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La multifonctionnalité du coton tient aux institutions

Dans le document Liste des Acronymes et Sigles (Page 152-157)

6. Le patrimoine, résulte des relations non marchandes pour accompagner les relations

6.3. La multifonctionnalité du coton tient aux institutions

Pour que la multifonctionnalité du coton s’exprime, la référence au territoire villageois et le rapport du producteur à la communauté sont essentiels. La multifonctionnalité du coton provient des formes institutionnalisées, des transactions de répartition et des actions collectives que les producteurs ont pu élaborer entre eux dans les villages pour se coordonner.

Dans un premier mouvement et dans un premier sens, c’est la volonté de produire le coton, de le commercialiser, d’accéder aux intrants et aux crédits qui amène le producteur à s’insérer dans un GV en tant que membre à part entière et à accepter les règles élaborées. Dans un second mouvement inverse, sans appartenir au GV, le producteur ne peut recevoir les intrants et commercialiser le coton-graine par cette institution.

Certains travaux assimilent cependant les productions non marchandes du coton comme des externalités positives. Ce qui place la dimension marchande du coton comme le principal mobile qui incite à le produire et les productions non marchandes comme relevant d’une intention non voulue de second ordre. Par définition, les effets externes sont des effets que le

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marché ne prend pas en compte en termes de valorisation ou n’ont pas un prix de marché. Ce qui sépare les deux fonctions marchande et non marchande. Les fonctions marchandes relèvent alors du marché et sont considérées comme génératrices d’efficacité alors que celles non marchandes sont envisagées comme inefficaces.

Les mécanismes institutionnels de la multifonctionnalité du coton montrent qu’elle n’est pas une simple combinaison de production de biens marchands et de biens non marchands ou comme réglant les relations entre acteurs, mais comme la combinaison, la coexistence conflictuelle et l'hybridation de relations de marchandisation et d'identification économique et sociale qui sont complémentaires, en opposition, instables et dynamiques. Or dans la logique marchande, la référence de l’individu à la communauté importe peu. Seules importent, les relations de concurrence et d’anonymat pour aboutir à l’efficacité économique. Ce qui remettrait en cause les fonctions économiques et sociétales du coton.

La stabilité des transactions de répartition et des actions collectives est une condition nécessaire pour que le coton remplisse l’ensemble des fonctions marchandes et non marchandes aux communautés villageoises pour lesquelles il constitue un des rares biens marchands. La stabilité institutionnelle tient à l’encastrement des relations marchandes dans les relations non marchandes des producteurs. Sinon, les actions collectives et les institutions deviennent instables et fragiles. La référence au territoire villageois et l’insertion du producteur à la communauté fondent l’encastrement des relations économiques dans les relations sociales des producteurs.

Les réseaux sociaux jouent un rôle de premier plan dans la stabilité de la coordination, dans le contrôle légal et dans l’expression de la multifonctionnalité du coton. La formation des GV avec leurs règles de fonctionnement concourent à la coordination des acteurs et à l’encastrement institutionnel des relations entre producteurs. Les deux processus, d’insertion marchande et d’actions collectives ne se sont pas faits simultanément même si par la suite les deux fonctionnent de manière indissociée. Une fois que le producteur a rempli les conditions d’adhésion au GV, il peut commercialiser sa production via le GV, et peut s’approvisionner en intrants. La multifonctionnalité du coton dépend alors d’un ensemble de règles de fonctionnement et de leur stabilité. Elle ne peut s’exprimer dans un village que si les producteurs coordonnent leurs actions en s’organisant en communautés dotées de règles spécifiques et où chacun s’inscrit avec des engagements crédibles et respecte les règles de fonctionnement.

