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A- CULTURE ET CULTURE CONSTRUCTIVE

Le développement des établissements humains reflètent les mécanismes liant les hommes à leur environnement, que celui-ci soit construit, social ou naturel. Cette idée rejoint une vision humaniste de l’écologie qui définit la culture80 en tant que

marqueur des caractéristiques locales permettant de distinguer tout groupe-

ment humain des autres et de différencier tout espace d’un autre. La culture et la vie sociale - ou les « expressions sociales de la culture » (Rapoport, 2003 : 27) - constituent des caractéristiques variables d’une communauté humaine vivant sur un territoire selon des modes de vie spécifiques. Reconnu et bâti en tant que lieu symbolique et matériel selon des pratiques, des normes, des valeurs, des reli- gions, des mécanismes sociaux, des modes de vie et des types d’habitat, le ter-

ritoire reflète une identité collective et est singularisé par un caractère local.

De ce fait, espace et culture s’entremêlent continuellement car le lieu de vie est l’espace de construction des relations et des caractéristiques humaines (langues, traditions, etc.).

Si l’on admet l’axiome selon lequel une culture n’existe que dans son interaction avec d’autres cultures, l’identité culturelle prend forme par l’affirmation d’une différence par rapport à son voisin, tout en analysant et valorisant ses propres ressources. De fait, une culture possède une histoire, qui lui est propre et qui est liée à ses interactions avec d’autres cultures. Elle comprend donc un ensemble d’événements politiques, religieux, sociaux, économiques ou encore environne- mentaux qui la façonnent et la rendent unique en fonction de ce qu’elle a connu et de la direction qu’elle prend. Elle est constituée d’hommes et de femmes qui vont, à leur échelle, prendre conscience de leur propre culture, la valoriser (par la diffusion des savoirs et la formation par exemple) et lui apporter des innovations en fonction d’un contexte donné afin de contribuer à son évolution. La notion d’héritage et de sauvegarde des savoirs et des savoir-faire devient ainsi primor- diale.

80 Voir à ce sujet les thèses d’Amos Rapoport (2003) concernant les études du comportement et de l’environnement (l’EBS : Environnement – Behaviour Studies). Celles-ci permettent de relier dans la pratique, l’architecture, l’urbanisme et tous les domaines de l’aménagement de l’espace en un projet environnemental visant à répondre, par la construction, aux désirs et aux activités des utilisateurs tout en se basant sur une compréhension des caractéristiques locales. Tout projet entraînant un changement sur l’environnement, il peut constituer aussi bien une amélioration qu’une dégradation en bouleversant les mécanismes des modes de vie, les liens sociaux, donc les composantes sociales et symboliques de l’environnement. Les changements induisent une modification de la perception (positive ou négative) de l’environnement et même de l’évalua- tion que l’on porte au milieu. Ainsi, le projet est « environnemental ». Il ne répond pas au désir d’une expression créative ou innovante gratuite, mais résulte de la satisfaction provenant d’une capacité à identifier et à résoudre des problèmes.

1- Aujourd’hui quelle signification peut avoir une culture constructive dans une société donnée, face aux enjeux de l’habitat et des patrimoines architecturaux?

La révolution des technologies de l’information et de la communication, le déve- loppement de nouveaux moyens de transport et de stockage de l’information, confèrent une autonomie croissante des industriels vis-à-vis des contraintes

spatiales et temporelles. En ce sens, les nouveaux modèles de capitalisme fi-

nancier et de production « globalisés », s’appuient sur des dispositifs de réseaux internationaux rendant plus efficientes leurs logiques de compétitivité, ainsi que leurs outils pour se saisir du territoire. Ils en maîtriser un ou plusieurs aspects du développement en se basant sur l’attractivité qu’ils génèrent (pôles industriels, économiques, scientifiques, touristiques, etc.). Dans ce contexte, les grandes et moyennes villes sont confrontées à une compétition urbaine internationale au sein de laquelle leur « image » joue un rôle prépondérant. Une grande partie de cette compétition repose sur les choix sémiologiques qui sont effectués : ville du « patrimoine », ville du « progrès », ville « culturelle », ville « technologique », autant de signes visant à donner un sens politique au rapport de l’Homme à son environnement construit.

