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PREUVES ET VALIDATION SITUATIONS FONDAMENTALES

I. 2.1 « Représentation par un voisin »

L'analyse, par rapport aux «théories » antérieures des nombres, théories se basant toutes plus ou moins sur la mesure, a ceci de nouveau qu'elle considère les nombres non plus seulement comme ce avec quoi on mesure, mais également comme objets qu'on mesure. Ce nouveau point de vue sur les nombres s'est accompagné, historiquement, d'une formalisation des définitions des ensembles de nombres, et de la construction rigoureuse de l'ensemble R. En ce sens on peut penser qu'une connaissance insuffisante des nombres réels pourrait être un obstacle à l'enseignement de l'analyse ; cependant, bien que ce soit probablement exact, l'option prise par l'enseignement actuel est de ne pas consacrer de temps ni d'activités spécifiques à l'apprentissage de la notion de nombre réel, même à l'université. La construction de R n'est abordée qu'au programme de l'agrégation de mathématiques. Les rationnels n'ont pas beaucoup plus de place dans l'enseignement : les fractions et décimaux sont introduits comme mesures à l'école primaire ; au collège leur statut de nombre n'est pas clairement identifié ; A.Bronner parle de «vides didactiques » dans les choix transpositifs de l'institution, au sujet du passage des nombres décimaux aux réels (Bronner 1997).

Faute de disposer de connaissances solides sur les nombres, il faut bien que les élèves s'engagent dans la construction de l'analyse avec les outils numériques dont ils disposent ; et il est impossible de faire dépendre la construction d'une ingénierie didactique sur les fonctions ou les limites, d'un apprentissage préalable approfondi de la notion de nombre réel, pour des raisons évidentes d'ergonomie. Il faut donc faire le pari que ces connaissances numériques pourront au contraire être récupérées comme conséquences de savoirs de l'analyse. Si l'on prend l'exemple du nombre π , qui n'est pas vraiment vu comme un nombre (cf. chapitre 2) lorsqu'on le prend comme échelle ou comme mesure de la longueur du cercle, on peut penser qu'il pourra acquérir le statut de nombre comme somme d'une série, lorsque toutes les «limites » auront été récupérées ; ainsi plus tard dans la construction des savoirs de l'analyse, on peut dire que : «les nombres sont des limites » au lieu de : «les suites ont une limite » . On peut penser que l’existence, autrefois, de montres analogiques (à aiguilles) d’usage très répandu, pouvait induire une vision de la topologie des nombres implicite et concrète, par l’avancée régulière des aiguilles et du temps. Dans les montres numériques, l’avancée du temps est devenue discrète. Cependant lorsqu’on demande à des élèves de Seconde de donner un phénomène continu, ils citent le temps (cf. Bloch 1995). Reste à savoir si ce continu du temps est lié pour eux au continu des nombres.

Autant qu’à un phénomène culturel, ce qui a peut-être pu infléchir ou déterminer le rapport personnel des élèves aux nombres peut être dû à l’approche des nombres imposée par l’enseignement depuis les années 80 : une problématique algébrique (quotients, règles opératoires et algébriques sur les « nombres » - sans spécification - et travail sur les « écritures » décimales ou fractionnaires), pas de prolongement de la problématique arithmétique / mesure qui était la règle au primaire, et pas d’identification de nouveaux nombres, ni de questions sur la nature des nombres trouvés, y compris les racines carrées. 31

Ce qui peut être considéré comme caractéristique du travail sur les réels et les suites convergentes, en analyse, est la situation des suites adjacentes : supposons par exemple qu'on cherche la solution d'une équation f(x) = 0 , dans un intervalle donné où l'on sait que cette solution existe ; ne connaissant pas f, ou f n'étant pas algébriquement simple, on cherche à encadrer la solution dans des intervalles emboîtés. Ceci revient à considérer l'intersection d'une infinité d'intervalles emboîtés ; et la théorie dit alors que, sous certaines conditions, cette intersection se réduit à un point. Cet exemple illustre ce que l'analyse a de spécifique, et aussi l'impasse que l'on peut rencontrer si l'on tente de se baser sur l'intuition : chacun des intervalles considérés ayant une infinité d'éléments, on peut penser que leur intersection en comporte également une infinité ; ou bien, que l'intersection d'une infinité d'intervalles emboîtés ne peut être que vide. Ici encore, les connaissances sur l'infini ne fournissent pas les outils de contrôle et de validation dont la théorie a besoin pour conclure. Remarquons que le savoir sur les suites adjacentes faisait explicitement partie du savoir dans les programmes jusqu’en 1970, qu’il s’est maintenu en classe de Terminale jusque dans certains manuels de 198332, et qu’il a disparu ensuite.

