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1.4 …Au modèle des valeurs universelles de Schwartz (1992)

1.4.1 Quelques caractéristiques consensuelles à propos des valeurs

À travers un examen de la littérature des conceptualisations des valeurs humaines (e.g., Allport, 1961 ; Levy & Guttman, 1974 ; Maslow, 1959 ; Morris 1956 ; Pepper, 1958 ; Rokeach, 1973 ; Scott, 1965 ; Smith, 1963, William, 1968), Schwartz et Bilsky (1987 ; 1990) et Schwartz (2006) repèrent cinq puis six caractéristiques explicitement ou implicitement mentionnées pour les définir.

(1) S’emparant de l’un des axiomes omniprésents dans la pensée axiologique,

Schwartz (1992) appréhende les valeurs comme des croyances, laissant transparaitre une proximité conceptuelle naturelle, qui se traduit parfois par une confusion ou une indifférenciation dans les écrits théoriques de plusieurs auteurs (Kluckohn, 1951 ; Rokeach, 1968 ; Feather, 1992). Ainsi, « les valeurs sont des croyances associées de manière indissociable aux affects » (Schwartz, 2006, p. 931), au sens où elles animent et s’animent au travers de sentiments, notamment lorsqu’elles sont défendues, maintenues, favorisées, ou, à l’inverse, opprimées et empêchées. À titre d’exemple, les personnes ou groupes « pour qui [l’universalisme] est une valeur importante sont en état d’alerte si [elle] est menacée, désespéré[…]s quand [ils] ne parviennent pas à la préserver, et heureu[…][x] quand [ils] peuvent l’exercer » (Schwartz, 2006, p. 931). Contextualisée au monde du travail, cette caractéristique souligne d’ores et déjà la nécessité, pour un individu, d’exercer un métier compatible avec ses valeurs, d’incarner professionnellement les valeurs qu’il valorise, et ce, afin de se maintenir dans un état affectif positif.

(2) Deuxième postulat sur lequel Schwartz (1992) fonde sa théorie, les valeurs se

rapportent à des objectifs désirables et spécifiques pour l’individu et induisent, dès lors, des valences d’actions possibles. En effet, et plus concrètement, « les personnes pour qui l’ordre social, la justice et la bienfaisance sont des valeurs importantes [par exemple,] sont motivées pour poursuivre ces objectifs » (Schwartz, 2006, p. 931). Véritable source motivationnelle, « la force des valeurs d’une personne tend à influer sur l’effort qu’elle déploie dans une activité, la durée pendant laquelle elle persiste dans une activité, ou encore sur le choix effectué entre différentes activités »65 (Feather, 1995, p. 1135) et ce, en congruence avec ses valeurs. De fait, de la même manière que « les personnes qui valorisent la stimulation seront probablement attirées par une offre d’emploi qui comporte des défis et amène à prendre des risques » (Schwartz, 2006, p. 954), une personne attachée à la bienveillance et au prendre soin des enfants pourra alors chercher à s’engager dans une formation d’éducateur.rice de jeunes enfants ou, plus largement, dans une formation en lien avec la petite enfance.

(3) Grands principes directeurs, les valeurs transcendent les actions et les situations

spécifiques et s’expriment alors invariablement dans la sphère privée et professionnelle, « au travail ou à l’école, dans la pratique d’un sport, dans les affaires, en politique, au sein de la famille, avec les amis ou les étrangers » (Schwartz, 2006, p. 931). En cela, elles se différencient,

65 « The strength of a person's values may affect how much effort a person puts into an activity, how long a person persists at an activity, the choices that are made between alternative activities »

d’une part, des normes, qui prescrivent ou proscrivent des comportements ou réactions spécifiques dans une situation donnée et, d’autre part, des attitudes qui s’entendent davantage comme des prédispositions à agir favorablement ou défavorablement à l’égard d’un objet, d’un groupe, d’un individu, d’un événement ou encore d’une activité. Au-delà de cette distinction conceptuelle essentielle, valeurs, normes et attitudes restent néanmoins étroitement liées, en ce que les valeurs reflètent certes, des objectifs abstraits - le respect de la vie humaine -, mais susceptibles de se matérialiser dans des normes sociales - l’interdit de l’homicide -, ou encore de se dessiner dans les attitudes des individus envers des objets mettant en jeu les valeurs - le rejet de l’avortement - (Ogay, 2004).

