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écologiques, etc.), lois, normes, etc.

B- CULTURE LOCALE DU RISQUE ET CULTURE SISMIQUE PRÉVENTIVE :

Depuis l’éveil du bipède, la question de l’érection d’un abri et de son maintien est interdépendante de celle de la menace de sa destruction par différents types d’aléas naturels rythmant la course du monde et des hommes (tremblements de terre, tsunami, cyclones, inondations, etc.). Paradoxalement, la survenue de ces phénomènes constitue, une composante particulière et déterminante de l’émer- gence et du développement d’une culture locale du risque (FERRIGNI, 2005). Et au-delà de cette contradiction apparente, elle en souligne même la dualité de la

notion d’« aléa ». En effet, d’un côté, des phénomènes que l’on pourra qualifiés

de « catastrophes » ou de « sinistres » peuvent engendrer des perturbations, des dérèglements ou des destructions complètes des structures essentielles et des dynamiques des sociétés assujetties à ceux-ci. De l’autre, les caractéristiques et la fréquence de leur manifestation constituent un potentiel positif pour stimuler l’émergence d’une créativité permettant aux sociétés de développer des moyens et des outils pour y résister, s’en accommoder, en atténuer les effets ou les corri- ger.

Or, que faire lorsque les savoir-faire constructifs issus d’une culture locale du risque sont abandonnés et menacés d’oubli, notamment en raison de l’impor- tation de techniques constructives, ces deux phénomènes se nourrissant l’un l’autre ?

L’engagement de Ferrucio Ferrigni, fin spécialiste du bâti vernaculaire et des risques sismiques, vise à contredire une double croyance aussi répandue que

mal fondée, à savoir que les édifices anciens sont les plus fragiles et que les

techniques traditionnelles d’exploitation et d’utilisation du sol sont dépassées. De fait, l’existence même d’édifices anciens et la survivance de leurs techniques constructives jusqu’à nos jours met en exergue la preuve de leur efficacité et de leur résistance face aux risques locaux. En ce sens, Ferrigni souligne que dans des régions frappées régulièrement par les désastres naturels, ne peut devenir his-

torique qu’un édifice ou site qui s’était intégré de manière harmonieuse avec son environnement, c’est-à-dire en reflétant une association particulière :

« la combinaison d’une culture locale, de connaissances techniques et de comportements cohérents, aptes à protéger personnes et biens contre les risques locaux, ou à en réduire l’impact. »

L’illustration présentée ci-dessous illustre ce propos. Après un tremblement de terre les habitants peuvent comprendre par l’analyse des dégâts affectant leur en- vironnement construit quelles sont les techniques ayant le mieux répondu aux

contraintes exercées sur les structures touchées et pourquoi. Dans les sites où les

tremblements de terre ont une récurrence élevée, les habitants enregistrent le comportement de diverses techniques constructives, réparent les détériorations faites aux édifices et testent de nouveaux dispositifs issus de leurs améliorations. Ferrigni affirme que si un séisme se répète au moins deux fois par génération, le savoir constructif peut être transmis au sein de la communauté et la « Culture Sis-

mique Locale » (CSL) reste à un haut niveau. Les bâtiments construits par la suite

seront alors édifiés seront les techniques qui ont prouvé leur efficience. Cette démarche se distingue par ce que Ferrigni appelle une « Culture Sismique Pré-

ventive » (CSP).

Figure 100- Récurrence de tremblements de terre et niveaux de Culture Sismique Locale (source : FERRIGNI, 2005 : 206)

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CHAPITRE III

Figure 101- Récurrence de tremblements de terre et diminution des niveaux de Culture Sismique Locale (source : FERRIGNI, 2005 : 207)

Figure 102- Habitation en taquezal du grand-père de Gema Johanna Castillo Talavera, dont la construction date d’au moins 75 ans. Cette maison a subit de nombreux séismes et sa structure demeure très bien conservée (Source : photographie personnelle)

Mais si la récurrence des aléas est importante pour la naissance et l’évolution d’une culture constructive, l’intensité des phénomènes est déterminante. Comme le montre l’illustration ci-contre (Cf. figure 101), si ces derniers ne sont pas suffisamment intenses - donc contraignants - , les sinistres ne pourront mettre à l’épreuves les dispositifs élaborés. Inversement, s’ils sont trop importants et exceptionnellement ravageurs, ils engendrent une destruction radicale de l’envi- ronnement construit. Si aucune construction ne subsiste, aucune leçon issue de la trace de leur sollicitation ne pourra être tirée.

Sinistre après un sinistre, le niveau d’une culture locale du risque doit pouvoir augmenter. Toutefois, si les sinistres ne se manifestent pas assez fréquemment, ou avec une intensité insuffisante, la fonction antisismique de certaines tech- niques constructives peut être oubliée et progressivement abandonnée. Comme le montre l’illustration ci-dessous, l’occurrence d’un seul séisme toutes les deux générations peut provoquer une diminution notable de la Culture Sismique lo- cale.

Toujours selon Ferruccio Ferrigni, bien souvent, les pertes humaines et maté-

rielles produites par les désastres naturels relèvent aussi bien du non-respect des codes vernaculaires de construction, que de l’urbanisation massive de sites traditionnellement connus comme peu sûrs (zones inondables, proches

de failles sismiques, etc.). De plus, quand bien même les « bonnes pratiques » ou les codes de construction parasinistre auraient été respectés, nombre de mai- sons anciennes qui avaient été renforcées suivant des prescriptions réglemen-

taires contemporaines ont souffert de dégâts importants. La raison probable est

que ces interventions sont souvent incompatibles avec les particularités et les

propriétés des systèmes constructifs traditionnels. Enfin, la majorité des codes

et des prescriptions parasinistres, lorsque ces derniers n’interdisent pas les tech- niques constructives parasinistres traditionnelles, au mieux les ignorent. Ils favo- risent de fait l’abandon et l’oubli de connaissances essentielles qui ont prouvé leur justesse.

«  La vieille maison de mon grand-père en taquezal a subi plusieurs séismes depuis des décennies. Si l’enduit est un peu tombé, la maison, elle, est belle est bien toujours debout et en bon état! »

Gema Johanna Castillo Talavera (Habitante de Nadaime, ville voisine de Granada) Nous allons maintenant tenter d’illustrer ces propos en les contextualisant à la région et à la ville de Granada. Nous mettrons en lumière quelques-uns des élé- ments des intelligences constructives traditionnelles, telles que nous pouvons les observer à l’heure actuelle au sein du patrimoine architectural local. Sur la base de nos observations, nous proposerons un essai de représentation des mécanismes ayant pu être à l’origine de leur perturbation. Nous dresserons enfin un recen- sement rapide des potentiels locaux (matériaux, systèmes constructifs et savoir- faire) disponibles et mobilisables, aujourd’hui, dans le cadre du programme de la FAP visant à améliorer les conditions de vie et de l’habitat.

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CHAPITRE III

C- CONTEXTUALISATION : CULTURE CONSTRUCTIVE ET