• Aucun résultat trouvé

Si nous analysons le déroulement de la situation du point de vue des niveaux de milieux et des connaissances qui s'y manifestent, nous identifions trois étapes :

1) Le rôle du contexte dans la dévolution

La situation «réelle » joue son rôle pour la dévolution, suscitant intérêt et discussion, et prise en charge par les élèves ; remarquons que ce n'est pas de façon a-didactique, mais plutôt sur le mode du débat scientifique. Les modèles successifs sont, par ailleurs, donnés par le professeur, et une partie de la discussion porte sur la vraisemblance de ces modèles.

On pourrait situer cette phase de dévolution comme l'identification du milieu «matériel » , constitué ici des différentes hypothèses sur le pétrolier, sa vitesse, l'eau qu'il embarque... sans qu'il y ait encore de problème clairement posé en termes de limite.

2) La référence à l'infini (introduction de suites et de séries)

Le milieu objectif est constitué des hypothèses sur l'avance du pétrolier, des calculs sur les courants et la vitesse du pétrolier, de la question posée cette fois en termes mathématiques (décision dépendant de calculs) : le pétrolier, vus ces calculs (faits par les élèves de n=1 à n=24), peut-il regagner le port?

Le professeur propose alors la série de terme général (dn)n>25 pour continuer le travail de calcul ; ce faisant, il introduit une connaissance qui n'est pas apparue spontanément dans la classe : les calculs sur une série, à l'infini, sont pertinents pour traiter le problème du pétrolier qui doit pourtant regagner le port en un temps fini! autrement dit, l'infini, dont nous avions noté le rôle pour la dévolution du concept de limite, fait ici son apparition. Di Martino insiste bien, à juste titre, sur la rupture entre la première partie du travail (discussion sur la pertinence des modèles) et la deuxième partie, qui est véritablement l'entrée dans une problématique mathématique, avec l'infini comme support ; mais une difficulté, signalée par elle (Di Martino 1992, p.30) est effectivement la transition entre la partie «réel » et la partie mathématique, le risque étant que certains élèves n'acceptent pas cette intrusion de l'infini dans le problème qu'ils continuent à voir comme réel. Il se produit d'ailleurs des discussions sur le fait de représenter le pétrolier par un point, considéré comme non réaliste par les élèves et susceptible de modifier le résultat (par exemple de conduire à la conclusion qu'il manque 10cm au pétrolier pour rentrer, alors que celui-ci mesure en fait 500m!).

Remarquons de plus que l'infini s'introduit tardivement dans la situation, toute la première partie étant occupée par un travail sur la modélisation, très intéressant mais qui ne se traduit pas mathématiquement par des procédures d'analyse.

3) La majoration du reste de la série et la conclusion

La troisième partie (correspondant au milieu de référence de la situation) débute lorsque le professeur introduit le reste de la série, sa majoration et les questions sur l'information qu'apportent ces données pour répondre à la question de départ. Cependant cette partie est traitée en termes de majoration mais pas en termes de «condition sur n pour que le reste ne dépasse pas... » , c'est-à-dire que le traitement en reste algébrique, les élèves calculant simplement l'encadrement pour des valeurs «grandes » de n. La logique du traitement algébrique reste «covariante » (regardons ce que devient la fonction si n prend la

153 valeur...) alors que la logique du traitement analytique est «contravariante » , du moins dans l'analyse classique («à quelle condition sur n la fonction prendrait-elle une valeur ...? » ). 42

Du point de vue maintenant de l'a-didacticité, quelle est sa part dans cette situation? Di Martino parle pour la deuxième partie de «ni didactique, ni a-didactique » :

«... une fois passé l'effet de surprise devant la complexité de l'objet, les élèves s'engagent assez loin dans le travail sur la série (...). Il semble bien que l'élément décisif soit l'arrivée inopinée dans la classe d'informations numériques sur la série

(un élève a programmé la série chez lui beaucoup plus loin que prévu, I.B.) les résultats fournis par la calculatrice étant bien pour eux le seul moyen de valider leurs affirmations sur la position de la limite par rapport à 200, ils sont pris comme tels.

Cette phase est également difficile à caractériser du point de vue didactique : elle n'a pas de caractère a-didactique, puisqu'à ce niveau, des moyens de validation plus proprement mathématiques sont indisponibles (souligné par nous) (...). Elle n'est pas non plus didactique, puisqu'aucune institutionnalisation n'a été faite par le maître à propos de la convergence de la série au moment où apparaissent les contradictions. L'institutionnalisation est venue en fait bien plus tard. » (Di Martino1992 p.89)

Selon Di Martino, la deuxième partie serait une phase de transition entre la première partie, a-didactique, et la troisième, didactique. L'a-didacticité de la première partie nous semble discutable, dans la mesure où c'est le professeur qui fournit tous les éléments des modèles, et que les élèves n'avancent même jamais l'idée, qui est donc complètement importée, que ce problème du pétrolier peut recevoir une solution mathématique ; certains élèves résistent même à l'accepter, durant un temps assez long. Cependant le milieu de la première partie s'avère résistant pour y faire vivre des conjectures sur la vitesse du pétrolier, des hypothèses sur l'eau embarquée, sur le temps qu'il mettra à rentrer ; hypothèses qui elles-mêmes vont servir de support aux calculs (mais finis!) et à l'introduction de la série... par le professeur, ainsi que Di Martino le remarque bien.

