• Aucun résultat trouvé

La représentation sociale du métier d’éducateur.rice de jeunes enfants

4. Méthodologies et traitements des résultats

5.2 La représentation sociale du métier d’éducateur.rice de jeunes enfants

Une première analyse descriptive du corpus produit à partir de l'inducteur « métier d’éducateur.rice de jeunes enfants » réalisée sous IRaMuTeQ identifie 123 formes (cf.

94 Par convention, le choix du seuil de fréquence se fixe en admettant que « si plus de 10% de la population interrogée a associé le mot ou l’expression à l’inducteur, alors ce mot présente une centralité quantitative » (Lo Monaco & Guimelli, 2008, p. 38).

Annexe 5) parmi les 270 éléments produits par les sujets et 74 hapax95. Ces éléments autorisent simultanément le calcul de l’indice de diversité, traduction du niveau « redondance interne au groupe » (Flament & Rouquette, 2003, p. 62) et de l’indice de rareté, expression « du niveau de stabilité de l’organisation cognitive » (Flament & Rouquette, 2003, p. 62), dyade indicielle du « degré de structuration de la représentation étudiée […] [et de] l’homogénéité de la population interrogée » (Moliner & Guimelli, 2015, p. 54). Aussi, si l’indice de diversité96

(.45), calculé par le rapport entre le nombre de formes et le nombre total de réponses associatives révèle une certaine « stéréotypie de réponses » (Flament & Rouquette, 2003, p. 62), signe d’un cœur de métier partagé, l’hypothèse d’une représentation fortement structurée se voit néanmoins reconsidérée à la lumière de l’indice de rareté. En effet, déterminé par le rapport entre le nombre d’hapax et le nombre de formes, l’indice de rareté de .61 rend compte d’une variabilité interindividuelle importante dans les réponses des sujets, reflet potentiel de la multiplicité des lieux d’exercice de ce métier et des pratiques et représentations qui y sont associées. Mais alors que cette diversité professionnelle induit nécessairement des transformations et spécificités linguistiques, cet indice de rareté et l’hétérogénéité des termes produits par les sujets se doivent d’être réinterrogés en regard de leur proximité lexicale. À titre d’exemple, les évocations « coéducation », « équipe », « travail d’équipe », « équipe pluridisciplinaire », « partenariat », « étayage de l’équipe », « projet partenaire », « collaboration » ou encore « il faut tout un village pour éduquer un enfant 97», renvoient conjointement au champ lexical du « travail d’équipe et de partenariat », nécessitant et justifiant par ailleurs le regroupement de ces items sous une même catégorie (cf. Annexe 6).

Ainsi, les réponses des sujets, évoquées en regard du métier d’éducateur.rice. de jeunes enfants, se distribuent en 23 catégories (voir Tableau 7), dont huit potentiellement centrales invoquant principalement des aspects définitoires de cette profession.

95 Un hapax correspond à un mot ou expression n’apparaissant qu’une seule et unique fois parmi les 270 associations verbales.

96 L’indice de diversité varie entre 0 et 1 ; un indice égal à 1 traduit une absence totale de consensus dans les réponses des sujets « et on peut alors pratiquement exclure qu’il existe une RS de l’objet [étudié] » (Flament & Rouquette, 2003, p. 62). À l’inverse, un indice proche de 0 signifie que certaines formes sont évoquées par différents sujets et témoigne donc « d’une connaissance partagée à propos de l’objet auquel renvoie l’inducteur » (Flament & Rouquette, 2003, p. 62).