Les «règles du jeu » qui permettent de conclure dans le cas des suites adjacentes sont bien différentes de celles de l'algèbre élémentaire ; en algèbre une part importante du raisonnement s'appuie sur la reconnaissance de structure dans les énoncés, et sur la dénotation (cf. Drouhard, 1996) : on remplace un nombre connu par un symbole, par exemple une lettre, le but étant de faire des déclarations sur des nombres sans avoir à les spécifier. Mais la règle de remplacement est simple : tout symbole (lettre) figurant une expression algébrique peut être substituée par un nombre correspondant au domaine de validité de la dite expression, ou par une autre expression algébrique. Ceci autorise des niveaux successifs de remplacement, mais ne suppose, comme propriétés des ensembles de nombres, que celles que Y.Chevallard

31 cf. Bronner (1997) pages 151 et suivantes ; Chevallard 1989.

32 cf. Audirac et alii (1983), Terminale C, Analyse, page 224 (éditions Magnard). l’exemple des suites

119 note comme étant celles des systèmes de nombres (Chevallard, 1989), à savoir les structures algébriques.

En analyse, le but est de faire des déclarations sur du non calculable, comme dans le problème présenté ci-dessus (recherche d'une solution d'une équation non résoluble algébriquement). L'approche d'une situation fondamentale est donc celle de l'approximation d'un nombre inconnu par des nombres connus, aussi proches que l'on veut du nombre inconnu. Cette situation conduit à un type de raisonnement que nous appellerons : règle de représentation par un voisin. En effet en analyse on est conduit à travailler avec des nombres qu'on ne peut pas exhiber, et le travail consiste à manipuler des ostensifs qui renvoient à des nombres «proches » du nombre évoqué. Ce style de travail comporte des conséquences, au niveau de la théorie qui s'est construite pour contrôler cette règle, au niveau des ostensifs utilisés, et au niveau de la nature logique des énoncés.

En effet :

— cette règle oblige à postuler R séparé ; de plus le problème posé ci-dessus en termes d'intersection d'intervalles emboîtés conduit à poser R complet, afin que l'intersection ne soit pas vide ;

— la théorie a construit les règles de contrôle de cette représentation par un voisin ; ceci oblige en particulier à contrôler la mesure des écarts, d'où l'importance des outils comme la valeur absolue et les inégalités ; d'où aussi la place prise par les intervalles, et le débouché de cette problématique sur les voisinages et la topologie ;

— les quantités «infiniment grandes » ne sont pas traitées directement ; elles le sont donc par l'intermédiaire de l'axiome d'Archimède, ou plus généralement des majorations ou minorations, d'où l'importance des inégalités. Un autre outil est l'axiome d'induction, qui rend valide la récurrence (récurrence qui, rappelons le, a quasi disparu des programmes du secondaire en 1991) ;

— les quantités «infiniment petites » sont régies par la règle de représentation par un voisin et la majoration des écarts, mais la quantification est indispensable pour assurer l'approximation aussi loin qu'on veut ; on peut remarquer que cette quantification devient obligatoire dès qu'on admet qu'entre deux réels, il en existe toujours un troisième (densité) ; et que la situation des suites adjacentes débouche bien sur l'existence d'UN réel (complétude).

