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Quelles articulations ?

3. De la population à l’échantillon et de l’échantillon à la population

3.1 Procédure d’échantillonnage

Ainsi, les objectifs et la problématique générale de cette recherche guident les choix de critères à considérer pour la constitution de l’échantillon afin de couvrir et d’envisager le phénomène étudié dans toute sa complexité et sa variabilité. En ce sens, le recueil de données

Niveau Empirique Niveau Théorique

signalétiques concernant les EJE – âge, ancienneté, type et mode de gestion de la structure professionnelle, capacité d’accueil, fonctions de direction exercées le cas échéant – visent à identifier et tester certains facteurs à même d’influencer (1) les aspects tenus pour essentiels par ces professionnel.les pour caractériser leur métier, (2) leurs valeurs, et, plus encore, (3) leur manière de percevoir et de concevoir la PSU. Dès lors, et afin de toucher une large population d’EJE, le recrutement de notre échantillon empirique s’est inspiré du Respondant Driven Sampling (RDS) 110 (Heckathorn, 1997), – « échantillonnage guidé par les répondants » –, méthode fréquemment utilisée en épidémiologie pour enquêter auprès de populations cachées ou difficilement accessibles telles que les personnes atteintes du VIH, les usager.e.s de drogues injectables ou encore les travailleuses du sexe. À l'instar de l'échantillonnage boule de neige111

qui s’appuie sur les recommandations des premiers sujets de la recherche pour recruter d’autres participants, le RDS dépend également d’une méthodologie en chaîne, à la différence que les primo-répondants, « repérés par le biais de groupes ou organisations […] qui travaillent avec les populations cibles » (Johnston & Sabin, 2010, p. 40), invitent directement leurs pairs à prendre part à l’étude. Par ailleurs, plus ces informateurs initiaux présentent « un profil varié du point de vue des variables d’intérêts de l’enquête, de manière à diversifier les points d’entrée dans la population cible » (Bataille, Perrenoud, & Brändle, 2018, p. 199), plus ils participent à limiter « la question du biais induit par les propriétés sociales particulières des personnes recruteuses » (Bataille et al., 2018, p. 200). En adoptant une stratégie contiguë à cette méthode d’échantillonnage, la diffusion du questionnaire conjugue deux grands procédés visant à pénétrer l’hétérogénéité de la population d’EJE ;

- En identifiant et s’appuyant sur des personnes dites « ressources », telles que directeur.rices de centres de formation, rédacteur.rices en chef au sein de journaux spécialisés dans la petite enfance et responsables de la Fédération Nationale des Éducateur.rices de jeunes enfants (FNEJE)112. Influentes et impliquées dans le

110 Pour une description précise de la méthodologie du RDS et des illustrations voir notamment les articles de Heckathorn (1997 ; 2002), Johnston, Sabin, Hien, et Huong (2006), Salganik et Heckathorn (2004) ou encore Bataille et al. (2018).

111 Si l’échantillonnage boule de neige relève des méthodes non probabilistes en ce qu’il « engendre un échantillon à partir duquel il est impossible d’inférer statistiquement des résultats précis pour la population cible » (Johnston & Sabin, 2010, p. 39), l’échantillonnage guidé par les répondants (autrement appelé « boule de neige probabiliste ») produirait un échantillon extrapolable, qui tendrait asymptotiquement vers les « vraies » proportions de la population. Voir à ce sujet Marpsat et Razafindratsima (2010)

112 Nous remercions tout particulièrement J.-P. Feutry, directeur du CRFPE (Lille), B. Le Capitaine, directeur de l’ARIFTS (Nantes), C. Bouve, Responsable Pôle Formation Initiale EJE au centre de formation Saint Honoré

champ de la petite enfance, ces personnes « ressources » ont favorisé l’accès à un réseau important de professionnel.les EJE, d’une part en rendant visible l’objet général de la recherche et le lien vers le questionnaire sur des sites Internet fréquemment visités par les EJE et/ou d’autre part, en les contactant directement par mail à l’aide d’un message rédigé par nos soins.

