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La responsabilité du fait des travaux et ouvrages publics

3. La responsabilité des Universités du fait de leur patrimoine

3.1 La responsabilité du fait des travaux et ouvrages publics

3.1.1 La dévolution ne change pas fondamentalement les données du problème

On rappelle (cf supra, point 1.2.1) qu’aux termes de l’article L.762-2 du Code de l'Education issu de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1989, les Universités exercent, à l'égard des locaux qui leur sont affectés ou qui sont mis à leur disposition par l'État, les droits et obligations du propriétaire, à l'exception du droit de disposition et d'affectation. Il en va de même, en vertu du même article, des locaux pour lesquels l’Etat a transféré aux Universités la maîtrise d’ouvrage.

Pour les immeubles affectés par l’Etat, les Universités sont donc déjà responsables non seulement de la maintenance courante, mais aussi du gros entretien et des grosses réparations auxquelles se réfère l’article 606 du Code Civil.

D’un strict point de vue juridique, la dévolution ne changera donc rien aux obligations des Universités ainsi qu’aux responsabilités qu’elles encourent en cas de manquement à ces obligations. Comment le rappellent les travaux préparatoires de la loi LRU127, les établissements « sont, par ailleurs, responsables des dommages

résultant d'un défaut d'entretien de l'immobilier même si l'État en est le propriétaire ».

Tout au plus le transfert de patrimoine en toute propriété est-il une occasion supplémentaire de s’interroger sur l’étendue exacte de ces responsabilités.

3.1.2 Notions de travaux et ouvrages publics

La notion de travail public vise un travail immobilier exécuté pour le compte d'une personne publique dans un but d'utilité générale, ces trois critères ayant été formalisés dans la décision « Commune de Montségur »128 du Conseil d’Etat. Il convient en outre d’indiquer que la qualification de travaux publics n’implique pas que l’on se situe sur le domaine public.

Reçoivent également la qualification de travaux publics les travaux immobiliers exécutés par des personnes publiques dans le cadre d’une mission de service public soumise à un régime de droit public129. Cette seconde définition permet de couvrir les travaux immobiliers réalisés pour le compte d’une personne privée, dès lors qu’ils entrent dans le cadre de l’accomplissement par une personne publique d’une mission de service public.

La notion d’ouvrage public correspond au résultat de l’opération de travaux publics et consiste ainsi en un immeuble appartenant à une personne publique et affecté à une utilité générale.

3.1.3 Personne auprès de laquelle la réparation est demandée

Rappelons qu’en application de l’article L.762-2 du Code de l’Education, les Universités sont considérées, pour les biens qui leur sont mis à disposition, comme les maîtres d’ouvrages (CE, 24 janvier 1990, Université des Sciences et Techniques

de Lille I, req. n°69947), et qu’elles sont donc devenues « responsables des dommages résultant de l’utilisation ou de la présence des biens mis à leur disposition par l’Etat » (TA Nancy, 14 septembre 1993, consorts Favre c. Université Nancy II, req. n°90720).

Dès lors, les règles que nous exposons sont valables tant lorsque l’Université est propriétaire des biens en cause, que lorsque ceux-ci ont été mis à sa disposition par l’Etat. En d’autres termes, le transfert de propriété des biens de l’Etat vers les Universités ne modifie pas sur ce point la responsabilité de l’Université.

Il convient de relever que, dans certaines hypothèses, la responsabilité de plusieurs personnes peut être recherchée :

- Les dommages ont été causés par des travaux pour l’exécution desquels une personne publique a fait appel à un entrepreneur : la victime peut demander réparation soit à l’entrepreneur, soit à la personne publique maître de l’ouvrage, soit à l’un et l’autre solidairement130.

- Les dommages ont été causés par l’exécution de travaux ou l’exploitation de l’ouvrage relevant d’une société concessionnaire : la victime peut demander réparation auprès de l’entrepreneur ou de la société concessionnaire qui est considérée comme s’étant substituée à la personne publique concédante, sous réserve du cas de l’insolvabilité de la société en cause.