I.2.2 Algèbre et analyse

En algèbre la quantification existe bien entendu, mais elle ne joue pas le même rôle : elle est, en quelque sorte, en «chapeau » des démonstrations, pour indiquer le domaine de validité de celle-ci ; ou bien on l'emploie pour exhiber un élément d'un groupe, d'un espace vectoriel. De plus, les éléments de quantification, en algèbre, sont souvent isolables ou séparables, sans que la partie de phrase de logique ainsi isolée ne perde son sens. Ainsi on peut dire :

∀a ∈R, ∀b ∈R , (a + b)2 = a2 + 2ab + b2

et si l'on ne garde que l'une des quantifications, la relation ∀a ∈R (a + b)2 = a2 + 2ab + b2 continue d'avoir un sens, bien que l'on ne sache pas quelle valeur prend b, ou qu'on puisse penser que la relation est quantifiée implicitement. D’ailleurs dans l’enseignement secondaire, actuellement, les quantificateurs ont disparu de tout le travail algébrique jusqu’à la Seconde ; ils ne sont réintroduits qu’en Première et surtout Terminale scientifiques, à un moment où le fait d’avoir posé R comme « un fourre-tout contenant les nombres rencontrés jusqu’à

présent » 33 dispense de s’interroger sur la nature des nombres ainsi quantifiés (cf. Bronner 1997 page 154).

33 L’expression est du manuel Hachette de Seconde, qui commente ainsi l’introduction de la notation R : « L’ensemble R est quand même autre chose qu’un fourre-tout contenant les nombres rencontrés jusqu’à

présent » !

En algèbre les quantificateurs peuvent aussi changer le statut d'un objet, par exemple transformer une variable en paramètre ou en indéterminée ; mais l'expression algébrique continue d'avoir un sens même si on l'isole de ses quantifications. D’ailleurs Woillez (Woillez 1999) fait la même remarque :

« En algèbre élémentaire le choix des inconnues, les quantificateurs seront traités de manière implicite et l’écriture des termes, la transformation des termes et les relations entre termes seront explicites. »

Il n'en est pas de même en analyse, où les phrases de validation ne peuvent souvent être isolées sans perdre leur sens. Ainsi l'expression «f(x) a pour limite L, quand x tend vers a » a un sens ; séparées, les deux phrases : «f(x) a pour limite L » et «x tend vers a » n'en ont aucun.

De même en algèbre, pour prouver que a = b, on peut par exemple prouver que a = c et b = c, pour prouver une inégalité, a < b, trouver c tel que a < c et c < b ; en analyse, si l'on prouve que a = b en prouvant que : ∀ ε , | a - b | < ε , on utilise un répertoire qui n'est pas pertinent pour l'algèbre.

En algèbre, on peut spécifier les lettres, c'est-à-dire référer à des valeurs de vérité en arithmétique, ou encore à du calcul propositionnel ; ou bien il est plus facile d'instancier les énoncés 34. En analyse, l'usage du calcul des prédicats est incontournable, car on manipule des énoncés quantifiés, implicitement ou non ; et des énoncés où les lettres peuvent représenter des variables, des éléments génériques, des éléments fixés (cf. Durand-Guerrier, 1996, p. 151 à 160 pour l'analyse logique d'items relatifs aux suites et fonctions dans un questionnaire posé en DEUG A).

Le plus important est qu'en analyse l'usage des quantificateurs change les objets. En effet en analyse le contrôle de la véracité d'une déclaration n'est pas ponctuel, dans la mesure où l'on manipule des objets, comme les suites ou les fonctions, qui réfèrent automatiquement à un ensemble continu, dense et complet. Ce contrôle comprend donc nécessairement le recours à des intervalles, des écarts, des voisins... comme nous l'avons noté ci-dessus. Il en résulte que la variation des quantificateurs permet d'engendrer des objets différents : autrement dit l'usage des quantificateurs est une variable cognitive pour l'analyse ; si donc nous pouvons construire une ingénierie où cette variable est accessible, ce sera une variable didactique de la situation. On trouvera au chapitre 5 des exemples de variation contrôlée de cette variable, dans l'ingénierie que nous avons choisie pour travailler sur les fonctions. Ceci met encore l'accent sur le fait que le répertoire numérique discret (arithmétique) n'est pas pertinent pour l'introduction de l'analyse ; le répertoire algébrique s'avère lui aussi inadéquat, en raison de sa limitation quand aux objets sur lesquels peut s'effectuer le travail. En effet l'usage des quantificateurs et des nombres réels ouvre un champ quasi illimité aux possibilités de construction d'objets comme les suites et les fonctions ; il est clair que limiter ce champ aux seules fonctions obtenues comme des expressions algébriques de la variable serait se priver de la plus grande partie de l'analyse moderne. Même en restant dans ce champ, on se trouve vite empêché (non pas théoriquement, mais pragmatiquement, au niveau de l'enseignement secondaire) de construire d'autres objets que les objets initiaux, à cause de la très grande complexité que revêt très vite cette construction : envisager de traiter, par les seules méthodes de l'algèbre, des fonctions polynomiales ou rationnelles, ou à radicaux, conduit à des calculs vite très complexes. Le domaine algébrique ne jouit donc pas de cette propriété fondamentale, qui est de permettre d'engendrer (avec des connaissances raisonnables) des objets de l'analyse et de les traiter avec des méthodes adéquates au savoir de l'analyse. Il faut donc faire jouer ce rôle à un autre domaine de représentation, possédant des propriétés plus satisfaisantes par rapport aux objets de l'analyse et à leurs caractéristiques.

