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?TUDE D'UN EXEMPLE EN ANALYSE

III.4 DIMENSION A-DIDACTIQUE DE LA SITUATION

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III.4DIMENSION A-DIDACTIQUE DE LA SITUATION

III. 4.1 Connaissances et contrôle de la situation

Au début du paragraphe III, nous entendions illustrer la pertinence du critère de Conne relatif aux connaissances et aux savoirs : être ou ne pas être sous le contrôle de la situation. Il nous apparaît clairement que le professeur est bien sous le contrôle de la situation (la sienne, bien entendu, la situation du professeur) lorsqu'il hésite à s'engager dans la formulation d'une fonction non bornée ; il l'est puisqu'il ne sait pas si la situation lui permettra de faire déboucher cette recherche de critères. Il l'est également lorsque la demande des élèves le contraint à chercher un exemple, et qu'il n'a pas, dans un premier temps, envisagé les modalités possibles que pouvait prendre l'étude de cet exemple par les élèves. La phrase qu'il prononce à cet instant (n°36 : « C'est quoi un nombre très grand ? ») prouve qu'il n'imagine sans doute pas les difficultés des élèves par rapport à cette question ; et la réponse des élèves : « Par rapport à quoi ? 0,2 est grand par rapport à 10-99 « ouvre un éventail de possibles probablement plus grand que ce qu'il prévoyait, en lui montrant des connaissances insoupçonnées chez les élèves. Il n'envisage à ce moment-là que deux types de résolution : M quelconque et un « grand nombre pour la calculatrice », c'est-à-dire 1099 ; les choix des élèves le contraignent à prendre en compte des questions difficiles (de l'ordre des conditions suffisantes) qu'il ne souhaitait pas mettre dans le milieu de cette séance. Il y a bien interaction de connaissances : le professeur est obligé de tenir compte de cette « non-naïveté » des élèves en ce qui concerne les nombres « grands », pour continuer la séance, et cela le met quelque peu en difficulté car les élèves font des propositions non habituelles (0,2 ; 10-98).

Il n'est pas sûr non plus qu'il ait prévu, dans l'analyse a priori, d'avoir à vérifier le critère de validité ; il doit utiliser ses connaissances mathématiques pour trouver rapidement une fonction simple, sur un intervalle convenable, dont l'étude soit suffisamment probante pour les élèves. Il s'agit bien d'interaction de connaissances : tout professeur de mathématiques peut exhiber une fonction non majorée, le problème est qu'elle soit compatible avec les connaissances des élèves et leurs possibilités de traitement au niveau de la technique (majorations, minorations, utilisation des quantificateurs).

Par contre la situation est sous le contrôle du professeur lorsqu'il anticipe les conséquences des choix des élèves pour le majorant supposé M, en matière d'intervalles sur l'axe des abscisses. Il fait bien fonctionner là des savoirs mathématiques sur la situation. Il paraît clair que, conformément à notre analyse théorique, l'apprentissage du professeur se produit durant cette transformation de connaissances en savoirs. Certes un professeur très expert en analyse n'apprend pas grand chose dans cette situation sur les fonctions majorées (encore que... quelques professeurs interrogés sur la démonstration de la propriété évoquée plus haut, à savoir qu'une fonction bornée n'ayant aucun extremum sur un intervalle non borné admettait forcément une limite, ont dû réfléchir). Son apprentissage est par contre didactique : il évalue jusqu'où les élèves sont capables d'aller dans ce milieu, quelles connaissances ils sont susceptibles de construire sur les fonctions, bornées ou non bornées. Il apprend aussi, par l'intermédiaire de l'apprentissage des élèves, que la construction de fonctions plus sophistiquées ne se produira pas dans ce milieu ; il faudrait pour cela une autre problématique, un milieu apte à faire poser d'autres questions.

III. 4.2 Activité mathématique et dimension a-didactique

Du point de vue de l'activité mathématique de l'enseignant et de l'élève, il apparaît bien qu'elles sont conjointes, ou plutôt dépendantes l'une de l'autre : elles s'articulent durant tout le déroulement de la séance, elles s'alimentent l'une l'autre. En ce sens la situation qui n'était pas a-didactique, ménage cependant des moments où les élèves se saisissent du problème ; ils s'en saisissent même si bien que, par leurs questions, leurs procédures, ils contraignent l'enseignant à pousser plus loin qu'il ne le prévoyait son investigation mathématique de la problématique posée ; le professeur fournit quant à lui, des éléments à la réflexion des élèves. C'est bien ce que nous appelons une dimension a-didactique. Nous espérons avoir montré que cette dimension :

— d'une part, est dépendante des connaissances présentes dans le milieu et des connaissances que l'enseignant peut y injecter ;

— d'autre part se manifeste par une interaction de connaissances élèves / professeur.

