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b) Conditions au niveau du jeu et du contrat

III. 1.2 Modèle de situation fondamentale : les limites

Le modèle de situation fondamentale de la notion de limite a été décrit par Berthelot (1983, page 31 à 37). Rappelons ses principales caractéristiques :`

1. il faut maîtriser la fonction de base f ;

2. il faut être capable de faire une hypothèse sur l’existence et la valeur d’une limite L en x0 ; 3. il faut valider ou infirmer cette hypothèse en construisant, là encore, les deux applications évoquées plus haut : une fonction H , définie de l’ensemble des voisinages de L dans l’ensemble des voisinages de l’un des antécédents de x0 , dont l’image par f est incluse dans un voisinage de L ; une fonction G , définie dans l’ensemble des voisinages de x0, vers l’ensemble des parties de F.

Construire l’application H suppose que l’élève soit capable, empiriquement, par interaction avec le milieu, pour un couple donné de voisinages (U,V), de déterminer si f(x) est bien dans le voisinage V de L à partir du moment où x est dans le voisinge U de x0 . Il faut donc qu’un joueur ait en charge de produire L, qu’un joueur produise un voisinage de L et le fasse varier, et qu’un joueur produise un voisinage de x0 convenable. Il faut donc que

157 quelqu’un contrôle l’application H .

C. et R. Berthelot (1983, p. 34) montrent qu’une telle situation fondamentale engendre l’ensemble des situations et démonstrations qu’on peut demander à un élève de Première :

« Les variables didactiques en sont alors :

1. le choix des fonctions ou suites, et leur mode de définition ; 2. le nombre de joueurs (A = B ou A ≠ B)

3. la définition des productions de A, en fin de partie : L, un voisinage de x0 , d’abord, puis avec sollicitation de preuve, puis avec exigence de preuve ;

4. le nombre de propositions de voisinages par B et leur forme : numérique ou paramétrique ;

5. le nombre de coups qui détermine le gain.

Remarque : lorsque A = B, que le voisinage de x0 est du type « epsilon » et que A doit prouver que son voisinage de x0 convient, on se retrouve dans les conditions strictes d’application de la définition. »

Le problème essentiel rencontré en 1983 par C. et R. Berthelot concernait l’exigence de la formulation d’un modèle implicite de contrôle de l’existence et de la valeur de L ; la situation construite en 1983 ne permettait pas de remettre en question les moyens de contrôle dont disposaient les élèves, afin de permettre l’émergence d’une formulation plus conforme aux critères théoriques de l’analyse. Cette difficulté met en évidence la nécessité, pour que le jeu soit jouable effectivement dans la classe, de deux facteurs déjà pointés pour la situation fondamentale de la notion de fonction :

— les opinions éventuellement divergentes des élèves quant à la limite doivent pouvoir être formulées dans un langage accessible à leurs connaissances du moment ;

— les élèves doivent disposer de critères de validation établis ou du moins reconnus en commun, donc une part du SPA doit être disponible dans la situation, ou fournie par le professeur au moment opportun ; et les élèves doivent avoir pu s’en saisir.

Le chapitre 6 est consacré à l’étude d’une situation d’introduction de la notion de limite.

III.1.3 Existence de réalisations des situations fondamentales

Rappelons ce que dit G.Brousseau (cf. chap. 1 p 26) :

«Il est concrètement difficile de constituer d’autres collections de situations que celles fournies par les ajustements empiriques résultant de l’action et de la réflexion des enseignants, et tout aussi difficile de délimiter des champs relatifs à une notion. La construction systématique de situations fondamentales fournit un moyen de production et de discussion de ces champs S par le jeu de la transposition, et de l’étude de leurs variables cognitives et didactiques. Elle manifeste et représente l’antagonisme d’un sujet avec un environnement qui lui pose des problèmes d’adaptation qu’il doit résoudre par la création ou la mise en œuvre de connaissances

Mais étant donné un champ empirique S de situations, l’existence d’une situation fondamentale n’est pas assurée, et a fortiori son unicité. La fermeture de la conception peut englober un champ trop large. D’autre part cette forme d’engendrement n’est pas la seule concevable : un ensemble d’instruments matériels ou de situations “ concrètes ”, assorti d’un ensemble de règles et d’un répertoire linguistique peuvent découper un champ S. Nous appellerons “ milieu ” un champ de situations assez vaste engendré de cette façon et représentant les contraintes qui vont justifier la réunion d’un ensemble de connaissances en une théorie pertinente cohérente et consistante. » (Guy Brousseau, 16/11/98)

