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Insuffisances des visions néoclassique et néo-institutionnelle pour appréhender les impacts

Dans le document Liste des Acronymes et Sigles (Page 53-58)

Chapitre 2. L’économie institutionnaliste pour cerner les relations

1. Insuffisances des visions néoclassique et néo-institutionnelle pour appréhender les impacts

1.1. Limites d’une coordination marchande

Une coordination marchande est axée sur les prix et sur les jeux concurrentiels entre agents économiques. La confrontation entre offre et demande est réalisée par le système de prix. Les agents économiques sont supposés parfaitement informés des caractéristiques intrinsèques des biens échangés par le rôle de coordination du commissaire priseur. En économie néoclassique, une coordination marchande est assurée par les prix, excluant toute intervention extérieure considérée comme génératrice d’inefficacité économique. La libéralisation économique insiste moins sur les structures sociales, sur les biens ou services sociaux non marchands, sur les mécanismes de sanctions que sur les mécanismes économiques.

Dans la lignée des économistes classiques et néoclassiques, le fait que les individus soient en rapport avec les autres empêche la concurrence, considérée comme le seul facteur d’efficacité de l’action économique. La théorie néoclassique fondée sur l’individualisme méthodologique est défaillante dès lors qu’il s’agit de penser les phénomènes communautaires et d’une manière générale tout ce qui concerne la dimension sociale de l’activité économique (Barthélémy, 2007).

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Dans cette forme de coordination, peu d’attention est accordée aux institutions. Les développements récents montrent que dans la pure réalité des faits économiques, même les marchés ont besoin d’institutions pour fonctionner. Il ne peut exister de marché sans institutions (Barthélémy, 2008; Banque mondiale, 2005). Toutefois, ce rôle des institutions a été largement ignoré par le courant néoclassique. Selon North (1990), les économistes néoclassiques ont implicitement supposé que les institutions (économiques et politiques) ne comptent pas et que l'analyse statique énoncée dans les modèles d'allocation-efficacité doit guider la politique à mettre en œuvre.

1.2. L’approche par la Nouvelle économie institutionnelle (NEI)

Dans la NEI, le rôle des institutions dans les relations économiques marchandes est bien établi (Williamson, 1991; 1994). Les institutions interviennent dans la réduction des coûts de transaction lorsque les marchés sont défaillants ou sont imparfaits (Banque mondiale, 2002;

de Janvry et al., 1991; de Janvry et Sadoulet, 2003; 2002). Les institutions interviennent dans les mécanismes marchands pour réduire les risques et incertitudes associés à l’échange physique de biens marchands. En économie du bien-être, elles interviennent pour suppléer aux défauts de coordination des marchés dans la production des biens publics, des externalités ou dans le cas des rendements d’échelle croissant.

Des travaux ont abordé les impacts des changements institutionnels de libéralisation des systèmes coton sous les aspects d'efficacité des arrangements institutionnels (Fok, 2010), de l’efficacité de la coordination en termes de niveaux de prix, du respect ou de l’incomplétude des engagements contractuels (Folefack, 2010). D’autres ont analysé les impacts en termes de performance et de compétitivité comparées des filières cotonnières (Tschirley et al., 2008 ; Estur et Gergely, 2010). D’autres travaux ont cherché à estimer les gains en termes de prix payés aux producteurs qui résulteront de cette libéralisation pour limiter l’écart entre prix mondial du coton et prix intérieur payé aux producteurs (Pursell, 2001; Pursell et Diop, 1998).

Des travaux ont analysé les impacts de la libéralisation de la filière cotonnière sur la rentabilité, les performances économiques et sur l’incidence de la pauvreté en zones rurales (Minot et Daniels, 2002). Les indicateurs économiques sont évalués par les facteurs tels que les prix des outputs et des inputs, les quantités de biens marchands produits, les profits économiques, les types et degré des changements institutionnels (Bourdet, 2004; Baffes et al., 2004; Fok, 2010).

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Les travaux plus variés sur les causes et conséquences des changements institutionnels de libéralisation économique sur les filières cotonnières ont été réalisés. Certains ont permis de dépasser le cadre d’analyse entre coordination marchande et coordination par l’Etat (Fok et Tazi, 2003b; Tazi, 2006).

La notion d’efficacité des arrangements institutionnels et des règles de jeu pour cerner les coûts de transaction marchande, les risques et incertitudes peut s’avérer insuffisante.

