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Les critères de la domanialité publique

2. Distinction selon l’affectation : domanialité publique ou privée

2.1 Les critères de la domanialité publique

« Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ».

L’appartenance d’un bien au domaine public est donc conditionnée par la satisfaction des deux critères cumulatifs suivants :

- l’appartenance du bien à une personne publique,

- l’affectation du bien soit (i) à l’usage direct du public, soit (ii) à un service public pour l’exécution duquel il aura fait l’objet d’un aménagement indispensable à l'exécution.

Le premier critère a été étudié au point précédent.

Le second mérite d’être développé dans la mesure où le législateur en a donné une nouvelle définition.

2.1.1 Le critère de l’affectation

Rappelons tout d’abord que la notion d’affectation utilisée au sens du droit de la domanialité publique ne saurait se confondre avec la notion de biens affectés par l’Etat à une Université (au sens de mise à disposition).

ü L’affectation du bien concerne soit l’usage direct du public, soit un service public. Dans ce dernier cas, le bien doit avoir fait l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution du service public en cause.

ü Le critère de l’aménagement spécial, qui était antérieurement exigé par la jurisprudence, a disparu comme complément du critère de l’affectation du bien au public. Pour autant il n'en résulte pas de modification fondamentale dans la mesure où le critère posé dans le CG3P est celui d'une affectation à l'usage direct du public et où une simple ouverture au public ne saurait se confondre avec une telle affectation. Comme le souligne à cet égard certains auteurs27, « le seul fait d'ouvrir une plage au public ne signifie pas par lui-même que la dépendance domaniale soit affectée à l'usage direct du public. De même si, pour les forêts, la jurisprudence s'est fondée sur l'absence d'aménagements spéciaux suffisants pour en déduire la domanialité privée alors même que l'Office national des forêts avait pris des mesures pour ouvrir la forêt au public par la réalisation de certains aménagements (CE 28 novembre 1975, ONF c/ Abamonte, Lebon p. 602), la suppression de toute référence à un critère d'aménagement n'implique nullement que les forêts soumises au régime forestier relèveront demain du domaine public ». ü Le critère de l’aménagement concernant l’affectation à un service public a

été renforcé dans la mesure où celui-ci ne doit plus seulement être spécial mais indispensable à l’exécution de la mission de service public. On peut donc penser que cette nouvelle exigence remettra en cause les jurisprudences passées qui avaient eu tendance à voir dans la moindre installation ou équipement un aménagement spécial.

Toutefois, demeurent la théorie de l’accessoire et la théorie de l’indivisibilité qui participent indéniablement de l’interprétation extensive de la domanialité publique.

2.1.2 La théorie de l’accessoire et de l’indivisibilité

a) Théorie de l’accessoire et rappel sur la domanialité publique globale

Aux termes de l’article L.2111-2 du CG3P :

« Font également partie du domaine public les biens des personnes publiques (…) qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable. »

Cette disposition est issue du souhait du législateur de mieux cerner la notion d’accessoire, et ainsi de « figer les critères d’indissociabilité physique et de lien

fonctionnel formulés de façon variable par le juge »28. Désormais, un bien sera considéré comme l’accessoire du domaine public dès lors qu’il aura tout à la fois un lien fonctionnel avec lui (« concourant à l’utilisation ») et un lien physique se traduisant par l’indissociabilité des biens en cause.

Cette notion d’accessoire n’est pas sans rappeler la théorie de la domanialité publique globale. Celle-ci, dégagée par la jurisprudence administrative au regard du domaine affecté à un service public, a conduit à ranger sous le même régime de domanialité l’ensemble des biens inclus dans une emprise foncière déterminée où le service public s’exerce, alors même que le bien en cause n’aurait pas fait l’objet d’aménagements et ne serait pas utilisé par le service public.

A ce titre, le commissaire du gouvernement Galmot, dans ses conclusions sous une jurisprudence de 1965 relative à une gare ferroviaire, se prononçait en faveur d’une domanialité publique globale car « juger autrement ferait de

chaque gare une mosaïque de parcelles enchevêtrées qui relèveraient les unes du domaine public, les autres du domaine privé, et dont la gestion deviendrait pratiquement impossible »29.

Par exemple, on peut estimer que les bureaux d’un Palais de Justice sont indivisibles de l’ensemble du Palais, qui, par ce qu’il est affecté à un service public et a reçu un aménagement indispensable à cet effet (les salles d’audience par exemple), fait partie du domaine public. Dès lors, c’est l’ensemble du bâtiment, bureaux compris, qui sera sous régime de domanialité publique.

La jurisprudence administrative a appliqué cette théorie aux établissements hospitaliers (par rapport aux voies de circulation et aux parkings situés dans l’enceinte de l’établissement)30.

De même, elle a estimé que les logements situés dans des locaux scolaires appartenaient au domaine public. Le Tribunal des Conflits31a en effet estimé :

« qu'il résulte de l'instruction que le logement fourni au sieur x... est situé dans le groupe scolaire de Cadours, c'est-a-dire dans un immeuble aménagé en vue de son affectation au service public de l'enseignement ;

28 Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie

législative du code général de la propriété des personnes publiques, NOR : ECOX0400219P.

29

CE, 5 février 1965, Sté Lyonnaise de transports, RDP 1965 p.493. 30Avis CE du 28 avril 1977, AJDA 1978, p.586.

que cet immeuble doit donc être regardé comme faisant partie du domaine public communal ».

A ce jour, en l’absence de jurisprudence sur les Universités, on peut penser que la notion de l’accessoire consacrée par le CG3P amènera à considérer comme faisant partie du domaine public l’ensemble d’un bâtiment universitaire.

b) Théorie de l’indivisibilité

L’article L.2211-1 du GG3P précise pour sa part :

« Font partie du domaine privé les biens des personnes publiques (…) qui

ne relèvent pas du domaine public par application des dispositions du titre Ier du livre Ier.

Il en va notamment ainsi des réserves foncières et des biens immobiliers à usage de bureaux, à l'exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public. »

Cette disposition inclut dans la domanialité publique les biens immobiliers à usage de bureaux formant un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public.

2.2 Les effets de la domanialité publique

La classification des biens selon leur appartenance ou non au domaine public (laquelle, rappelons le, ne dépend pas du bon vouloir des utilisateurs mais de critères objectifs fixés par la jurisprudence) ne procure pas seulement un plaisir intellectuel raffiné : elle influe profondément sur le régime d’utilisation et de gestion du patrimoine, ce qui sera détaillé dans la deuxième partie.

La conséquence la mieux connue de l’affectation au domaine public est l’impossibilité d’aliéner le bien en question (sauf, dans les conditions rappelées plus haut, à lui faire préalablement perdre sa qualité).

Mais d’autres conséquences en termes de gestion seront détaillées en deuxième partie : ainsi, il n’est pas possible de constituer des baux civils ou commerciaux sur le domaine public, seul le régime de l’autorisation d’occupation est possible.

l’établissement. Le Conseil d’Etat a jugé ces différentes clauses « incompatibles avec les

principes de la domanialité publique comme avec les nécessités du fonctionnement d’un service public » et les a en conséquence annulées32.