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Observation et analyse

C- LA CAsA De LA MUjer DE GRANADA : UNE ÉMERGENCE DE LA SPHÈRE CIVILE AU COEUR DU CONTEXTE NICARAGUAYEN

III- LA PLACE DES PROJETS DE LA CAsA De LA MUjer DANS LE CONTEXTE DE L’ENVIRONNEMENT CONSTRUIT ET HUMAIN

3. Détruire les constructions traditionnelles constitue un délit à Granada 59 S

la valorisation des systèmes constructifs traditionnels locaux (du type adobe ou taquezal) est promue pour la restauration de monuments historiques, de restau- rants, hôtels et maisons de luxe, les interventions inadéquates pouvant entraîner des pathologies sont fréquentes60. Les systèmes constructifs traditionnels locaux

sont, quant à eux, le plus souvent refusés par la population.

4.2- La Casa de la Mujer : des choix techniques et organisationnels qui posent question

4.2.1- Conception des logements :

Les choix techniques et organisationnels sont très variés61. Un des exemples

d’une conception inadaptée fut rencontré dans un des logements réalisés par la CdM :

• une chambre sans fenêtres,

• une salle de bain sans aucune ventilation vers l’extérieur ou entre les pièces, • une salle commune mal dimensionnée, le tout ne permettant ni de ration-

naliser l’aménagement intérieur, ni les surfaces importantes de construction ainsi générées.

58 Il est par ailleurs intéressant de mentionner ici que la directiva de Diriomo affirme qu’elle refu- serait de construire une maison en parpaings et opterait très favorablement pour une construc- tion en adobes. Notons que ce choix affirmé est tout à fait exceptionnel. Les tendances actuelles de la construction à Granada se caractérisent surtout par une course à la « modernité » et un manque de confiance général dans les techniques et matériaux traditionnels locaux (absence de projets d'habitat contemporains en adobe dans la ville).

59 Entretien effectué avec Alonso Caño, Ingénieur à la Direction des Services Techniques Munici- paux, le 30.11.11 à la Mairie de Granada.

60 Cf. Site américain de REMAX, société immobilière de luxe pour touristes : comment détourner la loi et faire les modifications que l’on veut (souvent sciemment promus à la limite du secteur historique protégé).

61 L’extrême exemple de conception complètement inadaptée que nous avons rencontré réside en un projet d’habitat social de l’INVUR comprenant des toilettes ouvertes vers le salon inté- rieur, des vitres sur toutes les fenêtres et des faux-plafonds très bas empêchant la ventilation naturelle, mais aussi une surenchère des installations électriques (entraînant certainement des surcoûts considérables).

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CHAPITRE II

Ceci pose aussi la question du « choix » et des « modèles » d’habitat proposés, donc :

• de la consultation approfondie des bénéficiaires pour une meilleure prise en compte de leur environnement proche,

• d’une personnalisation des plans selon un système combinatoire simple, le cas échéant.

En effet, selon les bénéficiaires rencontrées (et le quartier d’implantation de leur habitat), certaines préfèrent avoir leur cuisine ou leur salle de bain à l’extérieur (pour des questions d’hygiène, de confort, d’aération, etc.) où à l’intérieur (pour des questions de commodités, d’usages, mais aussi de sécurité). L’extrême dans l’autre sens serait de favoriser l’auto-construction dans sa plus simple expression, en ne soutenant les projets qu’avec la fourniture des parpaings et de la tôle.

4.2.2- Construction et supervision des logements :

Au regard des maisons du quartier Solidaridad qui, quelques années après leurs

construction, révèlent des défauts techniques62 , mauvais alignement des

poutres, défaut de choix ou de fabrication des matériaux entraînent des remon- tées capillaires, des fissurations dans les murs et les sols, etc.), l’application stricte

des normes minimales techniques semblent inévitable, mais elle est difficile à

suivre. Comme le faisait remarquer l’ingénieure de la CdM (Raquel Gloria), sur les

projets où cette supervision a été insuffisante, notamment lors des construc-

tions de Solidaridad ou celles, récentes, de Pantanal (ingénieur Roberto), les pro-

blèmes sont, là aussi, nombreux : lézardes sur les murs, défauts de fondations ou

de ferraillage des poteaux, etc. Pour faire évoluer positivement cette situation, Raquel Gloria a attiré fortement notre attention sur la nécessité de formation

complémentaire des constructeurs sur les principes essentiels de construction et sur les systèmes constructifs antisinistres. Cette demande nous a d’ailleurs

été exprimée par les constructeurs eux-mêmes à plusieurs reprises. Nous pensons que ces formations peuvent tout d’abord concerner les systèmes constructifs conventionnels, puis progressivement, aborder ceux qui seront choisis comme alternatives au modèle actuel. Il semble d’ailleurs que l’INATEC (Institut National Technologique) va effectivement travailler en partenariat avec la CdM pour for- mer les constructeurs et envoyer des étudiants faire des stages dans les chantiers de la CdM.

4.2.3- Sensibilisation et formation : réplicabilité et entretien

La variété des contextes et des populations bénéficiaires soulève deux points essentiels à prendre en compte :

• Les risques de défauts dans la construction :

62 Visite d’El fortin le 15.11.2011 : remontées capilaires, murs fissurés s’enfonçant, l’eau qui rentre dans les maisons lorsqu’il pleut.

Seul un travail suivi de formation et de sensibilisation auprès des constructeurs

(et des « filières artisanales » locales de construction) et des familles pourrait réduire durablement les risques de défauts techniques à la construction, car

la légitimité d’une norme auprès des constructeurs ou des habitants ne peut se concrétiser que par un transfert de moyens et de connaissances de la part d’un acteur de la sphère publique ou civile. Si les bénéficiaires et les aides sont formés, notamment à travers un chantier-école, et peuvent se référer à un « prototype de démonstration » très bien construit, ils seront plus amènes de suivre de près la mise en œuvre, de communiquer avec les constructeurs et de s’approprier le pro- jet. Les normes techniques, leur compréhension et leur application sont d’autant plus importantes que ces maisons ne sont pas le produit du secteur informel mais d’une coopération répondant à des plans précis encadrés par des techniciens

locaux compétents. Il s’agit d’une situation bien différente lorsque les popula-

tions improvisent l’agrandissement de leur maison.

• L’entretien nécessaire et l’évolution possible des maisons construites :

L’utilisation de matériaux importés pose de facto la question du caractère évo- lutif des logements et du problème de leur agrandissement. Pour des questions

de « coûts » et de « savoir-faire » (modèles non réplicables), l’agrandissement se fait fréquemment à partir de matériaux de récupération. Ces derniers, gref- fés à la structure principale peuvent présenter des risques pour l’ensemble de

la structure. En effet, si la partie de la maison «  évolutive  » réalisée lors de la

construction encadrée du projet peut suivre les normes antisismiques ou anticy- cloniques, les parties construites ultérieurement par les habitants seront vraisem- blablement non résistantes et donc pourraient menacer la stabilité physique du bâtiment. Aussi, la formation et la sensibilisation sur la question de l’entretien est un enjeu important au moment même de la construction comme durant leur utilisation (et à tout autre moment pour les maisons existantes), car les logements construits constituent pour la plupart des familles bénéficiaires leur unique « pa-

trimoine ».

IV- LA PLACE DE L’HABITAT  : DES PROBLÈMES OBSERVES ET DES