En définitive quel est le gain par rapport à une situation de non modélisation? il se situe du côté du sens et de l'utilité des concepts d'analyse, c'est-à-dire du côté de l'épistémologie de l'élève, ce qui n'est certes pas négligeable, mais pas du côté de la validation. Il en résulte que par rapport à notre recherche, ce type de situation n'est pas adapté : il y manque les outils de validation... et le SPA.

42 Les deux termes sont empruntés à Lutz, Meyer, Makhlouf (1996): Pour un enseignement de l'analyse en termes d'ordres de grandeur ou les réels dévoilés, APMEP, Paris. Les trois auteurs font remarquer que le raisonnement en Analyse non standard est covariant, ce qui est un avantage - de simplicité - sur l'analyse classique.

III. MODELISATION PAR DES SITUATIONS

FONDAMENTALES EN ANALYSE

III. 1 SITUATIONS FONDAMENTALES : EXISTENCE ET

A-DIDACTICITE

L'étude de quelques réalisations d'enseignement, et de quelques recherches en didactique, nous montre un champ empirique de situations d'enseignement suffisamment vaste et significatif pour que nous puissions nous appuyer sur ce champ, afin de poser à notre tour la question de la modélisation des milieux de l'analyse par une situation fondamentale. Les études effectuées en didactique, lorsqu'elles se sont posé cette question de la recherche d'une situation-problème qui puisse jouer pour l'introduction de l'analyse le rôle d'une situation fondamentale, ont toutes fait ressortir la difficulté qu'il y a à faire entrer les élèves dans un champ théorique nouveau en conservant la dimension a-didactique de la situation. Il est donc possible que nous ayons à faire des choix lorsque nous prévoirons d'élaborer une situation pour l'enseignement de la notion de limite ou de fonction au niveau des classes de Première de lycée. D'après l’étude théorique, un choix principal est de ne pas sacrifier le milieu pour la validation, comprenant une part significative du SPA.

La question de la recherche d’une situation fondamentale de fonction ou de limite peut d’abord être posée d’un point de vue complètement théorique. Le fait de chercher à répondre à cette question n’implique pas qu’une réalisation de ces situations, dans le champ del’enseignement secondaire, soit forcément possible.

III. 1.1 Modèle de situation fondamentale de l’analyse : les fonctions

a) Recherche de la situation fondamentale correspondant à la notion de fonction

En tant que modèle implicite, une fonction existe lorsque l’on ne dispose que d’une variable pour en commander une autre. On peut envisager a priori deux modèles de cette sitaution : un modèle stochastique, et un modèle déterministe. Le modèle déterministe est celui qui rend compte d’une variable qui commande, et d’une variable commandée. Ce qui est spécifique de la fonction, c’est de prendre conscience que l’on peut, à l’aide de l’une des variables, décider de l’autre.

Ce qui peut alors donner accès à la topologie, c’est l’idée de correction : on regarde ce qui se passe pour la variable commandée, et si cette dernière ne prend pas le comportement prévu, il est possible d’ajuster sur la variable de commande. Ceci suppose une fonction

continue. Si les ajustements de la variable de commande ne garantissent pas l’effet sur la variable commandée, alors on est en présence d’une fonction quelconque, aux comportements qu’on ne peut pas anticiper.

Une analogie mécanique d’un tel sytème serait par exemple donnée par l’image d’un gouvernail de navire (une barre) où si l’on s’aperçoit que le navire ne prend pas le bon cap il est possible de corriger sur la barre. La commande par continuité est donc plus simple parce qu’elle permet la correction par interpolation, il s’agit d’un modèle par rétroactions.

155 La situation qui peut alors amener à considérer à la fois x et f(x), se produit lorsqu’on est obligé d’anticiper à l’intérieur des conditions générales d’une situation de formulation. Quelles sont les conditions qui permettent de construire une situation pouvant conduire à cette anticipation ?

1. on doit disposer d’assez nombreuses valeurs de la variable de commande, voire d’un nombre potentiellement infini de ces valeurs ;

2. il est nécessaire qu’une fonction soit permanente dans le temps, c’est-à-dire qu’on soit assuré d’une certaine régularité des effets par rapport aux causes ;

3. il est souhaitable de pouvoir, à un moment donné, fixer des conditions sur les fonctions, qui permettent d’identifier des classes de fonctions, et à l’intérieur de celles-ci des fonctions particulières : en effet ceci permet de spécifier les objets cherchés.