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L’AOT aller-retour constitutive de droits réels

2. Comment utiliser et valoriser le Patrimoine ?

2.8 Les procédures de passation de ces différents montages

2.8.1 L’AOT aller-retour constitutive de droits réels

Les montages aller-retour basés sur l’octroi d’une AOT constitutive de droit réel échappent à l’application des règles de passation propres aux marchés publics. Cette solution a été explicitement affirmée par le Conseil d’Etat s’agissant des BEA94 ainsi que pour les montages en AOT95. Pour parvenir à une telle conclusion, le Conseil d’Etat se fonde sur le double critère que l’administration « n'assure pas la

direction technique des actions de construction, ne devient propriétaire des ouvrages qu'au terme du bail, et ne joue ainsi ni pendant la réalisation desdits ouvrages ni avant le terme fixé, le rôle de maître d'ouvrage ».

En revanche, ils constituent des marchés publics de travaux au sens communautaire (a) et leur octroi est soumis à une procédure précisée par le Code du Domaine de l’Etat (b).

a) L’application du droit communautaire

En effet, le droit communautaire a une vision plus large et plus « réaliste » des marchés publics. C’est ainsi que l’article 1erb) de la Directive Marchés donne la définition suivante des marchés publics de travaux :

« Les "marchés publics de travaux" sont des marchés publics ayant pour

objet soit l'exécution, soit conjointement la conception et l'exécution de travaux relatifs à une des activités mentionnées à l'annexe I ou d'un ouvrage, soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d'un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur.»

Le « par tout moyen que ce soit » oblige à considérer les AOT aller-retour avec constitution de droits réels comme entrant dans le champ d’application de la 93Les Universités ne sont pas soumises à l’autre directive sur les marches publics, la directive 2004/17/CE du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics dans les secteurs de l’eau, de

l’énergie, des transports et des services postaux (dite « Directive Secteurs Spéciaux ») : cf pour une application au

photovoltaïque, infra, Annexe I, point 2.4.

Directive Marchés. S’agissant des contrats de partenariat, le point a été expressément jugé par le Conseil d’Etat96.

Il résulte de ce qui précède que les montages aller-retour fondés sur l’octroi d’une AOT constitutive de droits réels doivent respecter les règles de mise en concurrence énoncées par la directive n°2004/18, à savoir :

ü Publicité préalable au Journal officiel de l'Union européenne,

ü Choix de la procédure : la procédure de principe est l’appel d’offres, c’est à dire une procédure qui exclut toute négociation avec les candidats. Le dialogue compétitif ne sera possible, par exception, que si le projet est complexe97;

ü Délai de présentation des candidatures : 37 jours dans les procédures restreintes98ou en cas de recours au dialogue compétitif, pouvant être réduits de 7 jours si l’envoi est fait par voie électronique ;

ü Délai de présentation des offres : 52 jours pour les procédures ouvertes99 et 40 jours pour les procédures restreintes. En cas d’avis de pré-information, ces délais peuvent être réduits « en règle générale, à 36

jours mais, en aucun cas, à moins de 22 jours » ;

ü Choix des offres : l’administration doit choisir l’offre économiquement la plus avantageuse, sur la base de critères définis avant le lancement de la compétition et pondérés.

b) La procédure administrative

(i) La délivrance d’une AOT non constitutive de droits réels L’article R.53 du Code du Domaine de l’Etat dispose :

96

CE, 29 octobre 2004, J.P. Sueur et autres, UNSFA, Association pour la transparence et la moralité des marchés

publics et Fédération Nationale des Elus Socialistes et Républicains, Syndicat National des entreprises du second oeuvre du bâtiment, req. n°s269814, 271119, 271357, 271362, concl. D. Casas).

97L’article 29 point 1 de la directive 2004/18 précise qu’il n’est possible de recourir au dialogue compétitif que lorsque le projet est « particulièrement complexe », et l’article 1er point 11-c) de la directive précise : « un marché public est considéré comme "particulièrement complexe" lorsque le pouvoir adjudicateur: n'est objectivement pas en

« Sous réserve des règlements particuliers qui attribuent

compétence à d'autres autorités administratives, notamment à l'autorité militaire, les préfets, agissant en qualité de représentants des ministres chargés de la gestion et de la garde du domaine public national dans le département, autorisent les occupations temporaires et le stationnement sur les dépendances de ce domaine et prennent les décisions relatives à leur administration. »

C’est au vu de l’acte affectant le domaine de l’Etat aux Universités que l’on pourra déterminer si celles-ci peuvent octroyer directement des AOT sans droit réel.

