (et celui de l’output) est donc ´egal au taux de change nominal E.

Sous l’hypoth`ese de minimisation des coˆuts, on a : Ft Lt = 1 − λ λ Pt Et = 1 − λ λ 1 st (5.18)

o`u st est le taux de change r´eel.

L’´equation (5.18) permet de d´efinir le prix implicite PK du capital circulant :

PK = λ−λ(1 − λ)λ−1PλE1−λ= APλE1−λ (5.19)

PK se substitue `a P dans l’´equation (5.8) du mod`ele ferm´e.

En incluant l’hypoth`ese des anticipations rationnelles (πa = π et ∆EE a = ∆EE ), le taux de croissance devient :

γ = µσq(1 − α)

Av − θ[π + (1 − λ)

∆E

E ] (5.20)

La balance des paiements peut ˆetre exprim´ee sous la forme :

∆R = P X − EF + I (5.21)

o`u X est le volume d’exportations, I les flux de capitaux `a court terme et ∆R variation nominale des avoirs ext´erieurs nets.

La monnaie prend la forme de liquidit´e, d’avoirs ext´erieurs nets R et de cr´edits L. comme pr´ec´edemment, la base mon´etaire H peut ˆetre utilis´ee pour contrˆoler l’expansion mon´etaire. On

suppose, comme pr´ec´edemment que le taux d’expansion mon´etaire est constant ´egal `a µ et que la part des cr´edits est constante.

Le mod`ele en ´economie ouverte a trois cibles (q, v et π) et trois instruments de politique (i, µ et w) o`u w repr´esente le taux de d´evaluation r´eelle. L’objectif de l’´Etat est de r´eduire l’inflation et d’augmenter le taux de croissance de l’´economie.

Le principal r´esultat du mod`ele de Kapur (1983) est que le taux de change r´eel devrait se d´epr´ecier durant le passage de la r´epression `a la lib´eralisation. Ce mod`ele montre qu’il n’est pas n´ecessairement optimal de d´evaluer initialement le taux de change nominal par le biais d’une ´etendue compl`ete de restrictions dans une ´economie qui commence sa lib´eralisation. En effet, ce genre de d´evaluation risque de produire des flux de capitaux `a court terme excessifs. En effet, un taux de d´epr´eciation r´eel tr`es ´elev´e pendant la p´eriode de transition r´eduit le taux de croissance. D’autre part, une vitesse de circulation de la monnaie (v) tr`es ´elev´ee conduit `a une augmentation des taux d’int´erˆet (i) et donc `a des entr´ees de capitaux qui peuvent ˆetre excessifs. Bien qu’amenant des contraintes suppl´ementaires en ´economie ouverte (essentiellement risques de d´epr´eciation ou de d´evaluation, possibilit´e d’entr´ee de capitaux excessifs), la lib´eralisation des taux d’int´erˆet est favorable `a l’´epargne et `a la croissance.

5.3.2 L’apport de la th´eorie de la croissance endog`ene :