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AOT et conventions domaniales

2. Comment utiliser et valoriser le Patrimoine ?

2.4 AOT et conventions domaniales

2.4.1 Les deux catégories d’AOT

Il y a deux catégories de montages en AOT pouvant être utilisées pour valoriser le domaine des Universités.

Le premier est celui d’un montage locatif, dit aussi « montage aller-retour » : la collectivité publique autorise un opérateur privé à édifier sur un terrain appartenant à ladite collectivité un immeuble dont il reste propriétaire sous d’importantes réserves. En retour, la collectivité loue cet immeuble dès son achèvement, le loyer comprenant non seulement la partie proprement locative, mais aussi une part représentative du coût de la construction et du financement intercalaire. Ce montage est souvent désigné sous le nom de « AOT-LOA » (LOA = location avec option d’achat). De nombreux immeubles ont été édifiés sur la base de ce montage : l’ENSTA (Ecole Nationale Supérieure de Techniques Appliquées) ou le Centre des Archives du Ministère des Affaires Etrangères, de nombreux commissariats et gendarmeries … etc.

Les montages en AOT-LOA, constituent l’une des formes contractuelles de la famille plus vaste des « partenariats public-privé » ; ils permettent tout à fait aux Universités de faire édifier des bâtiments universitaires selon des modalités très proches de celles du contrat de partenariat qui sera étudié par la suite.67

67Le Conseil d’Etat a admis la légalité d’un tel montage dans un important avis du 31 janvier 1995 (CE, section de l’intérieur et section des travaux publics, avis n°356960, 31 janvier 1995) : « La loi du 25 juillet 1994, en permettant au titulaire d’une autorisation temporaire d’occupation du domaine public de l’État de disposer d’un droit réel sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu’il réalise « pour l’exercice d’une activité autorisée par ce titre », n’exclut pas que ce droit réel soit utilisé en vue de la réalisation d’un ouvrage qui serait mis, par voie

Université Entreprise privée

Loyer

CMD

AOT

SCHEMA DE « MONTAGE ALLER-RETOUR »

Temps aller : autorisation d’occuper le domaine public, avec obligation d’édifier bâtiment universitaire

Temps retour : convention de mise à disposition (CMD), prévoyant le paiement d’un loyer

Université Entreprise privée

Loyer

CMD

AOT

SCHEMA DE « MONTAGE ALLER-RETOUR »

Temps aller : autorisation d’occuper le domaine public, avec obligation d’édifier bâtiment universitaire

Temps retour : convention de mise à disposition (CMD), prévoyant le paiement d’un loyer

Le second type d’AOT est différent et les Universités y sont bien habituées : c’est une simple autorisation accordée à un tiers d’occuper le domaine public universitaire, ce tiers n’étant pas, comme dans le montage aller-retour, rémunéré par l’Université mais par des usagers : du distributeur de boissons à la librairie, en passant par l’installation de photocopieurs, les exemples sont nombreux. Appelons ce second type « AOT concessive » dans la mesure où son modèle économique repose sur les revenus que se procure auprès des tiers l’occupant du domaine, et qui sont supposés rentabiliser ses investissements.

Attention, certaines AOT « concessives » sont en réalité accordées pour répondre aux besoins de l’administration.

Dans ce cas, il pourra juridiquement s’agir de marchés publics, avec des règles de passation très différentes. On peut citer en exemple les AOT accordées pour la réalisation de projets photovoltaïques, qui seront étudiés en Annexe I.

Université Entreprise

privée

Redevance domaniale

AOT

L’AOT « CONCESSIVE »

Usagers

Université Entreprise

privée

Redevance domaniale

AOT

L’AOT « CONCESSIVE »

Usagers

Les deux AOT ont des finalités différentes : alors que l’AOT « aller-retour » est une des formes de la commande publique, c’est un montage permettant à l’Université de répondre à ses besoins, à savoir essentiellement la construction ou la réhabilitation de bâtiments. L’AOT « concessive », en revanche, est un simple mode de valorisation du domaine ; son seul but est de rendre le domaine public producteur de revenus.

L’Université propriétaire ou affectataire du domaine perçoit en obligatoirement une redevance (art. L.2125-1 CG3P) qui tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation (art. L.2125-3 CG3P). Selon la jurisprudence, le montant de la redevance est fixé d’après la valeur locative d’une propriété comparable mais aussi d’après les avantages spécifiques procurés, et notamment la rentabilité de l’exploitation68. Aux termes de l’article L.30 du Code du Domaine de l’Etat, il revient au « département des finances [c'est-à-dire au service des domaines, devenu France Domaine] de fixer définitivement, sur l'avis et sur la proposition des

services techniques, les prix des locations et concessions relatives au domaine national, sans exception ni réserve pour le domaine militaire, quels que soient la forme et l'objet de ces locations et concessions ».

L’OCCUPATION DU DOMAINE PAR UNE AUTRE PERSONNE PUBLIQUE EST ELLE PAYANTE ?