Figure 19. Message d’invitation à participer à l’enquête.

- En sollicitant la communauté d’EJE sur des forums et groupes de professionnel.les formés sur des réseaux sociaux, espaces virtuels numériques regroupant et ciblant des individus censés répondre au seul prérequis exigé pour la participation à cette étude : exercer le métier d’EJE. Après autorisation d’accès à ces espaces de discussion, un message similaire au précédent (cf. Annexe 9) dévoilait brièvement la recherche et invitait les membres des forums et groupes professionnels virtuels à y prendre part. La concision du message de présentation de la recherche tend

(Paris), C. Lelièvre, fondatrice et rédactrice en chef du site « Les pros de la petite enfance », et V. Jacquet, co-présidente de la FNEJE, qui ont largement contribué à la constitution d’un tel échantillon.

principalement ici à se prémunir des artefacts de questionnement et plus précisément du biais du répondant, erreur de mesure qui se traduit par l’adoption d’un comportement de réponse spécifique par le répondant en situation de questionnement, s’il croit avoir discerné, même partiellement, l’objectif de ce questionnement (Herbert, 2005). De plus, l’absence de mention de la PSU vise à garantir une certaine diversité de profils d’EJE, évitant ainsi d’atteindre essentiellement des professionnel.les impactés négativement par cette réforme et voyant, à travers cette recherche et ce questionnaire, l’opportunité et d’exprimer leur(s) insatisfaction(s).

Ainsi, en « favorisant une implication des enquêté‐e‐s et la mobilisation de leurs réseaux personnels » (Bataille et al., 2018, p. 199), l’usage simultané de ces deux procédés a permis la récolte de 941 questionnaires complets et exploitables en quatre semaines, et ce, malgré une durée de passation relativement longue113. Cet intérêt porté par les EJE à cette enquête et, plus exactement, à leur métier, se perçoit également à travers la réception d’un nombre conséquent de mails s’enquérant de la possibilité de consulter les futurs résultats de l’étude, tandis que d’autres messages de remerciements venaient exprimer explicitement ou implicitement le manque de reconnaissance sociale, médiatique et politique de ce métier. De ce constat, le souci de rendre accessible les principaux résultats aux professionnels comme aux acteurs politiques se pose non seulement comme une nécessité mais contribue à engager la recherche dans une logique de partage de connaissances et à lui conférer une utilité sociale directe.

3.2 Population et échantillon

Si comme évoqué précédemment, l’absence de données statistiques officielles, précises et complètes concernant la population EJE nous éloigne de l’idéal probabiliste et de son caractère inférentiel, les quelques informations disponibles invitent toutefois à jauger d’une potentielle « représentativité » de la morphologie de l’échantillon constitué. Estimée à 10 000 EJE en 2003 dont 98 % de femmes (Verba, 2006a), notre population de référence atteindrait un effectif de 18 200 en 2011 (Marquier, 2014) et 19 000 en 2013 (Verba, 2014a). Ici, l’investigation et l’analyse des rapports de congruences et d’incongruences entre les valeurs des EJE, la représentation de leur métier et leur(s) représentation(s) et attitude(s) à l’égard de la PSU reposent sur un échantillon de 915 éducatrices de jeunes enfants et 26 éducateurs de jeunes

113 Le logiciel Eval&GO, utilisé pour la création et l’administration de ce questionnaire en ligne, évalue à 915 secondes en moyenne la durée de passation du questionnaire, soit un peu plus de 15 minutes.

enfants (N = 941). Ainsi composé à 97.2 % de femmes et à 2.8 % d’hommes, cet échantillon appuie la répartition avancée par Verba (2006) et reflète la forte féminisation du métier d’EJE, « malgré le terme générique qui est au masculin et les timides tentatives de « dégenrer l’éducation des jeunes enfants » (Verba, 2014a, p. 120). Tandis que l’âge des répondant.es s’étale de 18 à 68 ans (M = 33.8 ; SD = 9.7) avec en moyenne 7.9 ans d’ancienneté (SD = 8) (cf. Annexe 10), la répartition des classes d’âge (cf. Figure 20) dévoile une présence massive de jeunes EJE puisque 61.2 % des participant.es a moins de 35 ans et 74.7 % moins de 40 ans. Cette forte proportion de jeunes s’explique en partie par le choix de mode d’administration du questionnaire, qui ne peut se départir d’une limite importante : au plus l’âge augmente, au plus la probabilité de disposer d’un accès à Internet, d’en faire usage et de fréquenter les forums et réseaux sociaux diminue (cf. Section 2).