L’efficacité renvoie à la réduction des coûts dans la production et l’échange. Elle prolonge ainsi l’analyse microéconomique qui met en avant le rôle du marché et les considérations marchandes. Le critère d’efficacité retenu est celui de la minimisation des coûts de transaction et des coûts d’organisation des activités économiques marchandes lorsque les marchés sont défaillants et incomplets. L'objectif de minimisation des coûts économiques reste trop central.

Une forme d'organisation économique est choisie parmi le marché, la hiérarchie et la forme hybride parce qu'elle réduit davantage les coûts de transaction liés à l'activité économique (Williamson, 1994). Les institutions, dont l’existence est reconnue, y sont envisagées seulement en tant qu’elles permettraient, dans le cas spécifique où existent des défaillances de marché, de réduire les coûts de transaction (Barthélémy, 2008).

L’analyse de l’efficacité de la coordination avec la théorie des contrats dans le cas de la filière coton camerounaise (Folefack, 2010) se focalise seulement sur les considérations marchandes, sur les imperfections et défaillances de marché. En effet, un contrat est établi entre acteurs par rapport aux transactions marchandes avec ses principes d’engagement. Ainsi, les relations économiques se limitent à ces seules transactions marchandes alors que les producteurs nouent entre eux des relations de solidarité qui ne relèvent pas de l’ordre marchand.

L’analyse des mécanismes d’incitations et de sanctions pour assurer l’efficacité des relations contractuelles est souvent incomplète (Folefack, 2010). Dans une coordination marchande et multi acteurs comme le cas du système coton au Bénin, la mise en œuvre de sanctions et de mesures d’exclusion pour certains acteurs privés ne respectant pas les règles de fonctionnement peuvent conduire à rendre totalement inefficace la coordination.

Les développements de la nouvelle économie du bien-être ou de la NEI restent incomplets quant à la prise en compte des interrelations engageant les relations de solidarité et communautaires dans les relations marchandes. La plupart des travaux inspirés de la NEI ont appréhendé seulement la coordination post libéralisation économique sous les seuls angles d'efficacité des structures de gouvernance, se référant de manière explicite à l'efficacité des

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relations de marché ou à défaut réduire les coûts de transaction par le choix convenable des structures de gouvernance les plus appropriées (Coase, 1988; Williamson, 1994).

Certains travaux relevant de la NEI ont cherché à mesurer les performances institutionnelles comparatives de différents pays en trouvant des corrélations entre des indicateurs de qualité institutionnelle et les taux de croissance (Tschirley et al., 2008; Tschirley et Labaste, 2007).

L’interprétation restrictive de la maxime institutions matter (institutions sont importantes), parce que les institutions influencent les normes, les croyances et les actions et en conséquence façonnent les résultats (North, 1990 ; Przeworski, 2004), a tendu à réduire la prise en compte du rôle des institutions à une analyse de l’efficacité supposée des meilleures institutions (Chavance, 2007b).

Dans la NEI, la coordination économique est définie comme un ensemble d’efforts ou de mesures visant à faire agir les acteurs dans un système de marché d’une manière similaire ou complémentaire en vue de la réalisation d’un objectif commun (Poulton et al., 2004).

D’autres, l’ont défini comme un processus par lequel des individus mettent ensemble des actions communes ou complémentaires pour atteindre des objectifs individuels (Dorward et Kydd, 2003).

L’analyse comparative des changements institutionnels induits dans neuf secteurs cotonniers en Afrique sub-saharienne (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Mali, Mozambique, Tanzanie, Ouganda, Zambie, Zimbabwe) s’est appuyée sur l’idée que le système économique bénéficie à la fois de la compétition et de la coordination (Tschirley et al., 2008; Estur et Gergely, 2010). L’analyse a porté sur les liens de causalité entre organisation et indicateurs de performance de compétitivité (prix des intrants, prix payé aux producteurs, qualité du coton-graine, valorisation des sous-produits, fourniture des intrants, vulgarisation, recherche) (Tschirley et al., 2009). En effet, cette analyse montre des résultats différents suivant la manière et le degré des changements institutionnels de libéralisation économique.

