• Aucun résultat trouvé

Cadre général de l’économie institutionnelle

Dans le document Liste des Acronymes et Sigles (Page 61-66)

Chapitre 2. L’économie institutionnaliste pour cerner les relations

3. Cadre général de l’économie institutionnelle

En économie, l'importance structurante des institutions est particulièrement soulignée et reconnue au cours des trente dernières années par la NEI ou l'économie néoclassique qui tente de les ré-endogéniser (Chavance, 2007b). Hodgson (2000) pose la question de la définition de l'institutionnalisme en partie, en termes de critique des approches de marché qui privilégient l’individualisme méthodologique et les considérations de concurrence et d’anonymat des relations pour résoudre les problèmes économiques. Les institutionnalistes critiquent les politiques pro-marché en proposant diverses formes d'intervention et de planification économique. Les formes de gouvernance comme la firme et les relations contractuelles sont souvent mentionnées pour accroître l’efficacité économique lorsque les marchés fonctionnent mal et empêchent le jeu de concurrence de s’exprimer.

La coordination marchande peut s’avérer inefficace en raison notamment des défaillances et imperfections de marché qui empêchent le déroulement normal du processus économique.

L’inefficacité du marché est imputée à l’absence de règles de fonctionnement entre les acteurs. Les approches de marché sont souvent critiquées dans l’approche institutionnaliste

tel-00631045, version 1 - 11 Oct 2011

44

alors que le marché en lui-même est une institution qui fonctionne avec des acteurs et des règles de fonctionnement. Poser ainsi le problème des relations économiques marchandes et définir l'institutionnalisme contre le marché qui fonctionnerait sans règles, revient, à considérer les économistes néoclassiques comme des institutionnalistes parce que le marché a besoin d’institutions pour son fonctionnement, pour l’allocation et la répartition des ressources entre les agents (Hodgson, op. cit.).

Les institutions structurent les systèmes économiques et sont des règles d’usage permettant la gestion des biens collectifs (Ostrom et al., 1994). On ne peut donc pas appréhender l’économie sans comprendre clairement ses règles de fonctionnement qui sont des institutions qui définissent les domaines de choix des individus (Bromley, 1993), le processus d’émergence des institutions, et leurs facteurs de durabilité (de Janvry et Sadoulet, 2002;

Boyer, 2003; Thelen, 2003). L’économie institutionnelle14 étudie spécifiquement la structuration des systèmes économiques qui changent en réponse aux actions collectives (Bromley, op. cit). Selon Postel (2008a), les institutions naissent du désarroi des acteurs devant l'impossibilité d'une prise de décision certaine pour harmoniser leurs comportements ou pour combler leurs lacunes cognitives. Ainsi, les institutions aident les individus et cette relation de dépendance est au fondement d'une mise en évidence de la nécessité d'une forme de coercition. Elles sont une nécessité pour l'existence même de l'action individuelle (Barthélémy et al., 2003).

L’importance15structurante des institutions dans le fonctionnement des systèmes économiques est déjà mentionnée par le courant qualifié de "Vieille économie institutionnelle" (VEI) dont les principaux tenants sont entre autres : Veblen, Commons, Polanyi, Myrdall, Mitchell, pour ne citer qu'eux par opposition à la NEI dont les principaux fondateurs sont Coase, Williamson et North.

14 Le terme économie institutionnelle est abandonné par les institutionnalistes américains au profit de l’économie évolutionnaire dans leur désir d’exprimer qu’ils sont aussi concernés par l’analyse dynamique des processus et des systèmes économiques (Kapp, 1968).

