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Observation et analyse

C- LA CAsA De LA MUjer DE GRANADA : UNE ÉMERGENCE DE LA SPHÈRE CIVILE AU COEUR DU CONTEXTE NICARAGUAYEN

1- La Casa de la Mujer

1.1- Naissance d’AMNLAE dans un contexte de dictature et de guerre civile

AMNLAE est une association de femmes nicaraguayennes née en 1977 sous le

nom « Association de femmes concernées par la crise nationale » (AMPRONAC : Asociación de Mujeres ante la Problematica Nacional), alors que sévissait la dicta- ture des Somoza. AMPRONAC était liée au mouvement Sandiniste, le FSLN, orga- nisation révolutionnaire armée qui s’opposait à la dynastie des Somoza. L’entrée des femmes dans la sphère publique à travers la guérilla a précédé leur engage- ment sur l’échiquier politique et notamment sur la question du genre. De fait, aujourd’hui encore, et malgré leur vaste mobilisation à l’échelle nationale pour faire valoir leurs droits, la situation des femmes nicaraguayennes est plutôt pré- occupante.

La Casa de la Mujer est majoritairement militante FSLN (parti Sandiniste). La

mairie de Granada, elle, est dirigée par le parti Libéral. Comment la CdM et la mai- rie arrivent-elles à dépasser leurs divergences politiques ? Comment comprendre les processus décisionnels mis en place ? Comment interpréter l’attribution des aides, parfois, en fonction de l’appartenance politique des demandeurs ou selon leur capacité de remboursement ? Comment fonctionnent les relations entre les quartiers et la Casa de la Mujer ?

1.2- AMNLAE aujourd’hui dans le contexte nicaraguayen

1.2.1- La violence domestique au Nicaragua : un problème natio- nal

Les femmes nicaraguayennes font face à un machisme très prégnant (voir même valorisé), à des violences intra-familiales, aux violences sexuelles, aux grossesses précoces, à la prostitution de jeunes filles, etc. De manière générale, ces violences sont exercées indifféremment sur les femmes et sur les enfants. Leurs origines sont multiples, complexes et leur explication sortirait du cadre de notre travail. Notons toutefois que le problème de la promiscuité dans des logements surpeu- plés est un des facteurs indéniables de leur survenue.

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1.2.2- AMNLAE, une association de promotion du droit des femmes au Nicaragua

L’ambition centrale d’AMNLAE est de contribuer à l’amélioration de la condi-

tion et de la position des femmes nicaraguayennes. Son action vise à la construc-

tion d’une relation d’égalité de droits et d’opportunités entre les hommes et les femmes, tant sur les plans politique, économique que social. Enfin, elle promeut l’accès au crédit et à la propriété immobilière dans le but de rendre les femmes autonomes sur le plan économique. De fait, si ces projets sont à destination des femmes, c’est en général toute la communauté qui en bénéficie, directement et indirectement. AMNLAE compte aujourd’hui :

• 150.000 femmes affiliées,

• 60 Casas de la Mujer (maisons des femmes) réparties dans tous les départe- ments du Nicaragua,

• 5 « maisons maternelles », • 28 cliniques de santé,

• 19 bureaux d’assistance juridique.

1.3- Présentation de la Casa de la Mujer de Granada

1.3.1- Les activités de la Casa de la Mujer de Granada

La Casa de la Mujer du département de Granada compte 8000 affiliées et béné- ficiaires qui travaillent volontairement pour promouvoir la participation des femmes aux affaires économiques, politiques et sociales du pays. Par ailleurs, la

Casa de la Mujer de Granada gère des projets de soutien aux femmes et aux communautés du département de Granada, grâce à l’appui d’organisations de coopération internationale.

La Casa de la Mujer est en train de réaliser les projets suivants :

• la construction du lotissement « Paz y vida » (54 maisons neuves / phase 1 de 12+3 maisons réalisée, phase 2 en démarrage)

• démolition - reconstruction de 7 habitations insalubres dans le Barrio «soli- daridad»

• démolition - reconstruction de 45 habitations insalubres dans le quartier «Pantanal» (11 maisons de la phase 1 réalisées, phase 2 de 11 maisons ache- vée, phase 3 en cours),

• la construction en diffus (démolition - reconstruction de 45 habitations insa- lubres dans les quartiers de Julian Quintana, Pan Casan, Adelita, Valles de Gra- nada et Bartolome),

• la construction de 5 maisons et la rénovation de 2 maisons pour les construc- teurs,

• la réfection de 150 toits et la construction de 50 latrines pour des familles de la zone rurale de Diriomo et Diria,

• la mise en place de 110 microcrédits.

