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Les revenus collectifs de patrimoine favorisent la multifonctionnalité du coton

Dans le document Liste des Acronymes et Sigles (Page 172-177)

Chapitre 5. Libéralisation économique versus actions collectives des

3. Multifonctionnalité du coton et relations de solidarité renforcées par la stabilité des actions

3.2. Les revenus collectifs de patrimoine favorisent la multifonctionnalité du coton

Le coton est un bien marchand dont le processus de production et de commercialisation est encastré dans des relations communautaires. De cet encastrement, émerge des interrelations entre producteurs à l’intérieur des villages, pour accompagner les relations marchandes et leur appartenance à une communauté d’acteurs. L’existence d’une production marchande au sein des communautés de producteurs leur permettent d’assumer un ensemble de fonctions : production de biens non marchands (écoles, centres de santé, forages, puits) et de relations de solidarité. De là, le coton en tant que bien économique remplit des fonctions qui vont au delà, de la seule logique marchande. Le concept de multifonctionnalité de coton (Hugon, 2005;

2007) en se fondant sur celle de l’agriculture de l’Union Européenne reconnue par la Politique agricole commune (PAC), prend en compte l’ensemble des fonctions économiques et sociales

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qu’assure le coton au sein des communautés villageoises. Le coton est un bien par lequel se manifestent les enjeux de la multifonctionnalité par son organisation et les institutions qui l’encadrent au Bénin. Cette multifonctionnalité du coton a commencé lorsque les producteurs ont décidé d’articuler de manière complémentaire et conflictuelle actions collectives et actions individuelles.

Comparant la répartition et la redistribution des revenus de patrimoine, les départements de l'Alibori et du Borgou qui, ensemble, produisent annuellement près de 60 à 70% du coton-graine, concentrent à eux deux, plus de revenus de patrimoine de 1989-1995 (Figure 16). Cela signifie que, plus les communautés villageoises produisent et commercialisent de coton-graine (s’insèrent dans une logique marchande), plus elles constituent des revenus, utilisés pour élaborer des biens collectifs dans une logique de redistribution et de solidarité. L’insertion marchande favorise l’accumulation de revenus et les productions non marchandes. Une communauté ne peut donc produire des biens non marchands que si elle dispose de ressources nécessaires. Pour cela, il lui faut une production marchande. En revanche, pour produire le coton, les producteurs s’organisent en GV. Ce fonctionnement dialectique marchand et non marchand caractérise les relations économiques qu’entretiennent les producteurs avec les GV.

Figure 16. Allocation et redistribution des plus-values et ristournes (frais de marché et surplus de poids) par département de 1989-1995

Source: MDR, 1995b

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La multifonctionnalité du coton résulte de la coexistence conflictuelle de relations marchandes et non marchandes pour encadrer la production cotonnière dans les villages. Elle résulte de l’organisation collective de la production cotonnière dans les villages. Il nous semble pertinent de souligner cette spécificité du coton que révèle notre thèse par rapport à d’autres travaux. La multifonctionnalité est alors à comprendre au sens de la multidimensionnalité, qui, concerne, de manière indissociable les aspects marchands et non marchands de l’ensemble du processus économique d’allocation des ressources, de production, de répartition et d’utilisation du produit (Barthélémy, 2008). Le coton reste au cœur de l’organisation et du fonctionnement de nombreux villages et de communautés.

Toutefois, le reversement de plus-value rendu possible entre 1989 et 1995 par l’encadrement du marché fut supprimé à partir de 1997-1998 parce que le PAS considère inefficace les mécanismes de soutien et de stabilisation des revenus agricoles. L’intervention étatique dans la sphère marchande comme la production, la redistribution, la transformation empêche la concurrence entre agents économiques et la vérité des prix. Ces mécanismes ont été donc supprimés pour favoriser le jeu libre du marché. Dans cette perspective, la redistribution de la plus-value fut considérée comme une mesure interventionniste qui nuit à l’efficacité de l’action économique.

Le paiement des plus-values et leurs règles d’utilisation ont été pour les GV, un facteur de stabilité de l’action collective favorisant simultanément et de manière indissociée la production cotonnière, les relations de solidarité et les productions non marchandes au sein des communautés villageoises. De 1994 à 1996, le Bénin a été, après le Mali, au deuxième rang des pays d'Afrique sub-saharienne francophone en termes de production de coton-graine (Mercier, 1995). Cette hausse de la production cotonnière n'a pas été atteinte par des rendements plus élevés, mais par un accroissement des superficies cotonnières (400% de 1988 à 1998) favorisées par les recompositions institutionnelles après la libéralisation et par la dévaluation du franc CFA en 1994 (Sinzogan et al., 2004).