15 L’importance des institutions en science économique s’illustre dans la multiplication des références aux institutions dans les articles et ouvrages d’économie publiés depuis une vingtaine d’années (Chavance, 2007b).

tel-00631045, version 1 - 11 Oct 2011

45

3.1. Opposition VEI et NEI

L’institutionnalisme se caractérise par l'existence de deux sous-groupes, la VEI ou "original institutional economics" et la NEI illustrée par la prolongation de l’analyse de Coase opérée par Williamson qui développe une théorie sur les coûts de transaction, et par l’inflexion donnée par North (1990) à la théorie des institutions et des changements institutionnels. La question sur la différence entre la VEI et la NEI a été abordée. L’un des tout premiers auteurs à l’étudier et qui résume assez bien le pont entre la VEI et la NEI est Rutherford (1995). Plus on rentre dans les détails, plus les différences deviennent évidentes, mais les similitudes qui existent reflètent le fait que les deux courants sont concernés par la même question des institutions, en procédant par des approches différentes (Rutherford, op.cit.).

La VEI ne peut se réclamer être le seul champ économique qui étudie les institutions avec l'arrivée de la NEI (Hogdson, 2000) qui permis à l'économie néoclassique d'intégrer les institutions dans son champ disciplinaire. Le débat d'opposition entre la VEI et la NEI serait même interne au paradigme hétérodoxe. Les points de controverses se concentrent souvent sur des questions méthodologiques (Dolfsma et Spithoven, 2008).

Pour la NEI, l’adjectif "nouvelle" désigne à la fois l'évolution interne de la théorie économique et la volonté de se démarquer de la tradition institutionnaliste souvent critiquée pour son manque d'élaboration d'un authentique corpus théorique. En revanche, pour la VEI, la NEI a été largement investie et développée par la doctrine néolibérale dominante. Malgré l’opposition, il existerait deux points d'accord entre les deux courants sur la théorie de la rationalité procédurale : les acteurs tirent leur décision rationnelle d'une bonne connaissance de la situation d'action et puis dans cette activité cognitive, les acteurs sont guidés par les institutions collectives.

3.2.

VEI

: cadre théorique institutionnaliste ancien ou original

Le terme "institutional economics" a été utilisé par Walton Hamilton en 1918 dans un sens non normatif (Hodgson, 2000). La VEI désigne l'école de pensée américaine fondée dans la première moitié du XXè siècle. Pour cette école de pensée, les institutions constituent l'unité élémentaire d'analyse des systèmes économiques (COREI, 1995; Hodgson, 2000). Cette école de pensée envisage l'économie à partir des facteurs socio-institutionnels et développe une conception évolutionniste des phénomènes sociaux. Réfutant, la notion d'agent individuel

tel-00631045, version 1 - 11 Oct 2011

46

maximisant son utilité, cette école considère que les individus sont affectés par les situations institutionnelles et culturelles (Dequech, 2002; Hodgson, 2000). La VEI inclut les travaux issus des courants de la théorie française de la régulation et de la théorie des conventions (Chavance, 2007a). Les deux théories sont caractérisées par la posture critique ou hétérodoxe, l'opposition très nette à la tradition néoclassique et l'intérêt non exempt de réserves vis-à-vis de la NEI (Chavance, op. cit.).

Dans la VEI, la notion d'agent rationnel néoclassique est abandonnée en considérant que les comportements économiques des individus sont fonction du contexte culturel (Rutherford, 1995). En posant les institutions comme point de départ de la compréhension des réalités économiques, la VEI transforme la conception même de l'explication en sciences sociales et bouleverse les présupposés de l'économie (Bazzoli, 1999). Une telle démarche fait appel à une théorie substantielle des institutions, non comme solutions d'un "jeu" quand le marché ne produit pas un résultat optimal, mais comme composantes essentielles de l'économie, constructions sociales résultant d'un processus historique (Bazzoli, op. cit.).

Dans les travaux de Veblen et de Commons, il y a, à la fois causalité en amont et en aval: les individus créent et changent les institutions, juste parce qu'elles modèlent et contraignent les individus (Hogdson, 2000). Le grand mérite des institutionnalistes dans la structuration des comportements individuels par les institutions, qui serait absent dans l'analyse orthodoxe, est qu'ils admettent, à l’opposé de l’individualisme méthodologique, une analyse complète et globale des comportements des individus.

3.3.