Ainsi qu’il a été rappelé plus haut, le principe est celui selon lequel toute occupation du domaine public donne lieu au paiement d’une redevance par l’occupant. On pourrait penser que lorsque l’occupation est consentie à une autre personne publique, la gratuité de cette occupation pourrait être admise. Il n’en va pas ainsi.

L’article L.2125-1 du CG3P affirme le caractère onéreux de l’occupation du domaine public en les termes suivants :

« Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance sauf lorsque l'occupation ou l'utilisation concerne l'installation par l'Etat des équipements visant à améliorer la sécurité routière. »

Il prévoit ensuite plusieurs exceptions pour lesquelles la gratuité peut être prévue. Selon cet article en effet : « Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être délivrée gratuitement :

1° Soit lorsque l'occupation ou l'utilisation est la condition naturelle et forcée de l'exécution de travaux ou de la présence d'un ouvrage, intéressant un service public qui bénéficie gratuitement à tous ;

2° Soit lorsque l'occupation ou l'utilisation contribue directement à assurer la conservation du domaine public lui-même.

En outre, l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être délivrée gratuitement aux associations à but non lucratif qui concourent à la satisfaction d'un intérêt général. »

En dehors de ces cas expressément autorisés par le Code, toute occupation du domaine doit donc être payante, quand bien même l’autorisation serait accordée à une autre personne publique.

Dans l’hypothèse où une Université souhaiterait mettre à disposition d’une autre Université son domaine public, pour permettre par exemple une certaine mutualisation, cette mise à disposition donnerait en principe lieu au paiement d’une redevance, car aucune des exceptions précitées ne pourrait valablement s’appliquer.

2.4.2 Les conventions domaniales

L’adoption du CG3P et de l’article L. 2122-6 n’a pas eu pour effet de priver l’Etat et ses établissements publics de la faculté de délivrer des autorisations d’occupation du domaine public non constitutives de droit réel, notamment en vue de permettre la valorisation économique de leur domaine. Il suffira uniquement, en application de l’article L. 2122-6 que le titre prévoie expressément qu’il n’est pas octroyé de droit réel à son titulaire. Ces autorisations revêtent en général la forme et la dénomination de conventions domaniales

L’utilisation envisagée dans le cadre de la convention domaniale doit être conforme à la destination de cette partie du domaine public et compatible avec son affectation69. Le caractère de domanialité publique n’est pas incompatible avec la volonté des personnes publiques de valoriser leur patrimoine en l’exploitant à des fins économiques.

Les principales caractéristiques de ce titre d’occupation domaniale sont les suivantes :

- l’autorisation est temporaire70; - elle est précaire et révocable71;

- elle est délivrée à titre strictement personnel72.

Cependant, il faut noter que la jurisprudence reconnaît depuis longtemps une appropriation privative des installations édifiées sur le domaine public dans les conditions fixées par le titre d’occupation73.

Ainsi, dans l’arrêt Sagifa du 21 avril 1997, le Conseil d’Etat affirme :

« Considérant que l'appropriation privative d'installations superficielles édifiées par le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public n'est pas incompatible avec l'inaliénabilité de celui-ci, lorsque l'autorisation de l'occuper et d'y édifier des constructions n'a pas été accordée en vue de répondre aux besoins du service public auquel le domaine est affecté. »

Il en résulte que lorsque l’autorisation domaniale ne vise pas à satisfaire un besoin du service public, alors il est possible pour l’occupant de se voir conférer des droits

69Article L.2121-1 du CGC3P. 70Article L.2122-2 du CG3P. 71Article L.2122-3 du CG3P.

72CE, 6 novembre 1998, Association amicale des bouquinistes des quais de Paris, req. n°171317.

similaires à celui du propriétaire sur les ouvrages qu’il a édifié sur la dépendance du domaine public.

2.4.3 Conséquences de la dévolution

Les AOT recouvrent des réalités juridiques et pratiques très différentes.

Les Universités sont habituées aux modestes autorisations accordées aux occupants divers pour leur permettre d’exercer leurs activités, qu’il s’agisse de l’installation de distributeurs de billets ou de l’octroi d’un local au bureau des élèves. Pour ces AOT là, la dévolution des biens changera peu de chose : tout au plus l’Université sera-t-elle certaine, en étant propriétaire, qu’sera-t-elle peut délivrer des AOT sans en référer à sa tutelle. Mais, si ces AOT sont constitutives de droits réels elle devra, même si elle est propriétaire, demander l’autorisation à sa tutelle et au ministre des finances. La seconde catégorie d’AOT, le montage aller-retour, est un partenariat public-privé. Il nécessite, contrairement au contrat de partenariat, l’octroi de droits réels. S’il est vrai que le fait d’être propriétaire permet un tel octroi, il sera de toutes façons nécessaire, aux termes de l’article L.2122-10 du CG3P, de demander l’autorisation de l’Etat (voir infra point 2.8.1 b)) : la dévolution des terrains par l’Etat ne changera donc que peu de choses.

En tout état de cause, si elles veulent réaliser des partenariats public-privé, les Universités disposent d’un instrument beaucoup plus adapté, à savoir le contrat de partenariat, qui sera étudié ci-après.