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CONCLUSION

Nous pensons avoir précisé quelque peu dans ce chapitre les conditions dans lesquelles des élèves de Première scientifique peuvent se saisir d'objets mathématiques (construction de fonctions non encore connues) et d'outils de validation et les faire fonctionner (écriture et contrôle de définitions comportant une suite de quantificateurs). Notre recherche nous a permis également de déterminer quelques éléments d'un milieu graphique qui offre effectivement aux élèves des possibilités d'interaction portant bien sur les objets visés (ici les fonctions). Enfin nous avons pu identifier quelques questions mathématiques qui s'avèrent productrices, au sens qu'elles permettent d'engager les élèves dans ce travail de production d'objets et d'énoncés, et qu'elles pourraient donner lieu à institutionnalisation de savoirs de l'analyse. Ces questions mathématiques ont également incité le professeur à mettre des connaissances dans la situation, voire à se positionner sur le terrain du savoir, même lorsqu'il ne l'avait pas prévu : elles ont eu pour effet de le déloger de la position d'ostension qu'il choisissait spontanément face à une situation dépassant les savoirs autorisés du curriculum.

Si notre problématique de départ était double : la recherche de situations comportant une dimension a-didactique, pour l'enseignement de l'analyse en fin de lycée, d'une part ; et d'autre part, la recherche d'un modèle permettant d'étudier le milieu avec lequel interagit l'enseignant dans ce type de situation, il nous semble que cette recherche débouche sur quelques résultats qui peuvent être utiles pour l’étude ultérieure des conditions d’enseignement de l’analyse dans le secondaire, et pour la recherche de situations permettant cet enseignement.

L'analyse que nous faisions dans l'introduction et la première partie, de ce que la non existence (de fait, sinon théorique) de situations fondamentales de la notion de fonction ou de limite renvoyait forcément à une étude de l'interaction des savoirs et connaissances du professeur et de l'élève : cette analyse se révèle compatible avec l'étude du modèle du « milieu du professeur » dans la théorie des situations, à condition de prolonger le schéma de structuration du milieu proposé par Margolinas à la suite de Brousseau. Nous proposons donc de modifier ce schéma de la façon suivante, pour tenir compte des situations où un milieu permet une confrontation des connaissances des élèves, mais où ce milieu n’assure pas à lui seul la production de connaissances ou l’introduction de connaissances néanmoins nécessaires.

Le professeur de la situation d’apprentissage est devenu le « Professeur pour l’élève », et le professeur P-1 est le « Professeur en action », conformément à ce qui a été dit du milieu de référence ; le professeur prend alors une place d’observateur en P-2.

Reprenons alors le schéma de Margolinas : M3 :

M - de construction

P3 :

P - noosphérien

S3 :

situation noosphérienne sur M2 :

M - de projet P2 : P - constructeur S2 : situation de construction didac M1 : M - didactique E1 : E - réflexif P1 : P - projeteur S1 : situation de projet tique

La première partie du tableau n’est donc pas modifiée. M0 : M - d'apprentissage E0 : Elève P0 : Professeur- pour- l’élève S0 : situation didactique M -1 :

M - de référence E -1 : E -apprenant P -1 : P - en action

S -1 :

situation d'apprentissage a - M -2 :

M - objectif E -2 : E - agissant P-2 : P- observateur

S -2 :

situation de référence didac M -3 :

M - matériel E -3 : E - objectif S -3 : situation objective tique Ainsi modifiée, la deuxième partie de ce tableau nous paraît plus adaptée à l’étude de l’activité mathématique conjointe enseignant / élève dans les phases a-didactiques ou partiellement a-didactiques.

D’autre part dans ce chapitre, nous avons évoqué le problème de l'ostension, comme s'il était inutile d'étudier pour elle-même cette organisation (traditionnelle) de l'enseignement. En fait, nous avons à faire à deux modèles de l'enseignement : l'un est le modèle culturel implicite, qui est complètement naturalisé, de telle sorte qu'il arrive effectivement qu'on en parle comme s'il s'agissait d'une réalité. L'autre est la théorie des situations. Il nous apparaît, de par l'étude de la situation proposée en analyse en Première S, que ce second modèle est bien celui qui permet de rendre compte, non seulement de de la construction et de l'élaboration des savoirs de l'élève à partir de ses connaissances, mais aussi, tel que nous l'avons prolongé, des contraintes rencontrées par le professeur dans la diffusion des savoirs mathématiques : de fait cette dimension est scotomisée dans le modèle de l'ostension. Or les situations observées dans l’enseignement secondaire, ne comportant souvent qu’une dimension a-didactique restreinte, appellent de façon privilégiée une étude des contraintes de l’enseignant.

Le modèle qui est proposé dans ce chapitre nous semble permettre l’étude de ces contraintes. Dans notre projet de recherche de situations relatives à l’enseignement des notions de l’analyse, nous sommes amenée à envisager aussi bien l’enseignement traditionnel que des situations construites par des chercheurs en didactique. Dans tous les cas, il est nécessaire de disposer d’un modèle permettant d’évaluer :

— le rapport fictif ou effectif des élèves aux savoirs de l’analyse, et par conséquent : — les connaissances mises en jeu par les élèves et l’interaction avec les connaissances du professeur.

Le modèle ci-dessus nous paraît remplir ce but. Il nous a permis de modéliser le travail de l’enseignant dans des situations d’enseignement au niveau secondaire. Il reste à définir les critères théoriques auxquels doit répondre un milieu pour l’enseignement des concepts de fonction et limite, qui permette la validation. Nous pourrons ainsi définir les situations fondamentales relatives à ces concepts ; ayant alors modélisé le jeu de l’enseignant, et les situations fondamentales, il sera possible d’envisager des réalisations empiriques de situations d’enseignement des fonctions et des limites.

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CHAPITRE 3