NEI

: le cadre théorique qui prolonge l’analyse néoclassique

La thématique institutionnelle en économie a connu à partir des années 1940, une longue éclipse, de près de cinquante ans, liée à l'hégémonie du courant néoclassique. Durant cette période, l’institutionnalisme avait son champ d’application dans les sous-disciplines comme l’économie du développement, l’économie industrielle, l’économie du travail et des relations interpersonnelles. Elle a refait surface à partir de la fin des années 1980 grâce à l'émergence de la NEI qui se caractérise par la volonté d'intégrer les institutions au corpus néoclassique ou plus généralement de les expliquer dans le cadre de l'individualisme méthodologique (Bazzzoli, 1999; Chavance, 2007a).

tel-00631045, version 1 - 11 Oct 2011

47

North (1990) élabore une théorie des institutions qui re-endogéinise les institutions dans une approche néoclassique (Chavance, 2007a; 2007b; Dequech, 2002; Hogdson, 2000). Dans la NEI, les institutions sont définies comme des règles de jeu dans la société, des contraintes humaines qui guident et structurent les interactions humaines (North, op. cit). Les institutions sont capables d'affecter la performance économique en réduisant les incertitudes, en fournissant une structure ou des règles de conduite ou pour réduire les coûts de transaction.

Deux types d'institutions sont distingués : les institutions formelles (lois, constitutions, etc.) et les institutions informelles (conventions, traditions, coutumes, codes de conduite).

La critique souvent faite au courant de la NEI est la conception des institutions en la considérant comme des contraintes imposées aux individus (Dequech, 2002). La NEI est appliquée à divers courants restés proches du socle standard de la théorie économique tel que la théorie des jeux, la théorie de l'agence, la théorie des droits de propriété, l'approche law economics ou même à l'école autrichienne (Chavance, 2007a).

3.4.

NEI

et théorie des coûts de transaction

Selon Williamson (1991), la théorie des coûts de transaction est inspirée des travaux de Commons (1934), Coase (1937), Barnard (1938), Hayek (1945), Simon (1947; 1962), Chandler (1962) et Arrow (1962; 1969). Si Commons fut le premier à introduire la notion de transaction en analyse économique, celle de coût de transaction et de son influence sur l'organisation économique des activités découle des contributions originelles de Coase. Dans cette perspective, les coûts de transaction sont les coûts des ressources engagées pour effectuer le transfert légal de droit de propriété entre individus en transaction (Kaufman, 2003).

Les coûts de transaction sont les coûts liés à la mesure de ce qui est échangé et dans l'application des accords (North, 1990). La théorie des coûts de transaction souligne que les prix, les technologies et les structures de gouvernance (formes hiérarchiques, marchandes et hybrides) sont simultanément déterminants pour l'efficacité économique (Williamson, 1991).

Les approches et résultats de la NEI ont été critiqués parce qu’ils expliquent les institutions et les arrangements institutionnels du seul point de vue de l’efficience économique (Maucourant, 2006) sans tenir compte du contexte sociologique, historique et légal ou parce qu’ils voient les institutions comme des réponses efficaces aux problèmes économiques (Granovetter, 1985).

tel-00631045, version 1 - 11 Oct 2011

48

La NEI appréhende les institutions comme des règles formelles (constitutions, lois, régulations) et des règles informelles (normes de conduite, conventions, traditions, coutumes) permettant de structurer les interactions humaines et de réduire les incertitudes par rapport aux objectifs sociaux, politiques et économiques (North, op. cit). Dans cette perspective, les institutions définissent les règles de jeu, et leur évolution détermine la nature de réalisation des jeux à travers le temps. Ainsi, institutions et organisations sont différentes (North, op.

cit.). Les institutions sont les règles de jeu alors que les organisations sont les joueurs, constitués par des groupes d’individus : firmes (organisation économique), partis politiques (organisation politique), universités (organisation éducative) qui poursuivent les mêmes objectifs. Cette définition des institutions considère uniquement les règles comme facteurs contraignants guidant, structurant ou influençant les comportements individuels (Hodgson, 1998) et parce que les règles sont aussi une incitation et une opportunité qui favorisent les échanges, le processus de production et de répartition des ressources.

Dans le document Liste des Acronymes et Sigles (Page 61-66)