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Règles de fonctionnement pour dicter les normes de conduite par rapport à la futurité 115

Dans le document Liste des Acronymes et Sigles (Page 133-138)

2. Emergence de formes d’organisation collective de la production

2.6. Règles de fonctionnement pour dicter les normes de conduite par rapport à la futurité 115

Les règles de fonctionnement dictent les normes de comportements et délimitent les actions individuelles de manière à stabiliser les interactions. Elles jouent dans la coordination et le contrôle légal pour assurer la production, la redistribution et la répartition des ressources.

Les actions collectives des producteurs de coton sont coordonnées avec un ensemble de règles de fonctionnement qui jouent comme mesures coercitives et libératoires des actions individuelles par rapport à la futurité. Les règles de fonctionnement en tant que structure même de l’encastrement institutionnel des interrelations et de leur stabilité, sont essentielles pour assurer le contrôle légal et le contrôle physique, pour guider les comportements individuels et pour définir ce que chaque producteur membre du GV doit ou ne doit pas, peut ou ne peut pas, à la possibilité de faire ou ne pas faire, sous peine de sanctions collectives qui peuvent avoir un caractère moral, économique ou physique. Ces règles de fonctionnement ne sont pas propres à un seul individu mais communes à tous les membres appartenant au GV.

En tant que règles coercitives par rapport à la futurité, les règles de fonctionnement déterminent les normes de comportements des producteurs. La prise en compte de la futurité de chacun des producteurs participant à l’action collective procède d’une démarche de régulation ex ante des comportements individuels. Ainsi, la coordination dépend des

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institutions pour favoriser durablement la coopération et prévenir les comportements opportunistes et les conflits dans des contextes où l’asymétrie d’information prévaut. La coordination des producteurs tient alors aux institutions qui encadrent les interactions entre actions collectives et actions individuelles. La stabilité de la coordination dépend du degré d’articulation des relations marchandes et des relations non marchandes au sein des communautés formées puisque actions collectives (catégories non marchandes) et actions individuelles (catégories marchandes) peuvent rentrer en conflit, rendant impossible la coopération.

2.6.1. Confiance: fondement institutionnel des interrelations économiques

Les interrelations économiques et la coordination supposent l’établissement de confiance pour la pérennité des transactions et des actions collectives. Dans les GV, la confiance était garantie par les règles de fonctionnement qui délimitaient les champs d’actions de chacun (permissions et contraintes), définissaient les obligations mutuelles de chacun des acteurs.

Toute règle de fonctionnement contient des prescriptions interdites, des prescriptions acceptées, requière des actions ou résultats (Ostrom, 1990). Les règles de fonctionnement élaborées pour le contrôle légal des acteurs ont généré des relations de confiance et de réciprocité mutuelle entre producteurs et responsables élus des GV. Les relations de confiance sont nécessaires pour la stabilité des transactions et actions collectives et pour la coordination. Un certain degré de confiance doit être supposé fonctionner entre les membres appartenant à la même communauté, partageant les mêmes valeurs et poursuivant les mêmes objectifs, puisque les arrangements institutionnels seuls ne peuvent pas entièrement arrêter les comportements de force ou de fraude (Granovetter, 1985).

La source de la confiance émane du rapport du producteur à la communauté en tant que membre partageant les mêmes valeurs et règles de fonctionnement que les autres. La prise en charge de la commercialisation par les producteurs eux-mêmes a contribué à la disparition progressive du climat de suspicion entre producteurs vendeurs d’un bien marchand et agents acheteurs. Pour s’insérer et adhérer comme membre de GV, le producteur doit accepter quatre règles communautaires et s’aligner sur les normes de conduite. Il doit en effet, payer les frais d'adhésion et parts sociales, il doit produire du coton, il doit résider dans le village et il doit respecter la règle de l’apport total de sa production.

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2.6.2. Produire le coton pour être membre de GV

Le principe commun de base pour être membre d’un GV est qu’il faut être agriculteur.