3.1.4 Conditions d’engagement de la responsabilité pour dommages de travaux publics

La responsabilité pour dommages de travaux publics répare les conséquences de l’exécution d’une opération de travaux publics, ainsi que celles liées à la conception, à l’existence même de l’ouvrage.

La responsabilité d’une personne publique pour dommage de travaux publics peut être engagée si le préjudice, certain, entretient un lien de causalité avec un fait imputé à la personne estimée responsable.

Deux distinctions permettent d’appréhender la diversité du régime de la responsabilité pour travaux publics : celle entre les dommages « permanents » des dommages « accidentels », et celle entre usagers, participants et tiers à l’ouvrage, cette dernière distinction ne s’appliquant que lorsque l’on est en présence de dommages accidentels.

a) Accidents de travaux publics

Le régime de responsabilité varie selon la qualité de la victime : participant aux travaux, usagers de l’ouvrage, ou tiers.

(i) Dommages subis par les participants

Pour que la responsabilité de la personne publique soit engagée, il faut qu’il y ait une faute, la charge de la preuve pesant sur la victime. Il s’agit donc d’un régime assez strict pour la victime.

(ii) Dommages causés aux usagers

En principe, la responsabilité du maître d’ouvrage ou de l’entrepreneur à l’égard des usagers des ouvrages publics est une responsabilité pour faute, mais la faute est dans ce cas présumée. En d’autres termes, la victime n’a pas à apporter la preuve de la faute, et ce sera au maître d’ouvrage de démontrer qu’aucune faute n’a été commise pour s’exonérer de toute responsabilité au titre d’un défaut d’entretien normal.

La notion de défaut d’entretien normal recouvre plusieurs formes : ü il peut s’agir tout d’abord d’un défaut d’entretien au sens strict :

ü il peut s’agir d’un défaut de conception ou d’un vice de l’ouvrage,

ü le défaut d’entretien normal peut également être lié aux règles de sécurité : c’est l’exemple de la chute d’un poteau de basket présentant des marques de corrosion identiques à celles affectant le poteau qui s’était effondré deux semaines avant l’accident (CAA Paris, 23 novembre 1995, req. n°94PA01302).

Dans le cas des Universités, les usagers seront principalement les étudiants et enseignants des bâtiments universitaires.

(iii) Dommages causés aux tiers

Le régime applicable est celui de la responsabilité sans faute, c’est-à-dire que la preuve de l’absence de faute ne pourra pas avoir d’effet exonératoire pour le maître d’ouvrage, et les tiers auront droit à réparation dès lors que le lien de cause à effet entre les travaux ou ouvrages et le dommage est établi.

En d’autres termes, ce n’est qu’en présence d’un cas de la force majeure ou d’une faute imputable au tiers lui-même que la responsabilité ne pourra être valablement engagée.

b) Dommages permanents de travaux publics

Le dommage permanent s’analyse comme une charge qui est imposée à certains membres de la collectivité, sans qu’il y ait une faute, et pour le service de l’intérêt général : par exemple, la gêne causée aux riverains ou aux commerçants pendant les travaux, et, par la suite, d’éventuelles pertes de vue, troubles de voisinage … etc.

Pour que la responsabilité au titre de dommages permanents de travaux publics soit engagée, le dommage causé ne doit pas être simplement certain : il doit pouvoir être qualifié d’« anormal » (particulière gravité) et de « spécial » (par rapport au nombre de victimes).

3.1.5 Causes d’exonération

Il existe plusieurs causes d’exonération :

- le caractère non fautif du fait dommageable alors que l’on se situe de la responsabilité pour faute ;

particulièrement restrictives en droit administratif : il faut en effet pouvoir démontrer que l’événement en cause présente un caractère d’extériorité, d’imprévisibilité et d’irrésistibilité. L’appréciation de la notion est ainsi strictement définie par le juge et appréciée par lui au cas par cas. ;

- l’attribution du dommage à une faute de la victime : l’usage inadéquat de l’ouvrage par la victime, l’imprudence de l’usager, appréciée au cas par cas, sont de nature, à tout le moins, à atténuer la responsabilité.

En revanche, le fait d’un tiers, quelque soit la nature de la responsabilité en jeu, n’est jamais considéré comme exonératoire.