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Le renforcement des actions collectives des producteurs face à la libéralisation

Dans le document Liste des Acronymes et Sigles (Page 157-162)

Chapitre 5. Libéralisation économique versus actions collectives des

1. Le renforcement des actions collectives des producteurs face à la libéralisation

Le processus de libéralisation du système coton au Bénin ne s’est pas fait dans un cadre de fonctionnement purement marchand où les acteurs interagissent selon la logique

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concurrentielle et d’anonymat. La libéralisation s’est accompagnée d’actions collectives et de règles d’encadrement pour contrôler les actions et comportements des acteurs. D’abord, les règles de fonctionnement des GV sont renforcées par les producteurs pour faire face aux acteurs privés et préserver leur fonction identitaire et leur fonction d’utilité marchande. La libéralisation économique a fait émerger de nouvelles actions collectives à savoir les organisations de producteurs dont les CLS jouent un rôle important dans l'espoir que les producteurs gagnent suffisamment en pouvoir pour influer sur le développement du coton (Sinzogan, 2006).

A partir de 1991, avant même que la libéralisation ne commence, les producteurs ont en effet créé, les Unions communales des producteurs (UCP) au niveau des communes, les Unions départementales des producteurs (UDP) au niveau des départements et en 1994, la Fédération des producteurs du Bénin (FUPRO-Bénin) au niveau national. Ces organisations fonctionnaient avec les GV qui eux coordonnent les actions des producteurs à l’échelle des villages.

Les actions collectives de producteurs formées à différents niveaux géographiques ont pour fonctions la représentation et la défense des intérêts économiques des producteurs face à ceux des acteurs privés. Ces institutions de producteurs leur donne la possibilité de participer aux orientations et à la définition de la politique agricole au Bénin. De plus en plus, la voix des producteurs se fait entendre et ils sont invités aux conférences et ateliers sur l’agriculture.

Cette libéralisation voulue par le gouvernement s’est faite progressivement et s’est heurtée à l’appareil bureaucratique de la SONAPRA, appuyé par les syndicats, qui ont ralenti le transfert de la commercialisation des intrants et de l’égrenage aux opérateurs privés.

La libéralisation a démarré avec celle du marché des intrants. L’entrée des distributeurs privés d’intrants dans le système coton a commencé progressivement. D’abord en 1992 avec un seul distributeur privé, la SDI qui contrôlait seulement 20% du marché, les 80% étaient contrôlés par la SONAPRA. En 1993, 40% des parts du marché étaient confiées à SDI, les 60% restant à la SONAPRA. En 1994, c’est 60% du marché qui était aux mains des opérateurs privés à raison de 50% pour SDI et 10% pour SAMAAC. En 1995, 90% des parts de marché aux opérateurs privés : 46% à SDI, 15% à SAMAAC, 15% à SOTICO, 8% à SOGICOM et 16% à FRUITEX. Ce n’est qu’en 1996 que tout le marché des intrants est pris par les opérateurs privés, et répartit comme suit : 38% à SDI, 15% à SAMAAC, 15% à SOTICO, 9% à

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SOGICOM, 15% à FRUITEX et 8% à ECA. Ainsi, tout le système d’approvisionnement en intrants passe d’un monopole détenu par la SONAPRA à un système multi-acteurs dans lequel opèrent des distributeurs privés.

La privatisation de l’égrenage, quant à elle, a démarré trois ans après la libéralisation du marché des intrants. L’ouverture du marché et d’égrenage du coton-graine aux opérateurs privés a débuté progressivement à partir de 1995. Trois sociétés privés, CCB à Kandi, SOCOBE à Bohicon, ICB à Ouassa Pehunco, de capacité chacune de 25.000 tonnes, ont reçu l’agrément d’installer des usines sur des aires géographiques proches des zones cotonnières en partenariat avec la SONAPRA. En 1997, deux autres sociétés privées, LCB à Paouignan de capacité 50.000 tonnes et SEICB à Savalou de capacité 25.000 tonnes ont installé leur usine.

Trois autres suivront en 1998 : MCI à Nikki de capacité 60.000 tonnes, SODICOT à N’dali de capacité 40.000 tonnes et IBECO à Kétou de capacité 25.000 tonnes. Ainsi, huit usines d’égrenage sont installées par les opérateurs privés en plus des dix usines de la SONAPRA à Banikoara, Kandi, Bembérékè, Parakou I, Parakou II, Glazoué, Savalou, Bohicon I, Bohicon II, Hagoumè, de capacité cumulée de 312.500 tonnes. L’installation effective des huit usines privées accroît la capacité totale d’égrenage du Bénin de 275.000 tonnes, mettant ainsi fin au monopole sur la commercialisation, la transformation et de l’exportation de coton fibre de la SONAPRA. La construction d’usines privées avec la privatisation porte à 587.500 tonnes la capacité totale d’égrenage dont dispose le Bénin, alors qu’en 2005, année de production maximum, la production de coton-graine n’a atteint que 420.000 tonnes.

Ce changement institutionnel a modifié la structure des marchés, des règles de fonctionnement avec lesquelles chaque acteur joue. Le changement de règles signifie la remise en cause des fondements de la coordination et les équilibres de pouvoirs résultant des arbitrages difficiles entre une plus ou moins grande centralisation/décentralisation. Ce changement institutionnel avec l’élaboration de règles pour encadrer les comportements des acteurs par rapport à la futurité complexifie les interrelations et la coordination qui requièrent alors un renforcement institutionnel.

