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Le discours institutionnel de la PSU : logique comptable d’une réforme sociale

Analyse de contenu des discours de la prestation de service unique

4. Résultats et analyses

4.1 Le discours institutionnel de la PSU : logique comptable d’une réforme sociale

En 2002, dans le cadre de sa politique d’action sociale, la CNAF institue la prestation de service unique : une aide au fonctionnement octroyée aux établissements d’accueil du jeune enfant sous réserve que les structures se conforment à un niveau de service rendu défini et fixé par cette réglementation. Sous l’objet « Prestation de service unique (Psu) : un meilleur financement pour un meilleur service », la lettre circulaire n°2014-09 de la CNAF constitue le dernier texte de référence qui présente et détaille le champ d’application de la PSU et ses principaux objectifs. La réalisation d’une CHD permet ainsi d’identifier trois classes lexicales significativement associées à la circulaire de la CNAF tandis que l’analyse factorielle des correspondances souligne graphiquement les distances et proximités entre les sources (voir Figure 9) et termes (voir Figure 10) du corpus.

Figure 10. Projection des termes associés aux 5 classes composant le corpus dans l’espace factoriel issu de l’AFC.

En premier lieu, la classe 5 (c2 = 20.4, p < .0001, 24.7 % du corpus) repose sur une articulation d’éléments définitoires de la PSU, de son champ d’application et des objectifs sociaux poursuivis et revendiqués par la CNAF. Dès lors, l’un des segments de texte caractéristique de la classe mentionne que les ajustements exposés dans la circulaire « visent à garantir l’accessibilité des structures à toutes les familles et la mixité sociale au sein des

Aspects définitoires A spe ct s ge st ionna ir es A spe cts soc ia ux Aspects pratiques

établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE). C’est la raison pour laquelle la CNAF réaffirme la poursuite de ces objectifs sociaux ». Le souci d’équité sociale, l’harmonisation nationale et la visée d’un nivellement par le haut des services rendus par les établissements transparaissent au sein de cette classe 5 en regard des formes pleines « insertion », « accueil », « offrir », « mixité ». Pour autant, si la classe 5 éclaire la logique sociale de cette réglementation, qui tend à réduire les inégalités territoriales et sociales et répondre aux besoins des familles, elle témoigne parallèlement de la nécessité pour les gestionnaires des structures de se conformer à des critères qualités prescrits par la CNAF, à un mode d’organisation et de fonctionnement strict et exclusif afin de prétendre au versement de la PSU. Le segment de texte indiquant que « les gestionnaires d’EAJE doivent transmettre à la caf leur autorisation de fonctionnement, leur projet d’établissement et leur règlement de fonctionnement pour bénéficier de la PSU » marque le point d’entrée du tournant gestionnaire de l’accueil du jeune enfant, qui transparait plus distinctement au sein des classes 2 et 3.

En effet, la classe 3 (c2 = 28.04, p < .0001) représente 21 % du corpus et se distingue par un lexique principalement axé sur les modalités de calcul de la subvention allouée par la CNAF aux structures d'accueil et sur l’harmonisation de l’application de la PSU au niveau national. À ce titre, le segment de texte caractéristique de la classe stipulant que « la PSU prend en charge 66 % du prix de revient horaire dans la limite du prix plafond fixé annuellement par la CNAF déduction faite des participations familiales » introduit le mode de calcul de la PSU avant de détailler les modalités et la formule du montant annuel versé à un équipement. Le contexte d’utilisation d’autres termes associés à la classe 3 s’affiche également à travers l’équation « [(66 % du minimum entre le barème Ps et prix de revient par heure réalisée)) x total heures ouvrant droit, dans la limite de la capacité théorique maximale) – (total participations familiales facturées x (heures ouvrant droit/heures facturées)) x taux de ressortissants du régime général] », qui, par ailleurs, illustre pleinement la dominante comptable de cette classe lexicale. Aussi, le registre de la classe 3 impose au gestionnaire d’un EAJE de se familiariser avec nombres d’indicateurs tels que « actes réalisés », « actes facturés », « prix de revient », « prix plafond » pour déchiffrer le système de financement et de versement de la PSU et, plus globalement, la lecture et la compréhension de cette circulaire. Ici, le discours institutionnel s’articule principalement autour de préoccupations économiques et comptables, à l’exemple du niveau de qualité du service rendu qui conditionne le taux de financement de la PSU, évalué selon trois critères quantitatifs et financiers : la fourniture des couches, des repas et un faible taux « heures facturées / heures réalisées ».

Si la logique comptable constitue l’archétype de la classe 3, la classe 2 (c2 = 27.75, p < .0001 ; 14.5 % du corpus) s’inscrit dans une logique similaire en spécifiant notamment les modalités de calcul des participations familiales. À cet effet, la circulaire précise que « le montant de la participation de la famille est défini par un taux d’effort appliqué à ses ressources et modulé en fonction du nombre d’enfants à charge au sens des prestations familiales » et, consécutivement, fournit un barème permettant au gestionnaire d’effectuer ce calcul en fonction des ressources retenues, de la composition familiale et du type d’accueil proposé. La tarification horaire allouée aux familles et son mode de calcul fondent ainsi la thématique principale de la classe 2, qui développe un langage où se mêlent et s’enchaînent les termes de « ressources » de « montant », d’« avis d’imposition », de « frais », d’ « allocations », de « cotisations » de « bénéfice », de « dossiers », ou encore de « majorations ». Ainsi, bien que le barème de tarification horaire établi par la CNAF vise en premier lieu à garantir l’accessibilité à toutes les familles dans une perspective de réduction des inégalités territoriales et sociales, la classe 2 affiche un lexique essentiellement technique, comptable, voire fiscal. Par ailleurs, l’analyse factorielle des correspondances (cf. Figure 9) révèle une proximité sémantique entre les classes 2 et 3 et rend compte, à travers l’entrelacement des formes « ressource », « compte », « prix », « barème », « plafond », « euro », « facturer » (cf. Figure 10), de l’utilisation d’un vocabulaire foncièrement financier dans la circulaire.

Ainsi, et tandis que la classification hiérarchique descendante opère une division du corpus en cinq classes distinctes dont trois significativement associées à la CNAF, l’analyse des patterns langagiers les plus utilisés au sein des classes 2, 3 et 5 souligne l’existence d’une distance entre deux grands mondes lexicaux qui délimitent, spécifient et reflètent le positionnement idéologique de la prestation de service unique. Cette tension entre les classes 2 et 3 d’une part, et la classe 5 d’autre part, s’observe également dans le cadre de l’analyse factorielle des correspondances (cf. Figure 9). Alors que les classes 2 et 3 apparaissent comme très proches, marquées par la prééminence d’une logique gestionnaire soutenue par un discours essentiellement mathématique, comptable et financier, la classe 5 s’écarte spatialement de ces deux dernières et libère un discours conjuguant les aspects définitoires et sociaux de la PSU aux règles et critères désormais imposés aux structures d’accueil du jeune enfant. En outre, l’AFC indique concomitamment une forte proximité entre les classes 4 et 1 (cf. Figure 9), toutes deux significativement associées aux EJE, et dont les formes pleines du discours s’orientent

vers les aspects pratiques de la mise en application de cette règlementation et l’instabilité temporelle qu’elle induit (cf. Figure 10).

4.2 Le discours des éducateur.rices de jeunes enfants : entre gestion et contraintes

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