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?TUDE D'UN EXEMPLE EN ANALYSE

III.3 ACTIVITE MATHEMATIQUE ET CONNAISSANCES DU PROFESSEUR

III.3 ACTIVITE MATHEMATIQUE ET CONNAISSANCES DU

PROFESSEUR

Le professeur, dans l'analyse a priori de l'ingénierie, a repéré les principales variables didactiques de la situation et les moyens de validation à disposition des élèves ; il est donc préparé à voir advenir certaines questions des élèves, mais l'articulation du support de l'ingénierie avec le programme de la classe de Première scientifique va néanmoins le mettre parfois en difficulté et être source de questions à résoudre de son côté ; c'est à cette occasion qu'il va devoir travailler ses connaissances.

29 Ceci est un exemple de ce que F.Conne entend par "utilité" : c'est un savoir parce que c'est une connaissance utile, qui fait que autant l'exemple permet d'éprouver le critère donné, que le critère permet de trouver un exemple. Telle est l'utilité de la connaissance en jeu. Et ce n'est qu'en regard de ce savoir qu'on peut alors considérer, en général dans l'après coup, que l'on a effectué cette tâche en deux sous-tâches (la seconde ne se définissant que par rapport à la première). Ceci illustre parfaitement l'ambivalence de la transposition didactique, rappelée au I.2 : "cette réalisation n'est pas à prendre pour elle-même (pour cette fonction) mais pour l'exemple", c'est bien ainsi que le professeur l'entend.

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Dans un premier temps, à la demande des élèves de formuler « fonction non majorée », le professeur hésite pour savoir jusqu'où il doit s'engager dans la gestion de la logique mathématique et de l'utilisation de quantificateurs, ceci pour deux raisons :

1) le programme, comme nous l'avons signalé, précise explicitement qu'il n'a pas à traiter de ce domaine des mathématiques comme d'un savoir ;

2) la formulation de « f est non bornée sur l'intervalle ]-2,0[ « comprend un enchaînement de quantificateurs, et le professeur ne veut pas s'engager et engager les élèves dans la gestion de propositions formelles qu'ils ne pourront pas contrôler.

L'expérience lui donne tort sur ce point, car les élèves proposent des formulations effectivement très variées mais plutôt pertinentes ; en tous cas elles débouchent sur un critère parfaitement correct. Cependant on peut comprendre la crainte du professeur : on voit à cet instant les connaissances (vraies ou fausses) en jeu dans la situation augmenter considérablement, avec des propositions d'élèves très diverses : de y = + 8 à « f(x) différent de f(-2) » , et « pour tout M et pour tout x, f(x) >M » : le milieu est-il assez résistant pour permettre d'éprouver ces critères ? Le professeur doit anticiper l'effet de ces critères sur le milieu proposé, et les rétroactions du milieu ; c'est ce qui lui permet de savoir si la situation se déroule correctement. Rien ne lui garantit, à ce stade, que les élèves vont bien déboucher sur la bonne formulation quantifiée ; de plus les propositions des élèves évoluant rapidement au fur et à mesure qu'ils essayent de tester en dessinant des graphiques, le professeur doit suivre ce processus en évaluant à chaque instant ses chances d'aboutir. Cependant il accepte la logique de la situation : le milieu proposé (graphiques avec contraintes) est producteur de questions, et il doit permettre d'en éprouver les réponses. Insistons sur le fait que c'est à l'enseignant de réagir (aux propositions, procédures des élèves) pour savoir quel type de graphiques les élèves vont pouvoir construire avec les critères qu'ils essaient, d'où mobilisation de ses connaissances.

Dans la deuxième partie de la séance, deux élèves ont proposé un critère dont ils affirment qu'il est le bon ; la transcription montre alors que le professeur se trouve devant une décision importante : éprouver ce critère. Comme nous l'avons signalé, il y a deux questions que le professeur ne différencie pas à ce moment (mais la situation ne lui donne pas les moyens de le faire) : éprouver la fonction qu'il choisit pour savoir si elle est bornée, ou éprouver le critère même ; il choisit en quelque sorte de vérifier la pertinence du critère par son bon fonctionnement sur une fonction connue de lui, mais bien sûr pas des élèves. Remarquons que ceci reste implicite jusqu'au bout de la séance.

L'enseignant doit décider très vite, il choisit une fonction (qui doit être suffisamment simple pour que les élèves puissent s'en saisir et la traiter). Les élèves sont alors devant un travail qui n'est pas non plus usuel dans le contrat de cette classe : vérifier, sur un exemple pertinent, une proposition formelle. Leur choix porte sur M ; le professeur doit anticiper les conséquences de ces choix, afin, en particulier, de prévoir les difficultés auxquelles les élèves pourront se heurter en termes de valeurs de x, comme chaque fois que l'on cherche l'image réciproque d'un intervalle. C'est cette anticipation qui se fait pratiquement en même temps que la réaction aux choix de M, qui va permettre au professeur de décider lesquels de ces choix il valide, et s'il doit en rejeter certains. L'enseignant hésite d'ailleurs à laisser dans le milieu les quatre propositions formulées pour M ; pour ses connaissances à lui, il est clair que ces valeurs de M ne sont pas toutes pertinentes.

Il se trouve que les élèves résolvent avec beaucoup d'adresse les problèmes qu'ils rencontrent à cette occasion, aussi bien pour 0,2 que pour M quelconque ; cette circonstance

n'a pas dispensé l'enseignant de ses anticipations. Il devra également servir de médiateur pour expliquer à toute la classe les raisons des choix des élèves, ce qui implique de reformuler, dans des termes compréhensibles pour tous, les problèmes rencontrés et les solutions retenues (synthèse de la séance, non étudiée ici). Il est à noter d'ailleurs qu'une partie de la structuration est prise en charge par les élèves (intervention des deux Fabien, puis explications sur l'intérêt de prendre M>1) ce qui n'a rien d'habituel ainsi que le remarque Robert (Robert 1998 p. 182). Il nous paraît manifeste que, dans ce bref extrait d'ingénierie (moins d'une heure de classe), l'enseignant se trouve devant une complexité de décisions à prendre, d'anticipations, sans commune mesure avec ce qu'il rencontre dans un enseignement traditionnel. Comme nous l'avons déjà remarqué, les connaissances présentes dans la situation croissent vertigineusement lorsque l'enseignant a à gérer les choix des élèves sur des formulations symboliques et leur vérification. L'incertitude de la situation 30 augmente aussi de manière considérable pour le professeur : il est sur un terrain non balisé (par l'institution, et par les enseignements / apprentissages antérieurs) : en effet il n'a pas été prévu, ni réalisé dans les problèmes classiques, comme nous le disions, que des élèves de Première scientifique aient à travailler sur des démonstrations d'analyse comportant des suites de quantificateurs. La complexité des outils de validation du domaine de savoir visé n'est donc pas étrangère à cette complexification de la situation du professeur : mais c'est la composante a-didactique de la situation qui en est responsable au premier chef.

30 Dont parle aussi Mercier dans les situations comportant une dimension a-didactique, cf Mercier 1995.

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