Comme dans les zones cotonnières, la production marchande principale est le coton, l’adhésion à un GV est conditionnée par cette production marchande. Le coton a servi comme production de base aux relations communautaires dans les deux départements du Borgou et de l’Alibori. C’est donc le coton qui insère les producteurs dans des relations marchandes et non marchandes dans ces zones cotonnières. Dans les zones non cotonnières, ces actions collectives sont structurées par des productions vivrières qui peuvent se commercialiser (devenant ainsi marchandes). Des productions vivrières comme le maïs, l’arachide, le riz, le sorgho, l’igname, les cultures maraîchères ou autres productions commerciales comme le karité ont servi comme productions structurantes pour les communautés pour lesquelles le coton n’est pas la principale production marchande. Toutefois, les impacts de l’organisation collective pour les productions vivrières n’ont pas été aussi spectaculaires que ceux du coton.

Il faut donc une production marchande qui fournisse des revenus monétaires nécessaires et suffisants pour qu’il y ait durabilité, pérennité et stabilité des actions collectives et de l’interaction entre actions collectives et actions individuelles dans le temps et dans l’espace.

Pour les GV non coton qui se sont formés, les mêmes principes et règles de fonctionnement sont mis en vigueur mais leur durabilité n’a pas été assurée.

2.6.3. Le village : l’unité géographique de l’action collective

Initialement, le village était le seul et unique niveau géographique de coordination et de l’action collective des producteurs. Dans chaque village où les communautés de producteurs existent, les marchés villageois contrôlés par les producteurs eux-mêmes ont été institués.

L’institutionnalisation d’un marché villageois autogéré est fonction du nombre de producteurs résidant et d’une quantité minimale de coton-graine à commercialiser. Il peut exister au moins un GV ou parfois deux par village selon l’étendue géographique du village ou le nombre de producteurs résidant. Ainsi, le nombre de GV dans un village était conditionné et contrôlé par les règles de fonctionnement. La référence au territoire villageois auquel appartient le producteur est importante à prendre en compte dans la coordination. Elle relie l’individu à une zone précise dont les spécificités de pratiques, de valeurs, coutumières et traditionnelles sont connues des acteurs. Il peut y avoir des GV spécifiques à une ethnie, justement lorsque les pratiques, valeurs coutumières et traditionnelles de cette ethnie sont différentes de celles des autres ethnies du village (cas des Peulhs).

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2.6.4. Le paiement des parts sociales

Le paiement des frais d’adhésion et des parts sociales conditionne la participation aux relations communautaires. Ce paiement est nécessaire pour que chaque producteur participe au processus de prise de décisions, de contrôle au sein de la communauté et pour qu’il soit considéré comme membre à part entière de la communauté. Le capital social du GV est composé de parts sociales nominatives estimées en 1970 à 1.000 FCFA par hectare de coton ou de riz cultivé à sa date de création. La part sociale est payable en plusieurs versements. La détermination du montant de chaque versement est laissée à la discrétion de chaque producteur en fonction de sa capacité financière. Dans certains villages, les producteurs ont établi leur capital social avec chacun, la contribution de 25 FCFA et l’ont complété par le versement d'acomptes après la commercialisation de leurs productions. Le paiement des parts sociales ouvre droit de profiter de la distribution des bénéfices ou au contraire de subir éventuellement les pertes.

2.6.5. La règle de la contribution totale

La règle de la contribution totale comme mécanisme contraignant est nécessaire pour obliger chaque producteur à commercialiser sa production dans le GV. C’est elle qui règle les conflits et les cas de comportements opportunistes dans les relations économiques entre producteurs.

C’est aussi par elle, que les droits de propriété sur la production sont transférés du producteur au GV auquel il appartient. En effet, chaque producteur bénéficiant du système solidaire d’accès aux intrants à crédit est contraint de vendre sa production par le GV qui a alors la responsabilité de droit de propriété sur la production vendue. Ainsi, l’accès aux intrants par le GV induit le transfert du droit de propriété futur de la production au GV et non au producteur.

