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Observation et analyse

B- LES POLITIQUES DE FINANCEMENT DU LOGEMENT AU NICARAGUA ET LEURS PROBLÈMES

2. les sommes que cela représente ne sont pas d’un très grand intérêt pour les

banques.

De plus, les avis et besoins exprimés des populations sont très souvent oubliés : « Les constructions ne répondent pas aux attentes des familles : […] les logements n’ont manifestement pas été construits en collaboration avec les familles et par des gens qui connaissaient les besoins. […] Par ailleurs les logements doivent pouvoir être connectés aux réseaux d’infrastructures sanitaires publics, mais (…) ça n’a pas toujours été le cas. On a donc aujourd’hui de nombreux ensembles de logements construits grâce aux subventions du LIHP qui sont tout bonnement inhabités et ont uniquement servi le secteur privé de la construction et des matériaux. La croissance économique a peut être ainsi été légèrement stimulée, mais sur le long terme la construction de logements vides dans un pays avec de tels problèmes d’habitat reste une aberration déconcertante. » (GRUET, 2009, p. 66)

Cette situation souligne clairement l’inadéquation existant entre l’offre et la demande, mais aussi un point crucial pour notre travail. En effet, il est possible de palier de telles défaillances par un soutien technique plus proche à la fois du secteur intervenant sur la construction (sphère privée, publique, ou civile comme la Casa de la Mujer), mais aussi des bénéficiaires. Ceci souligne l’intérêt

34 Ibid.

35 Nous avons pu constater cet état de fait lors de nos enquêtes, y compris pour des maisons de 40 à 50m2, mais aussi, de manière plus grégaire, lors de notre visite du Salon de l’Habitat à Mana- gua en mois d’août 2011.

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de la mise en place de méthodologies et d’outils adaptés afin d’identifier les problèmes et les demandes réelles des familles.

Enfin, les annonces concernant des aides au logement à venir et les résultats atteints ces dernières années semblaient constituer davantage un outil visant à gagner des suffrages pendant les élections présidentielles de novembre 2011. Le programme Plan Techo de distribution de toitures en zinc fut un objectif progres- siste lancé par le Président Daniel Ortega (le président sortant réélu) et jugé plus pragmatique par la population. Toutefois, ce programme est de plus en plus ac- cuséde mauvaise administration, de populisme et de népotisme envers certains groupes de bénéficiaires (membres du FSLN).

3.3- Déviation des enjeux et objectifs politiques :

Les remarques avancées précédemment mettent en exergue les risques de déviation de la politique du logement social vers un certain monisme politique réduisant la notion de développement à une pensée unique : la croissance éco- nomique à tout prix. Comme le souligne ci-dessous le socio-économiste Emma- nuel Detrinidad, les anciennes habitudes de la BAVINIC semblent avoir perduré, malgré la création de l’INVUR.

«  (…) L’INVUR a ainsi pour habitude de travailler aussi bien avec des constructeurs de l’état que privés. Dans le cas des constructeurs privés, il existe de tels enjeux économiques et financiers qu’il est normal que l’INVUR ne vous ait communiqué aucune donnée ! Par exemple, l’INVUR va doter un constructeur privé d’une enveloppe de 8000$ par maison pour un projet de construction d’une centaine de maisons. Le constructeur utilisera ce fonds comme étant bénéficiaire de l’aide à la construction et à la relance du secteur de la construction. Mais il construira des maisons qui se revendront 15000$ sur le marché. Autant dire que les couches les plus pauvres n’y auront pas accès, exceptées celles qui pourront avoir accès à un crédit, à un micro-crédit ou à un autre service financier, mais là encore, il s’agira de nourrir le système. (…) De plus, il arrive que les projets ne soient pas raccordés aux services basiques de conduction des eaux de pluies ou des eaux usées (ou que ces derniers se soient pas suffisamment dimensionnés) et soient confrontés à des inondations, puisque la majorité des constructions se fait de plain-pied au niveau du sol. Enfin, étant donné le coût des terrains en milieu urbain, les familles qui n’ont pas accès à un habitat subventionné se concentrent souvent dans des zones à risques (séismes, glissement de terrain, inondations), mais également dénuées de services urbains (connexion aux services des eaux usées, eau potables, etc.). Ce constat navrant constitue un des pires supports au développement, car il vulnérabilise non seulement les familles habitant dans ces marges urbaines, mais aussi tout le développement territorial36. » 36 Entretien du 18.10.211 avec Emmanuel DETRINIDAD, socio-économiste, chercheur à Instituto de

Le paragraphe suivant relate les conséquences négatives de ces décisions et de la conjoncture actuelle sur le Plan National de l’Habitat.