(4) Subséquemment, ce caractère transituationnel confère aux valeurs une fonction de

guide générique et supérieur pour la sélection et l’évaluation des situations ou objets, qu’il s’agisse d’actions, de politiques, de personnes ou d’événements. Ainsi « les valeurs servent d’étalon ou de critères […] [pour] décide[r] de ce qui est bon ou mauvais, justifié ou illégitime, de ce qui vaut la peine d’être fait ou de ce qui doit être évité [, et ce,] en fonction des conséquences possibles pour les valeurs que l’on affectionne » (Schwartz, 2006, p. 931). Ce faisant, l’instauration de la PSU tendrait donc à être évaluée non seulement en regard du discours institutionnel soutenu par la CNAF, mais surtout en regard des valeurs qu’elle véhicule comparativement aux valeurs privilégiées par les professionnel.le.s concerné.e.s par cette réforme.

(5) Cinquième caractéristique d’ores et déjà prégnante dans le modèle de Rokeach

(1973) jusqu’à inspirer son outil de mesure, « les valeurs sont classées par ordre d’importance les unes par rapport aux autres » (Schwartz, 2006, p. 931) et s’instituent dès lors comme des références propres à chaque individu ou partagées par un même groupe social (Hofstede, 1980 ; Schwartz, 2009). À titre d’exemple, une étude menée sur 66 étudiant.e.s d’une université américaine et 65 étudiant.es d’une université chinoise les invitant à classer par ordre d’importance 18 valeurs imprégnées soit d’individualisme, soit de collectivisme, démontre que sur les six valeurs qui apparaissaient comme « plus importantes parmi les participants américains que parmi les participants de Hong Kong, cinq d’entre elles renvoient à des valeurs individualistes » (Wan et al., 2007, p. 340) alors que les étudiant.es chinois.es tendent davantage à valoriser les valeurs collectivistes. En outre, tandis que les valeurs considérées comme durables (Rokeach, 1973) conservent une certaine stabilité, loin d’être immuable, la structuration hiérarchisée du système de valeurs se module et s’adapte selon les situations et les sujets convoqués, si bien que les valeurs d’un même individu « peuvent être organisées

différemment sur les questions de l’avortement et de la peine capitale » (Seligman & Katz, 1996, p. 54).

(6) Enfin, lié au principe précédent et principalement « en raison […] d’un besoin de cohérence entre convictions (valeurs) et actions (voir Rokeach, 1973) » (Bardi & Schwartz, 2003, p. 1209), l’importance relative des valeurs oriente et guide l’attitude et le comportement des individus. Aussi, une étude réalisée sur un échantillon de plus de 3 000 italien.nes rapprochant notamment priorités de valeurs et comportements de vote, illustre que les valeurs de sécurité, de pouvoir et de réussite présentent une corrélation significative avec le vote des sujets pour le parti de centre-droit tandis que les valeurs d’universalisme et de bienveillance sont significativement corrélées au vote pour le parti de centre-gauche (Caprara et al., 2006). À l’avenant, d’autres recherches témoignent d’un lien de corrélation positif et prédominant entre valeurs de bienveillance et comportements de coopération (Schwartz, 1996), ou décèlent, plus globalement encore, « des corrélations substantielles entre la plupart des valeurs et les comportements qui leur correspondent » (Bardi & Schwartz, 2003, p. 1216).

Au-delà de ces caractéristiques générales et du constat simultané d’« un nombre presque infini de valeurs spécifiques que l'on pourrait étudier »66 (Schwartz, 1994, p. 20), Schwartz (1994) envisage chacune des valeurs comme nécessairement soutenue par un objectif motivationnel particulier et cherche plus particulièrement à les appréhender, les distinguer et les classer selon leur contenu substantif. Par ajustements et recoupements successifs, en confrontant ses réflexions et avancées théoriques à la mesure empirique67, il détermine alors une partition de l’ensemble des valeurs en dix valeurs de base admises par toutes les cultures et leur confère ainsi l’ambition d’une essence universelle.

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