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(inscrite dans la durée)

identification

(problèmes, risques, enjeux)

Fonctionnement vernaculaire «idéal» :

Quelles ont pu être les mécanismes ayant induit la constitution et le prolonge- ment de pratiques constructives semblant être particulièrement adaptées à leur environnement ?

Nous avons abordé précédemment dans ce mémoire (Cf. supra «  Chapitre II  : contexte de Granada, aspects physico-naturels », p. 79)qu’au regard de ses carac-

téristiques physico-naturelles, la ville de Granada était notamment soumise aux aléas de type sismique. En prolongeant la réflexion de Ferrigni, le sinistre résul-

tant d’un tremblement de terre est donc non seulement potentiel de créativité, mais il en devient le moteur.

Comme le montre le schéma ci-contre (Cf. illustration n° 104 ci-contre), selon cette approche, le « sinistre » se situe donc au coeur d’un système de couplage entre deux éléments interdépendants :

• un « objet », désigné ici comme « habitation » (cercle de gauche),

• un « système de production », identifié ici comme système de « construc-

tion parasinistre » (cercle de droite).

Ces deux composants sont organisés selon:

• à gauche, un processus de création et de destruction de l’objet « habita- tion » lequel, par la manifestation d’un phénomène de destruction créatrice constitue et redevient une ressource locale mobilisable (recyclage ou réuti- lisation des matériaux locaux naturels notamment),

• à droite, un système de production d’une «  construction parasinistre  » grâce auquel les raisons des dégradations seront identifiées et transformées en solutions par le biais d’une créativité endogène (créativité constructive, organisationnelle sociale et territoriale). Celle-ci est mobilisée ou émerge lo- calement, rendant ce système de production efficace et permettant de pré- venir ou de corriger les effets du prochain sinistre. Il est donc facteur d’une

résilience accrue.

C’est donc la projection d’une intention de production sur l’objet (donc ici de rendre « parasinistre » une « habitation » en produisant des dispositifs particu- liers) qui en fait une ressource culturelle.

Ainsi, de manière générale, les ressources ne « préexistent » pas mais elles sont issues d’un processus impulsé par des acteurs créatifs qui projettent, sur des ob- jets, des intentions de production. Elles émergent de la vision que les acteurs ont de ce qui est utile au développement économique, social, environnemental, et de ce qui ne l’est pas. En ce sens, elles dépendent de la capacité des acteurs à réinventer et à reconsidérer les opportunités ainsi que les contraintes du monde qui les entoure. À la lumière de cette définition, les aléas sismiques sont bien des opportunités, en ce sens qu’ils nourrissent et stimulent des potentiels créatifs dès lors qu’ils peuvent être identifiés comme intrants mobilisables dans un pro-

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CHAPITRE III

Figure 105- Couvent San Francisco (Source : photographie personnelle)

2.2- Systèmes constructifs traditionnels principaux :

La ville de Granada a la particularité d’avoir conservé son architecture coloniale, malgré différentes destructions partielles ou totales. Le bois sculpté, la tuile de terre cuite et l’adobe ont définis les traits de caractère principaux de la physiono- mie de la Granada coloniale.

Comme nous l’avons mentionné précédemment (Cf. Supra chapitre II, Analyse du contexte de Granada), p. 79), la ville actuelle de Granada s’est formée à partir de deux noyaux urbains :

• la place central du village indigène originel (aujourd’hui la place Xalteva), • la place centrale construite par les espagnols (El parque central).

Le centre historique actuel de Granada correspond à 11% de la superficie totale de la ville (Flor de Maria Rivera, Séminaire à la Casa de la Mujer, 26.11.2011). Celle- ci fut fondée en suivant un tracé territorial de type espagnol, en respectant une grille. Cette forme de tracé orthogonal a généré un schéma d’habitat en étroite

relation avec ses systèmes constructifs, notamment la maçonnerie en adobe. A

Granada (ainsi qu’à Leon), entre 28% et 48% des constructions sont en adobe et en taquezal et plus de 30% correspondent à des constructions de type mixte. Au moins 80% de celles-ci sont des constructions historiques, c’est-à-dire qu’elles

datent au minimum d’il y a cent ans. Les constructions possèdent une volumé- trie parasismique, de formes simples et compactes (orthogonales), ainsi que

des passages et de grandes toitures débordantes qui protègent les murs en terre crue. Dispositifs caractéristiques de ces structures spatiales, les patios intérieurs permettent la ventilation des constructions, offrent un dispositif ingénieux de diminution de la vulnérabilité face aux cyclones (en évitant des surpressions in- ternes à l’édifice) et prodiguent un degré d’intimité supérieur à la vie des foyers. 2.2.1- Adobe : technique de moulage de la terre sous forme de briques séchées au soleil