Au début de la libéralisation caractérisée par le renforcement des actions collectives des producteurs, les revenus collectifs de patrimoine ont été particulièrement importants dans les communes cotonnières entre 1995-2000 et 2000-2005 (Figures 17 et 18) et ont contribué à produire des biens communautaires tels que les écoles, les centres de santé, les maternités, les forages, les magasins de stockage des produits vivriers. Ces revenus de patrimoine ont aidé à la réfection de pistes cotonnières pour le transport de coton-graine des zones de production

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vers les usines d’égrenage. Ces revenus collectifs aident à réaliser diverses actions sociales dans les villages et renforcent l’appartenance au groupe : recrutement d’enseignants pour les enfants des producteurs, installation de pharmacies villageoises pour vendre les médicaments essentiels. Les revenus collectifs de patrimoine ont été affectés pour construire les sièges des organisations de producteurs. 54 UCP essentiellement des communes cotonnières ont pu ériger leur siège sur un total de 77 communes au Bénin.

Figure 17. Allocation et redistribution des ristournes de surplus de poids par département entre 2003-2008

Source: données de la CSPR, 2010 Figure 18. Allocation et redistribution des ristournes de frais de marché par

département entre 1995-2009

Source: données de la CSPR, 2010

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L’accroissement des revenus collectifs incite à l’insertion marchande. En effet, dans les grandes communes cotonnières comme Banikoara, Gogounou, Nikki et Kandi, les revenus collectifs ont été utilisés pour construire des hôtels. La construction d’hôtels par les producteurs accroît leur insertion marchande parce qu’ils ont un but commercial.

Encadré : Exemple du calcul des frais de marché à Banikoara en 2000-2001

Banikoara est la plus importante commune cotonnière, qui produit annuellement près du 1/3 de la production de coton-graine au Bénin. En 2000-01, tous les GV de cette commune ont produit et vendu dans les marchés villageois respectivement 51.354 tonnes pour la 1ère qualité à 200.000 FCFA la tonne et 2.210 tonnes à 150.000 FCFA la tonne pour la 2è qualité à la SONAPRA.

A l’entrée de l’usine d’égrenage de la SONAPRA et après pesée, la quantité réelle de coton-graine vendue est estimée respectivement à 51.535 tonnes pour la 1ère qualité et 7.010 tonnes pour la 2è qualité. Ainsi, est généré collectivement un excédent de poids de coton-graine entre les marchés des GV et l’usine de la SONAPRA, respectivement 181 tonnes pour la 1ère qualité, soit 36.200.000 FCFA et 4.800 tonnes pour la 2è qualité, soit 720.000 FCFA au titre des ristournes payées directement à la CSPR par la SONAPRA aux GV de Banikoara.

Comme revenu individuel aux producteurs, la SONAPRA a versé à la CSPR une somme de 10.307.056.600 FCFA pour le coton-graine de 1ère qualité et 1.051.500 FCFA pour la 2è qualité, partagée entre les producteurs après avoir payé les crédits intrants dus aux IDI.

Les frais de marché liés à cette production commercialisée sont estimés à 89.910.455 FCFA.

Ils sont également versés par la SONAPRA à la CSPR au profit des GV. En dehors des revenus individuels des producteurs, au total, un patrimoine collectif de 126.724.255 FCFA a été constitué par ces producteurs du fait de l’organisation collective de la commercialisation du coton-graine. Ce sont ces revenus collectifs avec les règles de répartition du groupe qui permettent les productions non marchandes. C’est alors ainsi qu’une production marchande réalisée par une communauté vient à remplir des fonctions qui vont au-delà de la simple fonction marchande et visent à pérenniser le groupe.

Source : CSPR

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Les caractéristiques des biens communautaires et leur mode de production sont bien connus en économie. Ces biens ne sont pas adaptés aux seuls mécanismes marchands. Ils sont produits parce qu’il y a une production marchande qui fournit les ressources nécessaires aux membres de la communauté pour leur production. Ils sont intrinsèquement liés à la production cotonnière. Ils ne sont fournis que si chacun des producteurs et des acteurs privés respectent les règles de fonctionnement. Durant cette période, le coton représente un bien économique produit non seulement pour le revenu individuel reçu mais aussi pour ses dimensions sociales et de solidarité.

En tant que bien sociétal assumant un ensemble de fonctions, la production cotonnière résulte de l’encastrement de relations économiques et sociales. La logique économique qui sous-tend les productions non marchandes correspond plus à celle d’une communauté que de la simple rationalité individuelle. Le principe de redistribution au sein de la communauté assure sa pérennité et incite l’appartenance à un groupe social pour la production cotonnière. Les principes d'utilité et d'identité caractérisent les organisations de producteurs (Bijman et Ton, 2008). Chaque producteur membre de GV combine le principe d’utilité parce qu’il favorise son insertion dans les relations marchandes et le principe d’identité parce que la production marchande fournit les ressources nécessaires pour que s’établissent des relations de solidarité qui garantissent la pérennité des membres du groupe. Le coton a une fonction multidimensionnelle au sein des communautés villageoises et des territoires qui va au delà de la seule logique marchande et nécessite que les fonctions non marchandes qui lui sont associées soient prises en compte dans les politiques publiques.

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