3.4- Conséquence de l’augmentation des coûts de construction sur le Plan National de l’Habitat : un réel risque d’échec national

Depuis plusieurs années, l’augmentation constante du prix des énergies fossiles37

- donc du transport des matières premières - et des matériaux de construction comme l’acier (intégralement importé d’autres pays d’Amérique centrale ou du Sud) a un impact désastreux sur la construction et plus particulièrement dans le secteur – déjà mis à mal – de l’habitat social. Les chiffres annoncés provenant de plusieurs sources constituent un tableau édifiant. La liste suivante dresse un aperçu de ces fluctuations :

• entre 2007 et 2008, le sac de ciment est passé de 130 C$ à 155 C$, le quintal d’acier de 900 C$ à 1300 C$. Ainsi, pour une série de travaux planifiés et réa- lisés par la Mairie d’Esteli en 2008, les réévaluations des devis estimatifs sont passées de 35.000 C$ à 1 millions de C$ supplémentaires pour l’achèvement des travaux38,

• en mai 2008, l’acier subit une hausse de prix de 40% à 50% en moins de 15 jours ; de même, le kilomètre de pavage est passé en un an de 180.000$ à 280.000$, gelant les chantiers en cours,

• l’indexation du Cordoba sur le Dollar39 entraîne une hausse systématique de

1% des coûts en matière première,

• Mario Zelaya (président de la Chambre Nicaraguayenne de la Construction - CNC) confirme qu’en raison de la forte hausse du prix du pétrole sur les marchés internationaux, ceux de l’acier ont subi une augmentation variant de 5% à 69% au Nicaragua40 en 6 mois entre septembre 2010 et février 2011

(17% entre décembre 2010 et février 2011); le métal représentant environ 15% des coûts de construction d’une habitation, ces fluctuations ont des réper- 37 Le Nicaragua est entièrement dépendant de l’importation du pétrole provenant majoritai- rement du Vénézuela. La part de sa consommation d’énergie représentée par le pétrole est passée de 29,2% en 1990 à 41,4% en 2005. Le Nicaragua ne consomme ni charbon, ni gaz, n’a aucune ressource nucléaire et sa consommation en énergies renouvelables (hydroélectriques, solaires, éoliennes, géothermiques) est passée de 17,3% en 1999 à 8,1% en 2005. Par contre, sa consommation d’énergie issue de la transformation de la biomasse et des déchets est relative- ment stable : 53,2% en 1999 et 50,5% en 2005. Source : Rapport mondial sur le développement humain 2007/2008, La lutte contre le changement climatique : un impératif de solidarité hu- maine dans un monde divise, Programme des Nations Unies pour le développement (Éditions La Découverte, 2007, Paris), p. 325.

38 Máximo Rugama , «  Espiral alcista en materiales de construcción preocupa en estelianos », In : El nuevo Diaro (29.05.2008, Source URL : http://www.elnuevodiario.com.ni/departamen- tales/17084, page consultée le 27.10.2011).

39 Amparo Aguilera, «  Materiales de construcción subieron levemente », In : El nuevo Diaro (20.01.2010, Source URL : http://www.elnuevodiario.com.ni/economia/66435, page consultée le 27.10.2011).

40 Gisella Canales Ewest, « Hierro aumentó su precio en 2011 », In : La prensa (14.02.2011, Source URL : http://www.laprensa.com.ni/2011/02/15/economia/52180, page consultée le 28.10.2011).

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cussions significatives,

• lorsque le prix du pétrole dépasse les 90$ par baril, cette hausse impacte tous les prix des matériaux, à la fois locaux et importés41, or en avril 2011 le prix

du baril est passé à 112,28$42, entraînant une hausse directe et continue des

prix des matériaux de construction (le prix du ciment affichait une hausse de 3%). En septembre 2011, le sac de 42,5kg se vendait à Granada entre 172C$ et 197C$.