Tableau 7

Analyse prototypique des items associés à l’inducteur « éducateur de jeunes enfants »

En effet, les classes sémantiques « accompagnement » (28 / 2.1498), « accueil » (14 / 1.93), et l’ensemble des items liés à l’ « enfance » (10 / 1.93) tels que « enfants » ou « petite enfance » renvoient au fondement même de la fonction d’EJE, voire agencent une véritable description de la profession autour de l’accueil et de l’accompagnement des jeunes enfants. En outre, ce travail en direction de l’enfant s’effectue complémentairement au soutien à la « parentalité » (8 / 2.88), qui tend à favoriser la relation parents/enfants et l'ensemble des fonctions dévolues aux parents pour le développement et l’épanouissement de l'enfant. Ce glissement d’une fonction d’accompagnement du jeune enfant vers un accompagnement de la fonction parentale atteste du « renforcement de la dimension sociale du métier » (Verba, 2006a, p. 16), dont la présence de la catégorie « social » (8 / 2.38) dans la zone du noyau et de ses occurrences « travail social » et « travailleur social » rappellent l’entrée du métier d’EJE au

98 (Fréquence / Rang moyen d’apparition)

Rang moyen d’apparition

< 3 > ou = 3 Fr équence > ou = 5

Mot / Catégorie Fréquence Rang Mot / Catégorie Fréquence Rang

Accompagnement Bienveillance Accueil Enfance Social Parentalité Adaptation Empathie 28 22 14 10 8 8 6 5 2.14 2.23 1.93 1.3 2.38 2.88 2.83 2.8

Travail d’équipe et part. Éveil et pédagogie Missions / pratiques Observation Écoute Éduquer Famille

Com. / aspects relationnels Créativité Projet éducatif Lieux d’exercice Autres qualités 29 21 15 14 13 10 9 8 8 8 6 5 4.14 3.29 3.33 3 3.23 3.1 3.22 3.75 3.5 4 4.17 3

ZONE DU NOYAU 1ère PÉRIPHÉRIE

<

5

Mot / Catégorie Fréquence Rang Mot / Catégorie Fréquence Rang

Patience Sécurité affective

4 4

2.75

2.25 Analyse des pratiques 4 4.25

sein du secteur social depuis le 11 Janvier 1973. Enfin, cette zone potentiellement centrale se structure également autour des catégories « bienveillance » (22 / 2.23), « empathie » (5 / 2.8), et « adaptation » (6 / 2.83), qui recouvrent les dimensions d’attention et d’investissement de la relation à l’autre tant nécessaires que fondamentales pour l’exercice de ce métier, et viennent ainsi l’inscrire dans le champ lexical de l’éthique du care.

En périphérie, émergent des catégories qui relèvent davantage du contexte de terrain, comme les « lieux d’exercice » (6 / 4.17), et de la diversité des activités et missions professionnelles qui incombent aux éducateur.rices de jeunes enfants. Aussi, alors que la catégorie « éduquer » (10 / 3.1), à travers les items « éducatif », « éducation », « développement psychomoteur » et « socialisation », dépeint l’une des missions phares des professionnel.les de la petite enfance qui conçoivent et mettent en œuvre un « projet éducatif » (8 / 4) afin de favoriser le développement global de l’enfant, la classe sémantique « éveil et

pédagogie » (21 / 3.29) souligne la place du « jeu » comme outil pédagogique spécifique aux

EJE. De même, les « missions et aspects de la pratique » (15 / 3.33) impliquent diverses actions de « prévention », de « soin », de « soutien » qui expriment, ici encore, que « parmi les activités humaines qui peuvent se prévaloir de l’éthique du care, l’accompagnement des jeunes enfants relève bien du soin à autrui et par conséquent de cette posture du care » (Verba, 2014a, p. 24). Aussi, et si l’ensemble de ces missions requièrent des compétences d’« observation » (14 / 3), d’« écoute » (13 / 3.23) ou encore des « qualités » (5 / 3) telles que le « dynamisme », l’« ouverture » et la « créativité » (8 / 3.5), elles imposent, par ailleurs, un travail essentiel de « communication » (8 / 3.75) pour favoriser les actions menées auprès des enfants et de la « famille » (9 / 3.22). Enfin, la zone de la première périphérie illustre, à travers la catégorie « travail d’équipe et partenariat » (29 / 4.14) et plus spécifiquement des items « équipe », « partenariat », « ensemble », « projet partenaire » ou encore « collaboration », la place de la pluridisciplinarité et des partenariats dans la pratique quotidienne de ces professionnel.les.

