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Processus de marchandisation versus processus d’identification économique et sociale :

Dans le document Liste des Acronymes et Sigles (Page 98-101)

Chapitre 3. Problématique et méthodologie

3. Approche analytique par système coton

3.4. Processus de marchandisation versus processus d’identification économique et sociale :

La thèse s’intéresse à l’analyse des tensions et contradictions existant entre une logique de fonctionnement marchand avec ses lois et principes de concurrence et d’anonymat d’un côté, et une logique de fonctionnement axée sur l’élaboration d’institutions, d’actions collectives et de règles de conduite pour la contenir de l’autre. Pour notre part, l'intérêt économique de la production cotonnière résulte d'un processus simultané et synchronique qui comprend d’un côté la production, l’accumulation de moyens de production liée à l'insertion du coton au marché que nous appellerons en nous référant aux travaux du Groupe Polanyi (2008), processus de marchandisation, et d'un autre côté le maintien de la stabilité et la pérennité des relations sociales que nous nommerons processus d'identification économique et sociale. Tout comme la production cotonnière ne se crée pas toute seule de manière spontanée, la production de biens non marchands ne se réalise pas toute seule. Les deux processus sont liés,

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et résultent d'un même processus institutionnel indissocié de marchandisation et d’identification économique et sociale.

Le processus de marchandisation est lié à l'insertion croissante des individus dans les marchés. Ce processus, entendu comme l’extension de relations économiques et sociales de forme marchande s'opère via le développement de la sphère marchande et tend à soustraire les sujets de leurs relations sociales (intérieur au groupe social) et d'interconnaissance pour les placer de manière indifférenciée sur un marché (extérieur au groupe social). L'échange marchand implique une dépersonnalisation et tend à s'opérer dans l'anonymat. Dans le marchand, il y a l'exercice de la concurrence, l’absence d’interrelations entre les individus, l’absence de relations de solidarité. Le groupe social a peu d’importance dans l’ordre marchand. Seuls les rapports aux marchandises car dotés de prix d’échange sont pris en considération. Le seul rapport au prix suffit à déterminer la position de chacun des acteurs économiques sans qu’il soit nécessaire pour eux d’entrer en relation directe avec les autres agents, ou même de s’y intéresser (Orléan, 2003). Le cadre marchand suppose trois hypothèses : la concurrence pure et parfaite, l'hypothèse de nomenclature et le principe des dotations initiales (Postel, 2007). "L’hypothèse de nomenclature revient à supposer possible une description d’un ensemble de choses, qualifiées de biens ou de marchandises, antérieurement à toute proposition relative à la société. En d’autres termes, les formes sociales spécifiques (échange, production, …) s’édifient sur un substrat neutre: la nature ou le monde physique dont il est possible de parler en premier lieu"(Benetti et Cartellier, 1980, p.94).

L’hypothèse de concurrence pure et parfaite signifie que l'individu est parfaitement bien informé par le rôle de coordination joué par le commissaire-priseur, dispose d'une bonne connaissance des objets échangés et des prix qui résulteraient de la confrontation entre l'offre et la demande. L’hypothèse de dotations initiales suppose que chaque agent économique dispose d’un minimum de ressources pour produire et échanger les biens sur le marché.

Le processus d'identification économique et sociale concerne les mêmes personnes dans les relations qu'elles tissent au sein de leur milieu. Il suppose la fixation de règles, de normes ainsi que leur mise en œuvre. Il repose sur l'inscription des individus dans des réseaux de relations sociales à travers des pratiques de production et d'échange fondées sur les principes de réciprocité et de redistribution. Il renvoie à la définition du sujet comme élément appartenant à une communauté dont la cohésion repose sur un ensemble de règles de fonctionnement, de normes et de valeurs définies collectivement, lesquelles sont elles-mêmes

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en perpétuelle évolution en raison de la nécessaire adaptation du collectif à son environnement. C'est l'appartenance à ce collectif et l'acceptation de ses règles de fonctionnement qui établissent des relations d'ordre dans des groupes et fondent le processus d'identification économique et sociale.

Le processus d'identification économique et sociale renvoie donc aux actions collectives, aux mécanismes (règles) de solidarité et de cohésion sociale entre producteurs qui permettent au groupe de se maintenir en équilibre. Il définit les actions collectives, les conventions et les règles de fonctionnement et de conduite par lesquelles les producteurs coordonnent les comportements et les processus de prise de décisions (Kogut et Zander, 1996). L’inscription et la participation aux actions collectives et aux relations communautaires permettent de rompre avec la vision d’un homo economicus désencastré de son environnement social, en ce qu’elle autorise à penser la capacité d’action du producteur comme étant une variable qui dépend étroitement des relations qu’il peut mobiliser ou développer avec les autres producteurs appartenant à la même communauté.

L'activité économique fait partie de la communauté et des relations sociales. Elle est entendue comme l'allocation des ressources en vue de développer des processus de production donnant lieu à l'échange qui peut être, selon les cas, de réciprocité, de redistribution, administrée ou de négociation. La possibilité d'une circulation monétaire sur une base non marchande n'est pas exclue de ces processus. Les deux processus sont irréductibles l'un à l'autre, l'un dépend de l'autre et se combinent de manière dialectique (Groupe Polanyi, 2008, p.13).

La caractéristique du producteur de coton est son comportement économique ambivalent ou son dualisme comportemental découlant précisément de sa double participation simultanée à deux logiques économiques opposées mais complémentaires. Le producteur n’est pas à considérer séparément comme un seul individu avec ses valeurs d’individualité lorsqu’il participe à des relations de marché d’un côté ou comme un membre d’un groupe lorsqu’il participe à des actions collectives de l’autre. Les deux processus économiques sont combinés.

D'une part, il est membre de GV avec ses valeurs communautaires, de socialité et de marché et de l'autre, il est chef d’une exploitation familiale et travailleur agricole pris contradictoirement dans une logique d'entreprise avec des objectifs de marché et de profit économique et en même temps avec des règles familiales, sociétales, traditionnelles et coutumières. En tant que simultanément entrepreneur agricole, chef de ménage et travailleur avec les valeurs de marché, il doit simultanément produire des biens vivriers pour le groupe

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familial d’appartenance pour assurer la sécurité alimentaire des membres et en même temps des biens marchands pour assurer la sécurité de revenu monétaire. Cet agent économique pris dans un ensemble de déterminismes économiques et sociaux interreliés l’amène à s’insérer dans des référentiels différents. Ce que Granovetter (1985) appelle encastrement historique et structurel des relations. Il est ainsi traversé et confronté à ce dualisme comportemental.

L’équilibre économique du producteur dépend donc des équilibres dans chacun des espaces économiques dont il est inscrit. L'analyse des comportements économiques du producteur sera donc différente selon qu’il est dans une logique de marché ou dans une logique collective et de solidarité. L’ambivalence comportementale est un facteur fondamental de structuration et d’organisation économique que toute analyse pertinente doit appréhender. Une des spécificités de notre recherche et démarche est de tenir compte des interrelations économiques, toujours associées et en mouvement qui caractérisent le producteur inséré dans deux espaces économique et social différents.

Pour cela, nous caractériserons à chaque instant, ce qui relève de l’action collective, et ce qui relève de l'ordre marchand. La démarche méthodologique combine l’analyse qualitative et quantitative de données socio-économiques de différents niveaux de coordination, d’acteurs ou de groupes d’acteurs du système coton.

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