Concernant le territoire professionnel de notre échantillon, et alors que Marquier (2014) fixait à 78 %114 le nombre d’EJE travaillant en EAJE en 2011, près de 70 % exercent ici leur activité au sein d’EAJE – micro-crèche, crèche ou multi-accueil municipal, associatif, d’entreprise, privé –, dont la capacité d’accueil s’échelonne de moins de 10 places à plus de 60 places (N = 654 ; 69.50 % ; Tableau 10). Témoignage de la diversification de la sphère d’intervention des EJE, plus de 30 % travaillent au sein d’établissements autres que des structures d’accueil du jeune enfant, telles que des ludothèques, classes passerelles, hôpitaux, MECS, CHRS, centre maternel, foyers de l’enfance, RAM, etc., dont le mode de financement ne relève pas de la PSU (N = 287 ; 30.50 %). Néanmoins, il s’agit bien d’interroger ici l’ensemble d’un corps professionnel dans sa globalité et son hétérogénéité afin de saisir plus justement les aspects considérés comme essentiels par les EJE pour caractériser leur métier, leurs valeurs, de même que leur représentation et attitudes concernant la PSU115. De surcroit, le constat de prises de positions antagonistes à l’égard de cette réforme (cf. Étude 2) invite à se détacher d’une conception monolithique de la représentation sociale (Milland & Flament, 2010) pour d’une part, appréhender la PSU dans ses différentes configurations et, d’autre part, comprendre ses variations en fonction des ancrages et terrains d’exercice différenciés. Dès lors, le mode de financement de la structure pourrait davantage s’instituer comme une variable différenciatrice de la relation des EJE à l’objet, et ce, notamment selon qu’elle impacte ou non les pratiques de ces professionnel.les.

114 Selon les estimations de Marquier (2014, p. 3), sur 18 200 EJE, 78% exercent en EAJE, 10, 4% en ESMS difficultés sociales et aide sociale à l’enfance, 7. 1 % en ESMS personnes handicapées et 4. 2 % au sein d’autres structures telles que caisses de Sécurité sociale, mutuelles… Voir tableau p. 35.

115 Si la connaissance de l’objet est une condition sine qua non pour l’étude de sa représentation sociale au sein d’un groupe, l’ensemble des répondant.es ont attesté connaitre la PSU à travers la question filtre « Savez-vous ce qu’est la PSU ?»

Tableau 10

Nombre de répondants par types de structure et capacité d’accueil

Enfin, 225 sujets de notre échantillon occupent une fonction de direction et 140 d’adjoint.e de direction, soit 365 EJE (38,8 % de l’échantillon) ayant en moyenne 37.53 ans (SD = 9.2) et 11.6 ans d’ancienneté (SD = 8.4), signe d’un accès relativement précoce des EJE aux postes de direction, en matière d’âge, comme d’ancienneté (voir Figure 21).

Nombre de places Moins de 10 places 10 à 19 places 20 à 39 places 40 à 60 places 60 places et + Autre Total T ype de s truc ture Micro-crèche, crèche ou multi-accueil municipal 8 58 124 66 69 4 329 Micro-crèche, crèche ou multi-accueil associatif 6 52 81 27 17 0 183 Micro-crèche, crèche ou multi-accueil d’entreprise 3 5 27 27 7 0 69 Crèche ou multi-accueil privé 8 21 23 14 5 2 73 Autre 19 33 61 32 39 103 287 Total 44 169 316 166 137 109 941

Figure 21. Diagramme de dispersion des EJE exerçant une fonction de direction ou d’adjoint.e de direction selon l’âge et l’ancienneté.