3434 Nous parlons d'algèbre élémentaire. Il est clair qu'à un niveau plus élevé, l'imbrication des structures et des

121 Ce que les mathématiciens n'ont pas jugé adéquat pour leur travail a cependant été introduit dans l'enseignement, où l'on a tenté en 1985 de construire les fonctions et les limites à l'aide des fonctions de référence (voir ci-dessous pour une étude plus détaillée ; voir aussi Artigue 1993).

Cette spécificité relative aux méthodes de preuve en analyse, et signalée dans d'autres recherches (cf. Legrand 1991), fait partie de ce que nous avions nommé le Système Spécifique de Preuve de l'Analyse (cf. Bloch 1995) ; c'est ce qui nous permet de caractériser le milieu des preuves pour l'enseignement de l'analyse. Bien que l'étude faite aux chapitres précédents nous ait amenée à élargir ce que nous pouvons considérer comme la théorie de l'analyse, dans ses différents aspects, nous garderons ce nom de SPA pour désigner ce milieu des preuves de l'analyse.

Dans cette optique, la règle énoncée ci-dessus (représentation par un voisin) et ses conséquences au niveau des outils nécessaires à la preuve en analyse, nous paraissent fondamentales pour la construction d'un milieu propre à la validation. Ce milieu devra donc comporter au moins une partie des éléments mentionnés ci-dessus, afin de jouer son rôle dans le jeu de la situation.

I.3 LE MILIEU DE LA SITUATION DIDACTIQUE

Dans la situation didactique, le professeur introduit un milieu d'écritures formelles qui permet de parler des limites et de les manipuler, moyennant des règles de type algébrique : on parle d'ailleurs à ce sujet d'algèbre des limites. Ces écritures formelles sont des ostensifs particuliers de limites, situés dans un certain registre de représentation : le registre formel, que nous étudierons au chapitre 4 pour les fonctions. Or ces ostensifs sont en partie constitués d'abréviations («lim » ) et en partie de nombres et de symboles, dont le symbole

« ∞

»

.

L'infini avait donc disparu du milieu de référence, et des phases de validation ; on le retrouve à ce niveau.

I.3.1 Ostensifs de limites et infini

En effet, alors que la validation en analyse ne se sert pas directement de l'infini (ne prend pas l'infini comme objet de calcul, comme outil de contrôle), les ostensifs de l'analyse, eux, renvoient fréquemment à l'infini : que l'on songe aux limites, aux ? , aux ? ; aux intégrales ... le symbole

est utilisé comme «raccourci » de l'écriture d'une limite, que celle-ci soit limite d'une suite, d'une série, d'un produit, d'une intégrale... On pourrait dire que les ostensifs de l'analyse ont gardé la trace des anciens paradoxes de l'infini, même bien après que ces paradoxes aient été résolus ou éliminés.

Ceci entraîne une difficulté de l'enseignement : en enseignant l'analyse, on ne parle pas DE l'infini mais on parle AVEC l'infini, alors que l'infini n'est pas un concept mathématique, qu'il ne reçoit donc pas de définition.