Il nous semble que, pour l'enseignement de l'analyse, nous nous trouvons justement dans le cas évoqué par Brousseau où le champ englobé est extrêmement large, et donc la recherche de situations fondamentales problématique. Rappelons aussi que suivant Legrand (Legrand 1991, p.37) :

«Dans une problématique de situation fondamentale, les situations sont proposées comme des paradigmes ; ce qu'on vise, c'est une reproductibilité interne, celle du sens : il s'agit de mettre en évidence les sens principaux du savoir à enseigner et d'envisager des mises en scène qui soient effectivement porteuses de ces significations principales. »

En d'autres termes, une situation fondamentale de la notion de limite par exemple, est un modèle théorique, intégrant une (ou des) problématique ayant conduit à la notion de limite, et permettant à l'élève, grâce à la confrontation à un milieu adéquat, de résoudre un problème, de le formuler et de valider les solutions en utilisant les outils de l'analyse.

Or nous avons pointé les éléments nécessaires qui doivent figurer dans un milieu propre à la validation par les outils de l'analyse classique : c'est ce que nous appelons le SPA. Il convient donc de préciser les éléments du SPA qui doivent figurer dans une situation fondamentale d'une notion d'analyse. Cependant le problème diffère suivant que l'on recherche une situation fondamentale des notions de base de l'analyse (fonctions, limites) ou que l'on soit plus avancé, que l'on dispose donc déjà de notions et d'ostensifs permettant de donner un nom et un sens à des procédures caractéristiques de l'analyse : ce dernier cas étant illustré par la situation proposée par M.Legrand pour l'introduction de l'intégrale de Riemann (cf. Legrand 1997, et III.1.3 ci-dessous).

Par ailleurs nous pouvons poser le problème des situations fondamentales, en analyse, d’une autre façon encore : si l’existence d’une réalisation de la situation fondamentale d’une notion n’est pas assurée, ainsi que le dit G.Brousseau, il faut de plus se demander si la situation fondamentale d’une notion ne peut conduire qu’à un seul système de validation. Or dans le cas de certaines notions, dont on pourrait prendre comme exemple des notions de base de l’école primaire (dénombrement, opérations), on ne connaît pas d’alternative mathématiquement consistante au savoir culturellement reconnu qui répond aux problèmes posés.

Ce n’est pas le cas en analyse. Une raison d’ordre épistémologique que l’on peut donc invoquer pour justifier la difficulté qu'éprouvent les chercheurs à construire une situation fondamentale pour la notion de limite, est la non-nécessité du système de validation de l’analyse classique: historiquement, les mathématiciens ont longtemps hésité, comme on sait, entre des validations de type “ classique ” (inégalités, majorations) et des validations par les indivisibles, avant de se fixer sur une théorie. Encore la théorie classique ne l’a-t-elle emporté à l'époque que par incapacité des théories d’indivisibles à s'organiser de façon consistante. Or nous savons maintenant qu’il est possible de travailler avec une théorie alternative à la théorie classique: l’analyse non standard. Dans ces conditions pourquoi penser que les problèmes qui sont à l’origine des concepts de l’analyse, engendrent un milieu conduisant à l’une des théories plutôt qu’à l’autre, puisqu’elles sont toutes deux contingentes? Il paraît alors logique d’imaginer qu’une situation a-didactique, posant une problématique conduisant à des concepts d’analyse, puisse conduire à l’émergence de connaissances du type "théorie classique", comme de connaissances du type "indivisibles". Dans cette optique, on peut même penser que les connaissances du type "indivisibles" ont plus de chances d’apparaître que les connaissances classiques: en effet, l’analyse classique est "contravariante", pour reprendre la qualificatif de Lutz, Makhlouf et Meyer (1996) , c’est-à-dire que l’expression de la propriété d’avoir une limite, pour une fonction, commence par imposer une condition sur les images au lieu de partir de la variable; c’est une difficulté bien connue. L’analyse non standard part de la variable (si x est voisin de a, alors f(x) est voisin de L); a priori il est plus facile, pour des élèves, d’énoncer ce type de propriétés.

159 Le problème n'est plus le même lorsque l'on dispose déjà d'un répertoire d'ostensifs analytiques, permettant de formuler et de valider; c'est le cas pour l'intégrale de Riemann, pour laquelle M.Legrand a proposé une introduction par une situation fondamentale (Legrand 1997, voir ci-dessous).