Néanmoins, entre faire table rase de l’histoire et conserver les vestiges d’un passé « déchu », il faut réfléchir aux modalités d’intervention et à leurs influences

sur une population dont le lien social et urbain fut, pour un temps, constitué

par un environnement et ses modes de production. Vouloir en garder une trace concrète ne reflète donc pas une manifestation nostalgique et passéiste ou bien encore le désir de muséifier un patrimoine architectural et urbain. Il s’agit d’un devoir de réflexion et de questionnement des aspects de son développement et de l’impact que son renouvellement aura auprès des habitants actuels et futurs. Il est donc éminemment politique.

L’habitat constitue un cadre dans lequel prennent sens des projets collectifs.

Porter un autre regard sur celui-ci signifie s’écarter d’une tendance qui nous conduit à évaluer des projets uniquement selon des critères technologiques et économiques. La conception de l’ « habitat » est aujourd’hui souvent et fausse- ment fondée sur une idéologie de la performance et de la répétition de solutions

compétitives présupposées « appropriées ». Elle se base ainsi sur une croyance aveugle en une industrialisation transnationale de ses modes de production.

Dans le domaine constructif, l’homme a pourtant développé sur la base de ses expérimentations séculaires, les manières d’exploiter ce dont il dispose locale- ment en élaborant des techniques de mise en œuvre (des outils et des savoirs adaptés). C’est-à-dire qu’il a développé un artisanat de la construction. Cet usa- ger-constructeur s’est engagé dès son origine dans un processus de recherche et de développement pour améliorer ses conditions de vie et approfondir les ma- nières d’exploiter ce dont il dispose, devenant cet « homo-faber » qui créé et per- fectionne des procédés ou des outils, augmentant ainsi la capacité d’un matériau à répondre à une contrainte de mise en œuvre. La mise au point d’outils, l’acqui- sition de gestes spécifiques et le perfectionnement de ses savoirs ont permis à

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CHAPITRE III

l’homme d’exploiter et de transformer des ressources locales efficacement afin d’adapter au mieux la matière à ce qu’il souhaite en faire. Cette évolution, ponc- tuée d’un ensemble de processus empiriques (suites d’essais et d’erreurs), s’ins- crit pleinement dans la constitution d’un ensemble de pratiques partagées, en

lien avec un espace, un cercle d’activités humaines et un milieu naturel. Elle

participe à la fondation d’une « culture constructive ». La culture intervient ainsi

doublement dans un espace et son développement :

« (…) elle participe à sa construction, qu’il s’agisse du bâti, de la civilisation, des traditions ou de l’éducation de la population et à travers ces éléments, elle la singularise. » (Keresztély, 2007, 2005 : 5)

2- Quel rôle peut avoir une culture constructive face aux enjeux de la vulnérabilité des populations ?

Un prisme supplémentaire nous permettrait d’appréhender la question de la ges- tion ou de la réduction des risques sous une lumière d’authenticité et de bon

sens. Le « regroupement » est une notion primordiale à l’émergence d’une culture.

Dans cette optique, la « dimension cachée » d’un établissement humain est tou- jours culturelle (HALL, 1978). Nous évoquons ici l’importance de l’acception de la dimension culturelle, dans le sens le plus large possible de ses représentations et de ses significations. L’absence ou la trop faible considération accordée par

les programmes de construction aux dimensions locales d’un lieu (sociales et culturelles) peuvent contribuer à accentuer voire à déterminer la vulnérabilité des populations ciblées par leur intervention. Certes, il faut construire pour se

protéger, constituer un habitat résistant aux phénomènes naturels, mais il s’agit aussi de se regrouper pour et selon une identité commune. Le regroupement constitue un moteur dans la création, une mutualisation des savoirs permettant le développement de l’identité culturelle d’une société. Ainsi, la constitution d’un groupe permet de répartir les savoirs et savoir-faire (dans une logique de spécia- lisation ou non: « la technique de l’artisanat », les corporations, les coopératives, etc.). Ce regroupement permet d’approfondir des connaissances à l’intérieur même d’un territoire, d’un système et d’un réseau d’acteurs, d’un fonctionne- ment social et de modes de vie. La transmission et le partage des connaissances au sein d’un groupe cristallisent cette capacité d’une société et d’une culture