L'infini n'est, en effet, pas pris dans des relations mathématiques, du moins pas à ce niveau de l'enseignement (début de l'enseignement de l'analyse). Certains travaux ont tenté de formuler les règles mathématiques de manipulation de l'infini, comme les o et les O de Bourbaki ; au niveau qui nous occupe, on ne peut pas écrire +

8

-

8

, ou

8

2

par exemple ; mais on écrit lim (x →+

8

) f(x). Il n'est pas sûr que ces écritures formelles ne soient pas interprétées par les élèves comme des règles mathématiques sur l'infini ; d'ailleurs une des écritures les plus fréquemment rencontrées chez les élèves, est celle que l'on trouve dans l'étude des formes indéterminées :

8 / 8

.

Comme le note également Trouche (Trouche 1996), les ostensifs avec lesquels on manipule le concept de limite portent la trace des étapes qui ont marqué son émergence : de

même que le symbole

8

, on trouve aussi des formulations dynamiques («tend vers » ) et des formulations (dynamiques ou non) d'approximation : «quand x se rapproche de 3, f(x) se rapproche de L » ; «si x est suffisamment proche de 3, f(x) est aussi près que l'on veut de L » .

Bien que le concept de limite, historiquement, se soit stabilisé dans une formulation numérique, ces autres formulations sont reprises tour à tour dans l'enseignement ; elles participent aussi de ces moyens de médiation dont dispose le professeur pour commenter le discours mathématique, et au nombre desquels on compte aussi les représentations graphiques (or peut-on dessiner une limite, ou une fonction qui tend vers une limite?). Cependant les formulations dynamiques, temporelles, ou d'approximation, des limites, tout en restant du côté des moyens d'enseignement dont dispose le professeur, se trouvent écartées de la formalisation des résultats de l'analyse, ce qui ne leur donne pas le même statut que les formulations recourant à l'infini : si celles-ci sont moins dans le discours (les commentaires) elles sont par contre dans le symbolisme.

I.3.2 Obstacles relatifs au traitement de l'infini dans l'enseignement

Ceci peut être source de difficultés importantes, surtout à l'étape des débuts de l'enseignement de l'analyse. Suivant nos observations, les professeurs ne consacrent pas un temps important à l'explicitation du sens de ce symbolisme, lorsqu'ils en parlent, ce qu'ils ne font pas tous. Des travaux (Cornu 1983, Berthelot 1983, Advanced Mathematical Thinking 1991) ont étudié certaines conceptions des élèves sur les limites ; ces conceptions sont fortement influencées par le vocabulaire employé à propos des limites, et par le sens usuel de ce vocabulaire, deux constatations qui n'ont en soi rien d'étonnant.

On emploie donc, pour parler des limites, un vocabulaire et surtout un symbolisme qui font appel à l'infini, lequel n'est pas (encore) un outil pertinent pour la validation de ces mêmes limites. De plus la difficulté liée à ce double usage de l'infini (usage pour la dévolution, usage dans les ostensifs) et à ce manque d'usage dans la validation, cette difficulté n'est pas systématiquement prise en compte dans l'enseignement. C'est un phénomène qui reste le plus souvent implicite dans le discours de l'enseignant ou dans les manuels (voir II.1 ci-dessous).

Il s'ensuit que l'élève use des symboles de l'infini ( +

∞, - ∞

) dans des situations où le référent est perdu de vue, ce qui est normal ; il en use aussi pour la validation, ce qui ne convient plus. Ainsi lorsque nous demandons, dans le questionnaire (voir chapitre 7) posé à des élèves de Première, de justifier une limite, nous obtenons des réponses comme :

«car un tend vers L » ; ou : «car lim un (n→ +

8

) = L ». On tourne en rond dans des formulations équivalentes, plus ou moins approximatives, de la limite, où les écritures formelles prennent la place de la justification. Pour les élèves, il y a certainement une référence au sens, c'est-à-dire aux situations qui ont permis la dévolution. Mais la référence au milieu des preuves est perdue, alors même qu'on demande une justification.

On peut donc penser que si l'enseignement base l'apprentissage des limites sur