L’adobe coloniale : cette technique d’utilisation de la terre crue sous forme de

briques séchées au soleil est présente dans de nombreux centres historiques du pays. Les blocs d’adobe dits « coloniaux » font généralement 15*30*60 cm (h*l*L). La construction en adobe au Nicaragua s’est généralisée entre 1525 et 1890. Parmi ces constructions, nous pouvons évoquer le complexe du Couvent et l’église San Francisco, Granada (Cf. illustrations ci-contre). Depuis le début de sa construc- tion en 1529, exécutée majoritairement en adobe, cet ensemble a été témoin des changements historiques qui sont survenus au Nicaragua et à Granada. L’église de l’Ascension (Iglesia de la Asunción) et la maison de la culture (Casa de Cultura), toutes deux construites à Ocotal à la fin du XIXème siècle, constituent un autre

exemple significatif d’utilisation de l’adobe colonial (Cf. illustration n° 105 et 106). Il existe des constructions plus récentes construites en adobe, comme le cinéma d’Ocotal construit dans les années cinquante. En fait, seule la côte Caraïbe du pays ne présente pas de trace historique de l’utilisation de l’adobe.

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CHAPITRE III

Figure 110- Maison en taquezal remplie de gravas (Source : photographie personnelle)

Figure 111- Structure primaire du taquezal : détail d’assemblage poteaux - poutres - contreventements (Source : Arch. Daisy Membreño)

Figure 112- Maison en taquezal remplie de terre (Source : photographie personnelle)

Figure 113- Structure primaire en bois contreventée d’un mur en

taquezal (Source : Arch. Daisy Membreño)

Figure 114- Structure primaire du Taquezal : détail d’assemblage poteaux - contreventements sur fondation (Source : Arch. Daisy Membreño)

Figure 115- Taquezal : remplissage de la structure primaire avec des

briques d’adobe (Source : www.culturasconstructivas.blogspot. com)

2.2.2- Taquezal, une l’évolution de la technique : remplissage en terre, pierres ou autres matériaux (dont adobes)

Durant le dix-neuvième siècle, une « architecture républicaine » s’est développée au Nicaragua. Elle est marquée par des influences et des tendances néoclassiques qui exigeaient des constructions plus lumineuses et aux géométriques plus

complexes, ce qui se traduisit par l’intégration d’ouvertures plus nombreuses

(avant, seules les portes, généreuses, rythmaient les façades). Pour réussir cette adéquation stylistique, un nouveau système constructif appelé « taquezal » fut utilisé. Il s’agissait d’un système constructif « mixte », c’est-à-dire combinant des

éléments porteurs d’une ossature (structure en bois) et des matériaux de rem- plissage comme la terre. Dans ce type de construction, la terre ne joue qu’un rôle

de protection physique (fermeture) et thermique (isolation par exemple).

Les murs, en général d’une épaisseur de 30 cm, sont composés d’une structure

primaire constituée de poteaux et de poutres en bois, enterrés souvent direc-

tement dans les fondations (pierres maçonnées, béton cyclopéen, etc.). Des la- melles de bois ou des tiges de roseaux sont fixées horizontalement de manière très régulière tous les 20 à 25 cm des deux côtés des poteaux. Ils constituent la

structure secondaire, laquelle forme une sorte de coffrage. L’intérieur de cette

ossature est ensuite comblé de plusieurs manières possible :

• avec un mélange de terre argileuse amendée de sable et/ou de fibres (paille

de riz, paille, plante locale « zacate yumen » - une sorte de foin dont les fibres sont plus résistantes que celles de la paille de riz),

• avec des gravats, des débris de construction (brique cuite notamment) et/

ou des pierres,

• avec des adobes maçonnées avec un mortier de chaux, de terre argileuse et

de talpuja (terre volcanique).

La finition des murs se fait avec l’application d’un enduit, souvent composé d’un mélange de chaux et de talpuja (roche volcanique poreuse et légère, ou « pierre ponce »).

La réutilisation de ce système constructif durant la période postcoloniale fut pos- sible grâce à son évolution et à son perfectionnement, lesquels se sont traduits par l’incorporations d’éléments parasismiques :

• une triangulation renforcée de la structure (ajout de pièces de bois dispo-

sées en diagonales),

• une rigidification de l’ensemble des murs grâce à la pose d’un chaînage

périphérique (poutre) entre les étages (Flor de Maria Rivera, Séminaire à la Casa de la Mujer, 26.11.2011).