En même temps que l’accès aux intrants est autorisé, le GV contraint l’action individuelle par le transfert légal du droit de propriété sur la production. La règle de la contribution totale joue donc comme un mécanisme de contrôle légal des comportements des producteurs, autant elle libère l’action individuelle, autant elle la contraint.

Chaque producteur qui accepte volontairement les règles de fonctionnement intègre le GV.

Cela induit logiquement un comportement ambivalent d’une part, en tant que chef d’une exploitation agricole familiale avec ses règles spécifiques de fonctionnement dont il est le garant et le contrôleur et muni d’une rationalité marchande, et d’autre part, simultanément en tant que membre d’une communauté avec des règles guidant et contrôlant l’action

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individuelle. L’adhésion obligatoire à un groupement implique une organisation capable de la réaliser, de mettre en pratique les règles qui rendent effective l’interaction dialectique entre actions collectives et actions individuelles.

L'acceptation des règles de fonctionnement des GV conduit à des comportements collectifs et individuels harmonieux qui structurent ceux-ci et garantissent la stabilité institutionnelle dans le temps et dans l’espace. Les règles créent des normes sociales qui guident les comportements individuels et collectifs sur la longue durée. Autant, les règles de participation et d'inscription favorisent un contrôle suffisamment fort des individus, ordonnent les relations économiques et sociales autant, la nature des règles contribuent à façonner les comportements et la régularité des transactions et des actions collectives. Les mécanismes d’incitations, permissions et libérations, de sanctions et contraintes sont liés à ces quatre règles de fonctionnement élaborées par les producteurs eux-mêmes pour se coordonner et qui délimitent les champs d’actions. Ces règles de fonctionnement garantissent la confiance mutuelle entre acteurs et sont nécessaires à la stabilité des transactions et des actions collectives. Elles garantissent simultanément l’engagement d’appartenir à la communauté et l’insertion marchande des producteurs pour l’accès aux intrants, la commercialisation du coton-graine, l’accès au crédit solidaire, l’accès garantit à un marché et à un prix de commercialisation.

3. Les transactions de répartition entre producteurs

L'élaboration d’actions collectives avec les règles de fonctionnement que nous venons d’évoquer (cf § 2.6.) ont fait changer les transactions marchandes qui existaient entre les producteurs et les acheteurs de la CFDT qui usaient de la coercition et de la persuasion pour acheter la production cotonnière dans les villages. Avec les actions collectives et les règles de fonctionnement qui les encadrent, les producteurs interagissent entre eux dans les villages.

Ces interactions sont nouées en amont pour l’accès aux intrants et en aval de la production pour la commercialisation du coton-graine dans des marchés villageois. Les marchés villageois sont décidés, fixés et organisés par les producteurs eux-mêmes. Les GV apparaissent comme des formes d’organisation économique associant principe de réciprocité, de redistribution et d’échange marchand. C’est le GV, et non le producteur individuel, qui commercialise la production, qui redistribue les intrants aux membres selon les besoins exprimés. C’est lui qui redistribue les revenus aux producteurs en fonction de la production vendue.

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La commercialisation de la production cotonnière dans les marchés villageois autogérés est régie par un ensemble de règles qui dictent les normes de comportements des producteurs. En effet, le producteur qui cherche à commercialiser sa production, doit l’amener sur le marché autogéré, la pèse sur la bascule et fait enregistrer le poids vendu dans le cahier du GV. Avec les GV qui encadrent alors les relations entre producteurs dans les villages, les transactions de marchandage (négociation) qui existaient entre les acheteurs de la CFDT et les producteurs sont devenues des transactions de répartition organisées selon des principes de solidarité entre producteurs. Les GV en tant qu’arrangements institutionnels permettent de réduire les coûts de transaction liés à la prise en charge des activités marchandes mais aussi de gagner en performance.

Par la suite de la thèse, on parlera de la transaction de répartition pour désigner les relations organisées entre producteurs pour produire le coton et pour répartir les ressources. Comment se gèrent ces transactions de répartition et comment explique-t-on leur stabilité dans le temps et dans l’espace ?

3.1. Les fonctions de contrôle du collectif légal supérieur (CLS) dans les

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