1.1. Contrôle du marché des intrants par les producteurs

Face à la libéralisation complète du marché des intrants en 1996, fut créé sur l’initiative des producteurs, la Coopérative d'approvisionnement et de gestion des intrants agricoles (CAGIA) par décret n° 99-537 du 17 novembre 1999 afin de contrôler et d’encadrer le processus

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d’approvisionnement en intrants. Entre 1996 et 1999, malgré l'entrée de distributeurs privés et la fin du système de monopole, la SONAPRA coordonnait l’approvisionnement en intrants jusqu’en 1999-2000. Elle veillait à ce que les distributeurs privés livrent effectivement les intrants aux producteurs, se chargeait encore de récupérer les crédits intrants auprès des producteurs et de payer les distributeurs. On était encore dans une logique de régulation contrôlée par l’Etat alors que la régulation du marché des intrants à partir de 1999 se veut être contrôlée par les producteurs.

La CAGIA est la première institution créée par les producteurs face à la libéralisation du marché des intrants et a pour fonction la coordination et la gestion du processus d’approvisionnement en intrants par les producteurs eux-mêmes. En effet, la CAGIA recueille et évalue les demandes en intrants de ses membres et participe en tant que représentant des producteurs dans la commission d'intrants agricoles qui sélectionne et autorise les fournisseurs privés d’intrants. Ses règles de fonctionnement consistent à sélectionner par appel d'offre chaque année avant le début de la saison de culture du coton. Les IDI privés sont sélectionnés que si le prix CAF proposé de chaque catégorie d'intrants (pesticides, engrais NPK, urée) est le moins disant parmi toutes les propositions obtenues. Les autres IDI privés qui souhaitent commercialiser des intrants doivent aligner leur prix CAF sur celui du moins disant. À la fin du processus, les communes cotonnières sont réparties entre les IDI retenus.

La CAGIA forme les producteurs sur la façon d'utiliser les intrants. L’Etat s’est retiré ainsi de la vente des intrants, de la commercialisation, transformation et exportation du coton avec leur transfert aux opérateurs privés. En 1999-2000, la Déclaration de politique de développement rural (DPDR) complète la LDPDR en précisant le contenu et les conditions de désengagement de l’Etat des fonctions de production, de transformation et de commercialisation.

1.2. AIC : l’institution de contrôle multi-acteurs et de coordination du système coton soumis à la libéralisation économique

D'autres institutions pour le contrôle légal des transactions ont été créées sur l’initiative des producteurs et des acteurs privés. Cela a aboutit à un management interprofessionnel qui repose sur plusieurs institutions. En effet, l'AIC créée collectivement en 1999 par la FUPRO-Bénin et l’Association professionnelle des égreneurs du FUPRO-Bénin (APEB) est une instance de décisions et de réglementation de la coordination des fonctions économique et sociale du

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coton. Les IDI ont créé le Groupement professionnel des distributeurs et importateurs d'intrants (GPDIA) qui intègre également l'AIC.

Comme institution créée par les acteurs, l’AIC à travers un accord-cadre signé avec l’Etat le 20 décembre 2004 et homologué par décret n°2005-41 du février 2005 coordonne plusieurs activités relatives à la production cotonnière. Cet accord-cadre, dans son article 1er, clarifie les rôles et responsabilités de l’Etat et des opérateurs privés, reconnait l’AIC comme seule institution légale, et définit un règlement d’organisation et de fonctionnement des relations entre l’Etat et l’AIC.

Par l’accord-cadre qui prolonge les engagements pris dans le cadre de la LDPDR, l’Etat délègue les fonctions de coordination et de gestion du système coton à l’AIC qui devient l’institution de régulation du système coton au Bénin. Les fonctions d’approvisionnement en intrants, de commercialisation du coton-graine, de paiement des fonds coton aux producteurs, le financement de la recherche cotonnière, l’encadrement des producteurs, la production de semences, le classement du coton fibre et la construction des pistes cotonnières sont assumées par l’AIC.

Parce que la SONAPRA n’a plus son monopole dans l’approvisionnement en intrants et dans la commercialisation du coton-graine, l'AIC organise et coordonne le processus de consultation et de négociation entre le secteur privé et le gouvernement. Dans un système où les intérêts économiques sont contradictoires et opposés, la coordination institutionnelle s’avère difficile compte tenu des intérêts à prendre en compte. L’AIC a mis en place un mécanisme de médiation entre les acteurs et s'efforce de faire en sorte que les règles de fonctionnement et les lois définies pour assurer le fonctionnement du système soient respectées par tous.

1.3. CSPR : l’institution de contrôle légal pour l’allocation et la répartition des ressources

Face à la coordination multi-acteurs, est créée en 2000, sur décision de l’AIC, une troisième institution, la Centrale de sécurisation des paiements et de recouvrement (CSPR) pour lui permettre d’accomplir efficacement sa mission de contrôle et de coordination. La CSPR est une chambre de compensation pour tous les échanges financiers et physiques marchands. En effet, la CSPR répartit toute la production annuelle de coton-graine entre les égreneurs,

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encaisse les paiements des égreneurs, récupère les crédits intrants auprès des producteurs avant de payer les fonds individuels et collectifs de vente de coton-graine aux producteurs et à leurs groupements.

Ainsi, la coordination et la régulation du système coton à partir de 2001 sont assurées par les trois institutions, la CAGIA pour les intrants, l’AIC pour la coordination et la CSPR pour l’équilibre physique et financier entre les acteurs. Bien que l’AIC soit une institution pour les trois types d’acteurs (producteurs, égreneurs, IDI), elle est également facteur potentiel de conflit en fonction des intérêts contradictoires entre acteurs privés dans le processus de répartition du marché des intrants et de celui de la commercialisation du coton-graine. Cette forme de coordination comporte les trois types de relations sociales : ordre, dépendance et conflit.

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