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Observation et analyse

C- LA CAsA De LA MUjer DE GRANADA : UNE ÉMERGENCE DE LA SPHÈRE CIVILE AU COEUR DU CONTEXTE NICARAGUAYEN

2- Information, consultation et participation des bénéficiaires

Lors des réunions de projet, la prise de parole est globalement très libre et les participants aux réunions n’ont pas peur ou honte de s’exprimer. Le statut domi- nant du « sachant » ne semble pas engendrer de blocage. Il existe un véritable respect partagé et l’écoute est accordée à chacun.

Projets d’habitat :

Une fois un projet d’habitat entériné (conception, montage financier et adminis- tratif), des réunions sont organisées avec les bénéficiaires, afin de leur rappeler leurs engagements. Pour le projet de Pantanal, par exemple, elles ne pouvaient53

pas vendre leur bien avant 10 ans et ne pouvaient ni le louer, ni en modifier les façades, tout en étant tenues de rembourser 300$ sur 28 mois.

Confrontée à des tentatives de locations et de ventes illégales au Barrio Solida- ridad, la CdM a récemment décidé que les titres de propriété ne seraient don- nés aux bénéficiaires qu’après le remboursement complet de leur prêt. Sinon, la propriété resterait au nom de la Casa de la Mujer. Nous pouvons nous demander quelle pourrait être la situation des familles si elles ne peuvent pas rembourser. La CdM, en tant que propriétaire, réclamerait-elle un loyer? Opterait-elle pour des mesures plus coercitives ?

2.1- L’ « information » plutôt que la « participation » ?

Si la Casa de la Mujer de Granada fait preuve d’une une véritable capacité de tra- vail dans la durée, dans l’échange et dans le suivi de proximité, si elle possède effectivement de multiples relais sur le terrain lui permettant d’identifier les pro- blèmes et les besoins des habitants, nous avons toutefois eu parfois le sentiment que la participation des familles bénéficiaires aux projets d’habitat est réduite à un très faible niveau d’expression. Si la participation est en effet théoriquement possible, elle n’est pourtant pas mise en oeuvre à toutes les étapes de projet, notamment décisionnelles.

Les «processus participatifs décisionnels interactifs» supposent la mise en œuvre d’un dialogue et d’un partenariat de l’ensemble des acteurs concernés (décideurs publics, techniciens ou experts, personnes concernées et intéressées) pour effec- tivement engendrer des projets à caractère durable dans leurs formes d’organisa- tion et/ou dans les changements provoqués. Ils sont dits «décisionnels» si l’accès à un pouvoir décisionnel est donné à chaque acteur et, dans le domaine de l’habi- tat, si la participation s’effectue sur des enjeux réels en matière d’architecture et, plus encore, de projet territorial. Ils sont enfin «interactifs» si un dialogue permet de construire des stratégies avec l’ensemble des acteurs (étapes de validation successives partagées par tous). Un mécanisme de projet « par le haut » : le hia- tus d’une sphère civile construite « par le bas » ?

Souvent, les décisions en amont du projet sont prises uniquement par l’équipe projet de la CdM (aspects conceptuels de l’habitat - notion d’ «habiter» - aména- gements qui en découlent). Les choix possibles des familles bénéficiaires (destina- taires finales) sont réduits à une solution unique, simplement proposée pour vali- dation aux directivas. Celles-ci, souvent beaucoup plus éduquées que les autres bénéficiaires, leur présentent ensuite le projet pour approbation. Si des retours sont possibles, il ne s’agit en aucun cas de co-conception et trop peu de travail collectif ou d’ateliers sont mis en place avec les habitants. Ceci nous semble par- ticulièrement dommage et dommageable pour l’acceptation et l’appropriation futures des projets.

Il est toutefois difficile de parler de décision individuelle de la part de la CdM ou des directivas, car des échanges internes à la communauté ou au quartier peuvent bien avoir lieu. Mais nous avons aussi pu constater lors de nos entretiens certaines contradictions entre les projets effectués et les doléances réelles : confort sou- haité, matériaux utilisés (toit, murs, etc.), position des fenêtres, couleurs utilisées, position de la cuisine, ne répondaient pas en certains cas aux préférences des familles. De fait, porter un projet réellement participatif avec plusieurs centaines de personnes impliquées est administrativement et humainement extrêmement difficile. Nous sommes également conscients que nous n’avons certainement pu avoir qu’un aperçu parcellaire de la réalité du travail de fond de la CdM.

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CHAPITRE II

2.2- De la bonté, de la volonté et de la force : un potentiel qualitatif considérable

Donc, si l’intention de formuler ses projets en tenant compte des nécessités et des capacités locales est bien là, sa concrétisation (conception participative) est parfois très balbutiante. Pour autant, nous devons reconnaître et souligner la quantité impressionnante de projets menés et, par ailleurs, le surmenage réel de l’équipe de Casa de la Mujer. Mais celle-ci sait s’adapter selon les résultats qu’elle obtient et leurs effets. Nous avons également constaté qu’elle ne souhaitera faire évoluer ses projets que si les options rencontrées sont jugées nécessaires, oppor- tunes et convaincantes, ce qui est en soi plutôt rassurant.

De plus, des personnes-ressources locales rencontrées à plusieurs reprises per- mettraient certainement d’offrir une autre perspective au travail de la CdM. Ainsi,

Dulce Maria Guillen (architecte) et Ramon Guillen (éducateur populaire) sont

en ce moment même dans plusieurs processus participatifs de conception et de construction dans un projet de ville nouvelle à Bonanza, dans la Région Auto- nome Atlantique Nord (RAAN). Leur démarche et leur méthodologie pourraient

être très inspirantes pour les projets d’habitat de la CdM. La mise en relation qui a été faite entre eux et Maria-Lidia Mejia dans le cadre du séminaire que nous avons organisés le 26 novembre 2011 fut un premier pas positif dans cette direction54.

III- LA PLACE DES PROJETS DE LA CAsA De LA MUjer DANS LE