Les performances des filières cotonnières dépendent de la manière dont le contrôle et les jeux de concurrence entre les acteurs sont simultanément assurés. La concurrence est nécessaire pour assurer l’efficacité et une répartition équitable des bénéfices entre acheteurs et vendeurs (Tschirley et al., 2009). La concurrence est une conséquence omniprésente de la rareté des ressources (North, 1990). Le cadre réglementaire définit les règles, réglementations et autres dispositions juridiques auxquelles les acteurs doivent se soumettre, de façon à permettre à

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celui-ci de fonctionner et de limiter les conflits (Tschirley et al., 2009). Ces deux piliers de l’organisation des filières cotonnières déterminent leurs performances économiques. Ainsi, se pose l’interrelation entre compétition qui suppose l’introduction de la concurrence et la coordination qui suppose l’élaboration de règles et d’institutions. Dans cette perspective, la coordination suppose des mécanismes non marchands alors que la compétition se centre sur les considérations marchandes notamment les prix des biens.

Face aux règles de libéralisation économique du système coton au Bénin, des actions collectives dotées de règles de fonctionnement sont élaborées pour encadrer l’organisation économique et définir le cadre juridique dans lequel doivent s’insérer les acteurs. Certains auteurs soulignent qu’il n’existe pas de marché sans institutions de marché (Barthélémy, 2008; Banque mondiale, 2005; 2002). Pourtant les relations non marchandes peuvent être nécessaires et accompagner une production marchande. Ils peuvent même la conditionner.

1.3. La libéralisation pour éliminer le non marchand du marchand et accroître le marchand

Le processus de libéralisation est entendu comme une forme d’organisation économique dont les relations marchandes déterminent l’efficacité des processus de production et de répartition des ressources. Les facteurs prix déterminent l’offre et la demande de biens pour aboutir à l’équilibre optimal de Pareto. Dans l’économie classique et néoclassique, les prix permettraient une allocation optimale des ressources, une spécialisation conforme aux préférences des agents et orienteraient la coordination. Le marché, en se fondant sur le principe de la main invisible ou de l’anonymat des relations économiques, peut servir comme moyen optimal de coordination des activités individuelles de la transformation de l’intérêt privé en intérêt général.

Le marchand désigne tout processus par lequel l’individu s’extrait du groupe, de la communauté d’appartenance pour l’échange de biens. Pour cela, il est animé d’un comportement concurrentiel pour obtenir le prix le plus élevé lorsqu’il est vendeur du bien, ou pour obtenir le prix le plus faible lorsqu’il est acheteur du bien désiré. Le non marchand s’oppose au principe marchand et désigne tout processus par lequel l’individu est en interaction avec les autres à travers des formes de relations institutionnalisées qui garantit la production et la répartition des ressources. Il inclut précisément dans le cas du système coton du Bénin, toutes les actions collectives pour assurer la coordination inter-individu et le

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contrôle légal des acteurs. Il inclut également les mécanismes d’encadrement des marchés, les politiques interventionnistes de l’Etat, les décrets, arrêtés pour encadrer les comportements des acteurs. Ainsi, le processus de libéralisation économique vise à introduire plus de relations marchandes alors que les relations non marchandes sont à éliminer car supposés génératrices d’inefficacité économique. Les actions collectives et institutions ont alors peu de place à jouer dans la coordination et dans le processus de production et de répartition des ressources, seules comptent, les relations concurrentielles pour atteindre l’équilibre et l’efficacité économique.

1.4. Pas de marchand sans non marchand et réciproquement

L’influence des relations sociales dans lesquelles l’individu sur-socialisé acquiert des coutumes, des habitudes ou des normes en tant que déterminants de l’action économique marchande est établie (Granovetter, 1985). C’est pourquoi, l’analyse par l’efficience économique qui se réfère à un optimum de type parétien rend compte de manière trop sommaire de la complexité des relations économiques qui se nouent dans la production de coton.

Les développements de Commons et de Polanyi que nous présenterons plus loin montrent que la question de l’articulation des relations marchandes et non marchandes dans le fonctionnement et l’organisation économique est bel et bien ancienne. En rejetant la primauté des relations marchandes sur les relations non marchandes, ces auteurs montrent que les deux types d’actions économiques se combinent. Les relations non marchandes sont nécessaires pour faire tenir les relations économiques marchandes, mais elles ne peuvent prévaloir seules.

Leur existence suppose qu’il y ait des relations marchandes pour les soutenir et les rendre durables. Les deux relations économiques sont étroitement liées, l’une ne peut se réaliser sans l’autre, elles fonctionnent ensemble. La question d’interrelation entre sphère économique marchande et sphère économique non marchande forme l’objet d’analyse de la présente thèse.

2. La théorie du changement institutionnel pour rendre compte des

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