constructive à mobiliser des potentiels locaux à la fois dans l’espace et dans le

temps. De fait, lorsque survient une aide « exogène » (étrangère ou non) introdui- sant de nouveaux savoirs, de nouveaux « produits » et de nouvelles techniques, un dérèglement conséquent peut survenir.

Face aux enjeux de l’habitat et du mal-logement, le sens même d’une « culture constructive » apparaît ainsi très complexe. Plurielle, elle intervient à la fois sur les plans architecturaux, urbains, politiques, sociaux, culturels, environnementaux, et économiques. Nous allons tenter dans les paragraphes suivant d’expliquer cer- taines dimension de ses fonctionnements.

3- Synthèse  : tentative de représentation d’une culture constructive (Modalités d’échanges Populations / Environnement ; Comportements / Espace)

Nous proposons dans les pages suivantes un essai de représentation des diffé- rents niveaux constituant une culture constructive endogène selon leur ordre d’apparition ou leur « évolution cognitive ». Celui-ci se décomposée selon trois

niveaux principaux :

1- « Savoirs et Ressources », 2- « Savoir-faire »,

3- « Faire-savoir ».

Parallèlement à ces trois niveaux, quatre colonnes représentent les axes définis- sant les quatre « fonctions » ou objectifs qui leur sont attribués (ligne du bas) : - « Compatibilité culturelle »,

- « Préservation »,

- « Continuité culturelle », - « Prévention ».

Ces quatre axes sont séparés en deux groupes distincts, selon qu’ils constituent des dimensions matérielles (en bleu, partie de gauche) ou immatérielles (en gris, partie de droite).

Un passage de niveau, de celui des « Savoirs et Ressources » à celui des « Faire- savoir », par exemple, peut représenter le produit d’une évolution cognitive et de

l’effet du temps sur le cycle des activités humaines dans leur milieu (mémoire et

transmission des savoirs, disponibilité des ressources, récurrence et intensité des aléas, etc.). Il reflète également les différentes échelles d’influence d’une culture constructive. Validée et évaluée positivement au sein d’un territoire, celle-ci aura plus facilement tendance à être reproduite et à se définir comme « marqueur

culturel signifiant » au fur-et-à mesure de ses déclinaisons, jusqu’à sa généralisa-

tion à une aire géographique suite à un mécanisme de diffusion plus vaste (grâce au « faire-savoir »).

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CHAPITRE III

DONNÉES MATÉRIELLES

2- SAVOIR-FAIRE

/// CONCEPTION -

RÉALISATION ///

Identification des

problèmes,

Conception et Mise en

oeuvre

1- SAVOIRS & RESSOURCES /// RESSOURCES ///

Processus

d’expérimentations de

techniques,

apprentissages

empiriques:

«répétition d’essais et

d’erreurs»

Estimation des

potentiels :

Ressources/besoins;

Contraintes (techniques,

économiques, ...)

PRÉSERVATION

COMPATIBILITÉ

CULTURELLE

Création, Production,

Diffusion d’innovations

techniques, de principes

constructifs : «Adoption,

Adaptation, Modification»

= réciprocité d’action

Homme/Environnement

3- FAIRE SAVOIR

/// ÉVOLUTION -

ÉVALUATION ///

Diffusion, Évaluation

et Évolution

(intelligences

constructives locales)

FONCTIONS

É

V

OL

UTION C

OGNITIVE

Gestion raisonnée

de l’environnement

naturel et de ses

ressources :

de «l’Extraction à la

Réutilisation», du

«berceau au berceau»

Produit architectural:

«QUOI?»

Ressources locales à

disposition

Figure 99- Tentative de représentation de la constitution et de l’évolution d’une culture constructive (source : élaboration propre)