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Conclusion

L’organisation collective de la commercialisation du coton-graine, de l’approvisionnement en intrants a favorisé l’articulation des relations marchandes et non marchandes pour les producteurs. Les règles de fonctionnement ont permis de stabiliser les interrelations économiques et sociales entre les acteurs en transaction. Elles ont permis d’asseoir des communautés qui assument un ensemble de fonctions économiques et sociales dans leur village. Les actions collectives des GV se sont révélées fécondes pour les relations marchandes des producteurs. Elles ont favorisé le transfert de compétences et de responsabilités aux producteurs. Ces actions collectives de producteurs ont favorisé l’établissement de rapport de solidarité et de confiance interindividuelle au sein des communautés et ont contribué à changer les relations économiques marchandes asymétriques conduits par les agents d’achat de la CFDT. L’adhésion massive et effective des producteurs qui s’en est suivie a généré une sorte d’effet boule de neige permettant de grossir le club de production de coton et les communautés de producteurs (Fok, 1993).

Dans cette phase, les relations transactionnelles se sont formées avec les GV qui regroupent les producteurs à l’échelle d’un même village. Leur formation a favorisé l’hybridation de relations de marchandisation et de relations d’identification économique et sociale.

L’hybridation est nécessaire pour que les producteurs assurent le contrôle légal et la régulation des relations marchandes. L’hybridation certes instable, joue pour la stabilité des transactions de répartition entre producteurs, pour la stabilité des actions collectives ainsi que celle de la coordination du système coton. Le rapport à la communauté domine les interrelations entre producteurs. Les relations marchandes sont encastrées dans les relations et normes sociales dans les villages et inversement les relations sociales s’inscrivent dans les relations marchandes.

Cette organisation collective a hérité de diverses actions communautaires villageoises antérieures pendant et après la période coloniale. Dans les régions de plantation de palmier à huile du Sud-Bénin, furent créées des Coopératives d’aménagement rural (CAR) pour encadrer la production et la commercialisation du palmier à huile. L’organisation des CAR fut favorisée avec l’aide des coopérateurs Helvétiques et du gouvernement allemand.

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Cette organisation collective s’est étendue à d’autres productions agricoles pour permettre au village de constituer des ressources financières. Des champs collectifs auxquels les villageois devraient consacrer un certain nombre de journées de travail par semaine furent créés sous la responsabilité des conseils villageois. A ce niveau, l’organisation collective s’étend aux individus en âge de travailler de tout le village. La commercialisation des produits permettaient la constitution d’un budget villageois utilisé pour toute action de développement.

Parallèlement furent créés des blocs de cultures avec des producteurs volontaires auxquels revenaient intégralement toute la production.

Pendant la période révolutionnaire d’organisation étatique inspirée du modèle soviétique qui a duré de 1972 à 1990, des regroupements de villageois furent initiés. Les Groupements révolutionnaires à vocation coopérative (GRVC) et les Coopératives agricoles de types socialistes (CAETS) sont des modèles à partir desquels se sont développées des structures collectives de production en milieu rural. Les deux organisations fonctionnent par la collectivisation des moyens de production entre producteurs appartenant à un même village.

Des Groupements féminins (GF) ont été créés pour favoriser la mise en commun des moyens de production entre femmes appartenant à un même village. Les clubs 4D qui signifient "nous avons démocratiquement pris la décision de faire de notre devoir pour le développement de notre chère patrie le Bénin" ont été créés. Un club 4D regroupe de 12 à 25 membres âgés de 13 à 17 ans pour les garçons et de 10 à 17 ans pour les filles pour exploiter en commun un domaine de 3 ha au moins. Les jeunes ruraux bénéficient de formation agricole, économique, sociale et patriotique pour leur permettre de s’installer comme jeunes fermiers. Les formes d’organisation collective des producteurs dans les villages ont connu des résultats mitigés.

Certaines ont été abandonnées avec la chute du régime politique révolutionnaire en 1989.

Mais les GV ont survécu parce qu’ils étaient associés non pas à une vision politique mais à une production agricole marchande essentielle pour l’économie du Bénin et pour la survie économique et sociale des producteurs.

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Chapitre 5. Libéralisation économique versus actions collectives

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