Depuis la mis en place des premiers projets, la Casa de la Mujer a construit ou est en phase de construire pas moins de 550 logements. Ce vaste programme, financé à l’origine par des bailleurs de fonds espagnols et français, va permettre d’améliorer sensiblement les conditions de vie de près de 2 750 personnes, dont plus de 1 700 enfants. Dans ce cadre international, l’originalité de l’implication de la Fondation Abbé Pierre repose sur le fait qu’elle a décidé, non pas de soutenir un projet d’habitat unique, mais bien l’ensemble du secteur Habitat-Logement de la Casa de la Mujer.

1.3.2- Les forces vives de la Casa de la Mujer de Granada

La Casa de la Mujer de Granada est une organisation qui s’appuie sur un vaste réseau de volontaires et de bénévoles. On peut identifier différents d’acteurs au sein du réseau :

• Les acteurs politiques : Maria-Lydia Mejia, ancienne députée sandiniste, dé- putée du Parlement d’Amérique Centrale et directrice de la Casa de la Mujer, • Les salarié(e)s, qui assurent le travail de coordination des projets et des per-

sonnes (comptabilité, suivi des projets, enseignement, logistique, transport, etc.). Ils sont globalement en sous-effectifs et surmenés.

1.3.3- Un maillage territorial efficace

En raison de sa présence continue auprès des populations les plus démunies, de sa connaissance des problématiques locales et de sa capacité d’être constam- ment dans un dialogue de proximité ouvert avec les habitants, la Casa de la Mujer de Granada brille d’une véritable légitimité d’intervention dans tous les champs du social : sensibilisation, formation, accès aux services, soutien aux activités éco- nomiques. Elle est présente également dans les ateliers que propose la munici- palité en matière de diagnostics urbains52, de réunions de projets et elle entretien

avec celle-ci des relations étroites de partenariat.

1.4- Une proximité continue avec les habitants :

1.4.1- Les promotoras ou femmes-relais :

Il s’agit de femmes de la communauté ou du quartier choisies par la Casa de la Mujer pour faire le lien direct avec l’association (expression des besoins des habi- tants) et aider celles-ci à y répondre en élaborant des projets spécifiques (« sur- mesure »). Elles assurent à la Casa de la Mujer une relation de grande proximité au quotidien avec les familles du département. Environ 900 promotoras sont réparties sur le département de Granada ; par quartier dans les zones urbaines, 52 Maria-Lidia a ainsi participé aux ateliers organisés pour la rédaction du diagnostique municipal effectué en 2001. Source : « Plan Maestro », Mai 1999, Diagnostico Municipal de Granada, 2001.

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par communauté dans les zones rurales. Le travail des promotoras est totalement volontaire et non indemnisé.

1.4.2- Les Conseils de Quartiers ou Directivas de Barrios

Casa de la Mujer travaille aussi en étroite relation avec des Conseils de Quartiers (ou Directivas de Barrios), dont elle promeut la création dans les zones urbaines ou semi-urbaines. Leurs statuts sont déposés à la mairie et les membres du Conseil sont élus chaque année par les habitants du quartier. Ces directivas sont les in- terlocutrices privilégiées des instances administratives. Elles ne sont pas, de fait, affiliées au FSLN, mais étant donné l’impact des projets de la Casa de la Mujer et le charisme de Maria Lydia Meija, les quartiers ont plutôt tendance à élire des militantes du FSLN, sachant l’accès aux projets plus faciles.

Ces Directivas de Barrios permettent de mieux organiser la vie collective des quar- tiers, de coordonner la parole des habitants et de la relayer auprès de la Casa de la Mujer ou des autorités locales. Les membres du Conseil de quartier accueillent leur charge sans rémunération et constituent de véritables acteurs de projets pour la Casa de la Mujer, car elles veillent de près à la bonne mise en œuvre et au suivi des projets.