Toutefois, la jurisprudence100 a reconnu que l’article L.726-2 du Code de l’Education conférait aux instances des Universités la compétence pour consentir des AOT traditionnelles sur le domaine qui leur est affecté ou qui est mis à leur disposition. Cette compétence s’étend à la fixation et à la perception de la redevance d’occupation du domaine. Si les biens concernés par l’AOT relèvent de la propriété d’une collectivité territoriale, il conviendra de regarder la convention mettant à disposition de l’Université les biens en cause, afin de déterminer si l’Université se voit reconnaître la possibilité d’accorder directement une telle AOT.

S’agissant de leur propre domaine, ce sont bien les Universités, en tant que propriétaire, qui délivreront de telles autorisations.

(ii) La délivrance d’une AOT constitutive de droits réels

L’article L.719-14 du Code de l’Education prévoit in fine que :

100CAA Paris, 27 avril 1999, Université Paris IX Dauphine, Rec. Lebon p.512 : « Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi susvisée du 10 juillet 1989 : "Les établissements publics d'enseignement supérieur peuvent se voir confier, par l'Etat, la maîtrise d'ouvrage de constructions universitaires. A l'égard de ces locaux comme de ceux qui sont mis à leur disposition par l'Etat, les établissements d'enseignement supérieur relevant du ministre de l'éducation nationale ou du ministre de l'agriculture exercent les droits et obligations du propriétaire, à l'exception du droit de disposition et d'affectation des biens" ;Considérant qu'au cours de sa séance du 8 janvier 1996, le conseil d'administration de l'UNIVERSITE de PARIS IX DAUPHINE a fixé, au nombre des "tarifs divers" votés pour l'année universitaire 1996-1997, celui d'une "carte de parking" dont le montant, sauf pour le personnel, s'élève à 1.000 F hors taxes ; Considérant que la fixation des redevances pour occupation du domaine public d'une personne morale de droit public fait partie des droits que celle-ci exerce en sa qualité de propriétaire ; que si le tarif de stationnement des automobiles dans les parcs que l'Etat a mis, parmi les autres locaux universitaires, à la disposition d'un établissement d'enseignement supérieur constitue une redevance d'occupation du domaine public, sa fixation, qui ne relève pas du droit de disposition et qui ne modifie pas l'affectation des biens, a été transférée, par application des dispositions spéciales de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1989 précitées et par dérogation aux dispositions

« Les biens qui sont utilisés par l'établissement pour l'accomplissement de ses missions de service public peuvent faire l'objet d'un contrat conférant des droits réels à un tiers, sous réserve de l'accord préalable de l'autorité administrative compétente et de clauses permettant d'assurer la continuité du service public. »

Quelle est l’autorité administrative compétente ? Il faut se reporter à l’encadrement législatif général sur les AOT constitutives de droits réels qui résulte des dispositions combinées des articles L.2122-6, L.2122-10 L.2122-14 du CG3P.

Le premier est celui qui institue la possibilité d’accorder des droits réels sur le domaine public, et l’article L.2122-14 précise que cette possibilité est applicable « aux établissements publics de l'Etat, tant pour le

domaine public de l'Etat qui leur est confié que pour leur domaine propre ».

Mais l’article L.2122-10 précise que « lorsque les ouvrages,

constructions ou installations sont nécessaires à la continuité du service public, les dispositions de l'article L. 2122-6 ne leur sont applicables que sur décision de l'Etat », et l’article L.2122-14 ajoute que « des décrets en Conseil d'Etat apportent les adaptations nécessaires aux dispositions relatives à la gestion du domaine public par les établissements publics de l'Etat, et notamment les conditions dans lesquelles les décisions prises par les autorités compétentes de ces établissements sont, dans les cas prévus à l'article L. 2122-10, soumises à approbation de leur ministre de tutelle et du ministre chargé du domaine. »

Ces décrets en Conseil d’Etat sont les articles R.57- 2 et suivants du Code du Domaine de l’Etat.

L’article R. 57-4 II précise que, même s’agissant du troisième alinéa de l’article R.57-3 I, c'est-à-dire du cas du domaine public propre d’un établissement public, « s'il apparaît (…) que tout ou partie des

ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier dont la réalisation est envisagée sont nécessaires à la continuité du service public auquel est affecté le domaine public concerné par la demande, il ne peut y être fait droit que sur accord préalable du ministre de tutelle et du ministre chargé du domaine, ou du préfet après avis du directeur des services fiscaux, selon que le montant des travaux projetés est ou non supérieur à 3 000 000 euros hors taxes. »

Il est précisé que « faute d'obtention de cet accord préalable dans un

délai de deux mois à compter de la saisine du préfet ou de quatre mois à compter de la saisine des ministres, l'autorité compétente de l'établissement public ou autre organisme gestionnaire est tenue de refuser le caractère constitutif de droit réel au titre d'occupation du domaine public demandé ».

En conclusion, même sur le domaine public dont elle est propriétaire, l’Université devra recueillir l’accord préalable des autorités de l’Etat pour accorder des AOT créatrices de droits réels.