La zone des éléments contrastés, qui, pour rappel, articule des items énoncés par peu de sujets mais qui les considèrent comme très importants, mentionne que les EJE veillent à apporter une « sécurité affective » (4 / 2.25) à l’enfant et introduit la « patience » (4 / 2.75) comme l’une des qualités intrinsèques au métier, deux versants qui, une nouvelle fois, matérialisent le souci d’une relation à l’enfant empathique et bienveillante et façonnent une posture de care propre aux EJE. In fine, l’« analyse des pratiques » (4 / 4.25), unique catégorie en seconde périphérie, valorise ici une culture professionnelle qui convoque la réflexivité et les savoirs mobilisés dans l’exercice du métier, tant pour questionner les difficultés rencontrées

que « l’implication personnelle au niveau de l’intervention et son influence sur celle-ci, l’évaluation de la pertinence des actions, ou [encore] la transformation du champ » (Denoux & Pueyo, 2012, p. 4). Lieu de sens et de cohérence, le système potentiellement central de la représentation du métier d’« éducateur.rice de jeunes enfants » conjugue des aspects définitoires de la profession à certaines valeurs fondamentales, structurant ainsi un cœur de métier autour de l’accueil, l’accompagnement et le soin des jeunes enfants. L’analyse de la zone du noyau dévoile en effet les valeurs portées par ce groupe professionnel, où la bienveillance et l’empathie s’érigent en principes directeurs qui guident et accompagnent les pratiques et missions des EJE. Aussi, en considérant que, « du fait de leur ancrage dans le niveau idéologique, toutes les représentations sociales ont des implications éthiques » (Flament & Rouquette, 2003, p. 153), cette exploration de la représentation du métier d’EJE éclaire le soubassement idéologique propre à ce métier et l’éthique qui s’y rapporte : l’éthique de care. De même, la première périphérie articule principalement des savoir-faire pédagogique et éducatif, dont les missions, compétences et qualités professionnelles évoquées par les sujets renvoient, ici aussi, essentiellement à un travail de care. Cette imbrication substantielle de l’éthique de care aux pratiques professionnelles des EJE se décrypte et se vérifie également à travers l’analyse de similitude de la représentation du métier (voir Figure 15).

Figure 15. Graphe de similitude (arbre maximum) de la représentation du métier d’EJE en indice de cooccurrence (seuil de similitude = 3).

Si la lecture d’un graphe de similitude99 repose sur le postulat que les sommets les plus corrélés se positionnent au centre de la figure tandis que les sommets les moins connectés apparaissent en périphérie, l’« accompagnement » constitue un point d’articulation (Flament,

99 La fréquence de citation des catégories est proportionnelle à la taille des cercles et les chiffres traduisent la force du lien entre les éléments de la représentation.

1965), déployant de manière tentaculaire l’ensemble des cognitions associées au métier. Au fondement du métier d’EJE, fortement liée à l’« éveil et la pédagogie », l’ « accueil », ou encore la « bienveillance », la fonction d’ « accompagnement » se rattache aussi au « travail d’équipe et partenariat », qui libère, par ailleurs, différentes catégories telles que « missions et aspects de la pratique », « enfance », « éduquer », « adaptation » et « lieux d’exercice ». Ainsi, la structure du graphe de similitude de la représentation du métier d’éducateur.rice de jeunes enfants dégage la place centrale de l’accompagnement, et dessine, par l’enchaînement « accompagnement » - « bienveillance » - « écoute » - « empathie », la morphologie de l’éthique de care des EJE.

Outline

Documents relatifs