Ainsi, sans prétendre à la représentativité, cet échantillon de 941 EJE présente néanmoins des caractéristiques similaires au profil de la population cible116 et autorise la mise à l’épreuve des hypothèses. Par ailleurs, si « les analyses sur un faible nombre d’individus permettent rarement […] d’obtenir des résultats statistiquement significatifs » (Parizot, 2012, p. 94), la taille relativement importante de l’échantillon supporte pleinement le traitement statistique des données recueillies par questionnaire et appuie parallèlement la probabilité de dégager des résultats significatifs.

4. Matériel

Guidé par le postulat que « la bonne représentation de la réalité doit passer par le chiffre » (De Singly, 2016, p. 7) et imprégné d’un réalisme scientifique prégnant dans les pays occidentaux (De Singly, 2016), la recherche en sciences humaines et sociales, et tout particulièrement en psychologie, multiple et valorise l’utilisation des méthodes quantitatives comme mode de production des connaissances. Par conséquent, et alors que le paradigme

116 Tableau synoptique des caractéristiques de l’échantillon en Annexe 11.

0 5 10 15 20 25 30 35 40 20 30 40 50 60 70 A nc ie nne té Àge

quantitatif « nécessit[e] d’obtenir un nombre important d’informations comparables sur une population suffisamment nombreuses pour autoriser le traitement statistique » (Bourdieu, 1979, p. 591), le questionnaire s’est logiquement imposé comme l’outil privilégié de collecte de données, jusqu’à constituer « l’idéal d’une enquête scientifique en sciences sociales, du fait du caractère statistique de son exploitation » (Parizot, 2012, p. 93). Si cette troisième étude adopte en effet une approche quantitative, elle ne vise pour autant pas à créer du chiffre et à habiller la recherche des traditionnels critères de scientificité dans le dessein de lui conférer davantage de crédibilité et de légitimité. Cherchant à s’extraire d’un fétichisme méthodologique « qui, dissociant la méthode de l’objet, réduit le problème de la construction théorique de ce dernier à la manipulation technique d’indices et d’observations empiriques » (Wacquant, 1992, p. 31) pour in fine s’affranchir du sens même de l’objet étudié, il s’agit ici, au contraire, de remettre l’objet au centre de la recherche et d’approcher sa complexité à travers un pluralisme méthodologique. Ainsi, dans une démarche de triangulation des sources et des méthodes d’investigation, le dispositif de recherche développé dans ce travail de thèse tend à décliner et lier un certain nombre d'étapes pour asseoir une compréhension générale et généralisante de l’objet étudié. À ce titre, l’outil statistique s’avère ici utile et approprié pour interroger les interactions entre les valeurs des EJE, la représentation qu’ils ont de leur métier, et leur manière de percevoir et de concevoir la PSU. De plus, parce qu’elles favorisent le passage de l’intuition et de l’hypothèse au fait statistique et à l’objectivation du phénomène, les données quantitatives obtenues à travers cette recherche alimentent, à leur tour, l’analyse et la discussion autour des enjeux sociétaux que soulève la problématique retenue. Après avoir brièvement présenté la recherche, informé les participant.es du temps de passation et garanti le caractère confidentiel et anonyme des résultats dans une première section (cf. Annexe 9), le questionnaire de cette étude se compose de 100 items articulés autour de cinq autres sections (cf. Figure 22). Ainsi, et dans un premier temps, les sujets sont invités à indiquer l’importance relative qu’ils attribuent aux différentes catégories associées à la représentation du métier d’EJE, puis, dans un deuxième temps, sont amenés à se comparer à 40 portraits faisant implicitement référence aux dix types de valeurs du modèle de Schwartz (1992). Les deux sections suivantes du questionnaire concernent plus particulièrement la PSU et visent tout d’abord à dégager les principes organisateurs de la représentation de cette réforme à travers le positionnement des sujets sur différents éléments, puis à recueillir les attitudes et opinions des EJE à l’égard de cet objet. Enfin, la dernière section précise les caractéristiques biographiques et

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