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Observation et analyse

B- LES POLITIQUES DE FINANCEMENT DU LOGEMENT AU NICARAGUA ET LEURS PROBLÈMES

4- Conclusion du diagnostic national

Nous avons vu que beaucoup d’initiatives ont été mises en place depuis une dizaine d’années à travers des programmes indépendants et/ou en partenariat entre les trois sphères sociétales publique, privée et civile. Ces initiatives en ma- tière de financement des programmes de logements semblaient adaptées aux besoins réels au moment de leur application. Elles peuvent être considérés ici comme des mesures positives visant à améliorer les conditions de vie désas- treuses de la majorité de la population nicaraguayenne. Néanmoins, malgré leurs objectifs très louables, leurs programmes de financement ambitieux et leurs approches qui paraissaient bien se compléter sur le plan théorique (démarches interdisciplinaires de relance de l’économie à travers le secteur de la construction, d’accès à des services financiers pour les familles les plus défavorisées, d’accom- pagnement technique, d’aide à l’accession à la propriété, etc.), ces initiatives re- présentent un véritable échec en termes de synergie de leurs actions.

Deux tendances peu rassurantes apparaissent très clairement. D’un côté, il n’existe toujours qu’une très petite quantité de projets réels de logements des- tinés aux personnes les plus nécessiteuses du Nicaragua, lesquelles constituent par ailleurs la majorité de la population. De l’autre côté, le manque de cohérence et d’efficience des stratégies en matière d’investissement semble trop important pour pallier les conséquences de la hausse des coûts de la construction et de permettre de bénéficier des fonds supplémentaires annoncés. Les résultats ac- tuels de ces programmes sont ainsi très critiqués. Les dernières études effectuées vont jusqu’à affirmer qu’ils contribuent directement au creusement du déficit de logements. Ces tendances convergent en un constat très préoccupant : l’offre actuelle est non seulement toujours trop faible pour couvrir les déficits qualitatifs (500.000 logements) et quantitatifs (400.000 logements), mais elle est également bien en-deçà du seuil les empêchant de se creuser davantage chaque année. Enfin, si le manque de cohérence des politiques de financement du logement est montrée systématiquement du doigt, si la responsabilité imputable à l’État nicaraguayen est également engagée en termes de fragilité économique et de concussion de ses organes, il semble que l’influence des bailleurs de fonds étran- gers et de l’Aide Publique au Développement (APD) - laquelle est la principale 41 Ibid.

42 Gisella Canales Ewest, «  Crudo sube precios de materiales de construcción  », In  : La prensa (26.04.2011, Source URL  : http://www.laprensa.com.ni/2011/04/26/nacionales/58728, page consultée le 28.10.2011).

source de fonds de tous ces programmes - soit également une cause non négli- geable des défaillances de l’ensemble du secteur.

« La mauvaise coordination des bailleurs de fonds réduit l’efficacité du développement43. » A ce titre, un des bailleurs de fonds espagnols a annoncé en janvier 2012 l’arrêt de ses subventions à la Casa de la Mujer de Granada. La crise économique frappant de plein fouet la sphère civile et syndicale de la coopération internationale se manifeste ici de manière très concrète et entraîne l’annulation de la construction déjà engagée de 250 logements à Pantanal. Plus grave, elle conditionne forte- ment la pérennité de la Casa de la Mujer, étant donné que certains frais liés au fonctionnement de l’association ne seront plus couverts et que les salaires de plusieurs de ses membres et responsables ne seront plus assurés.

Les solutions envisagées jusqu’ici soulèvent donc d’emblée d’autres probléma- tiques fondamentales. Bien que nous ne puissions pas toutes les aborder de ma- nière plus approfondie dans le cadre de cette étude, il nous paraît essentiel de les mentionner dans la liste suivante :

• Qu’en est-il de l’impact territorial des projets ? Les phénomènes d’étale-

ment urbain (entrainant des problèmes de transport, d’enclaves, d’exclusion, de stigmatisation et de discrimination spatiale) et de mitage du paysage sont tous les deux liés à la consommation des terres agricoles par un habitat qui n’est ni suffisamment dense (entraînant une augmentation des coûts de construction, d’utilisation et d’entretien), ni suffisamment généreux en es- pace si l’on souhaite y favoriser une certaine forme d’autonomie alimentaire (au sein de l’habitat semi-rural : culture de maraîchers, potagers, etc.).

• La question de la propriété des terrains et des maisons pose aussi un pro-

blème économique en ce sens qu’elle peut devenir une charge lourde à por- ter. Dans certains cas, la location sociale et le droit d’usage pourraient-elles constituer des alternatives qui permettraient à des familles de sortir de la spi- rale de l’exclusion sans pour autant avoir recours à l’accession à la propriété. De plus, l’endettement et le manque d’entretien peuvent, à terme, amener à la perte éventuelle des maisons (pas d’argent pour rénover et difficultés à revendre).

• Qu’en est-il des impacts environnementaux de l’industrie de la construc- tion et de l’intégration des projets de logements à un développement terri-

torial global ? Que ce soit dans le domaine de l’habitat économique ou dans celui de la construction de bâtiments publics, des solutions alternatives res-

pectueuses de l’environnement existent. Elles sont fiables et adaptées aux

capacités techniques et financières des populations locales.

43 In : L’IDA en action, Le Nicaragua : À l’appui du progrès dans le deuxième pays le plus pauvre d’Amérique latine (Banque Mondiale, mars 2007), p. 2. Source : http://siteresources.worldbank. org/EXTIDAFRENCH/Resources/Nicaragua_FR.pdf, page consultée le 20.10.2011.

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CHAPITRE II

• Qu’en est-il de la gentrification des centres urbains (comme à Granada) et

de la nécessité de mettre en place des politiques antispéculatives. Les effets du tourisme, un des axes du développement économique du pays, se font directement sentir à l’échelle de la ville. Ce phénomène s’accompagne du déplacement des habitants à revenus moyens et faibles en-dehors du centre (donc souvent à distance des lieux de travail) et d’une paupérisation des

quartiers y émergeant, souvent informels.

• Qu’en est-il des impacts socioéconomiques du monde de la construction tel

qu’il est organisé à l’heure actuelle (très peu de retombées positives directes dans l’économie locale)  ? Comment permettre aux acteurs de la construc- tion de trouver une alternative à l’importation des matières premières et de

reprendre le contrôle des filières industrielles de la construction (ex : mono-

pole de deux transnationales sur les filières des matériaux de construction ci- ments et similis [extraction, transformation, production, commercialisation] : CEMEX (Compagnie Mexicaine) et HOLCIM (Compagnie Suisse)) ?

II- DESCRIPTION ET ANALYSE DU CONTEXTE LOCAL : DIAGNOSTIC