• Aucun résultat trouvé

2 Le repli identitaire et la cristallisation de l'identité socio culturelle des immigrés provenant de la même aire territoriale et

culturelle, constitués en groupe homogène

Une autre répercussion possible résultant de la non-intégration des immigrés à la société du pays d’accueil est le développement d’un processus de repli identitaire des immigrés non intégrés328.

Compte tenu des caractéristiques du phénomène de l’immigration récente, à savoir qu’il s’agit souvent d’une immigration à titre de regroupement familial ou d’une immigration de masse d’immigrés partageant une identité socioculturelle et une même aire territoriale d’origine, le repli identitaire des immigrés pourrait alors avoir un impact significativement négatif sur l’équilibre social et juridique de la société du pays d’accueil. Cet impact négatif pourrait revêtir plusieurs formes telles que la fragilisation du tissu social du pays d’accueil ainsi que l’apparition de phénomènes de discrimination ethnique et raciale par rapport aux immigrés non intégrés.

A. Les difficultés d'intégration des immigrés comme facteur

d’instabilité potentielle pour la cohésion sociale du pays d'accueil

Selon un rapport soumis à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe concernant les populations migrantes en Europe :

« D'une manière générale, il y a défaut de cohésion sociale si l'autorité de l’État est contestée, si les normes et valeurs de l'État ne sont pas reconnues ou si des individus

327 M. Flahaux, C. Beauchemin, B. Schoumaker, « De l’Europe vers l’Afrique : Les migrations de retour au

Sénégal et en République démocratique du Congo », INED, Population & Sociétés, n° 515, Octobre 2014.

328 I. Tucci, « Les descendants des immigrés en France et en Allemagne : des destins contrastés, Participation

au marché de travail, formes d'appartenance et modes de mise à distance sociale », Sociologie, École des Hautes Études en Sciences Sociales, Humboldt Universitat Berlin, 2008. Français.

s'intègrent mal dans le circuit économique. Il existe une fracture sociale lorsqu’une minorité en tant que telle s'exclut de la collectivité. Ce repli « ethnique » favorise l'emprise communautaire sur certains quartiers, voire la montée de l'intégrisme religieux. Cette situation comporte des dangers car elle génère des tensions sociales, fragilise la cohésion sociale et les valeurs démocratiques, fondées sur l'égalité des droits, des devoirs et des chances »329.

La cohésion sociale n’est possible que grâce à des valeurs, des normes et une culture commune à tous les membres de la société. Elle leur permet d'avoir une action politique et économique.

Le repli identitaire débouchant sur un communautarisme, par les tensions qu’il induit, fragilise la cohésion sociale et met en danger le bon fonctionnement de la société.

B. Les discriminations ethniques et raciales

L’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales intitulé « interdiction de discrimination » énonce :

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation »330.

Cette interdiction est confirmée par le protocole numéro 12 de cette convention. Il ressort très clairement de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que des documents d’information des travaux préparatoires de cet article, que l’on parle de discrimination à partir du moment où le critère de différentiation est perceptible dans une société donnée331. La Cour européenne des droits de l’homme utilise à ce propos

329 Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe, « Migration et intégration : un défi et une opportunité pour

l'Europe », Rapport de la Commission des migrations, des réfugiés et de la population, Doc. 10453, 7 Février 2005.

330 Conseil de l'Europe, « Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales »,

Rome, 4 Novembre 1950, Série des traités européens N°5.

331Conseil de l'Europe, Cour européenne des droits de l'Homme, « travaux préparatoires de l'article 14 de la

le terme de « classe ou de groupe déterminé » qui sont sujets à une différence de traitement332.

D’après une enquête effectuée sur la diversité des populations en France par l’équipe Trajectoires et Origines :

«…l’expérience des discriminations se construit d’abord par l’exposition aux préjugés et aux stéréotypes. La référence aux origines dans les interactions et relations quotidiennes contribue au sentiment d’une évocation péjorative de l’altérité […] Ces rappels quotidiens d’altérité contribuent au sentiment d’être perçu comme un étranger […] La couleur de peau, puis l’origine et la religion, constituent les principales sources de stigmatisation qui exposent au racisme dans la société française »333.

Dans le cadre de l'Union européenne, l’instrument relatif à l’interdiction de discrimination est la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Selon l’article 21 de la charte « est interdite toute discrimination… ».

La directive 2000/43/CE duConseil de l’Union européenne, établit le cadre juridique pour lutter contre la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique en Europe. Selon cette directive :

« …toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la race ou l'origine ethnique dans les domaines régis par la présente directive doit être prohibée dans la Communauté. Cette interdiction de discrimination doit également s'appliquer aux ressortissants de pays tiers… »334

Dans l’affaire Feryn concernant la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré que les déclarations publiques du directeur de la société Feryn, selon lesquelles son entreprise cherchait à recruter des installateurs mais qu’elle ne pouvait embaucher des « allochtones » en raison des réticences de la clientèle à leur donner accès à leur domicile privé,

Strasbourg 9 Mai 1967 ; C. Beauchemin, C. Hamel, M. Lesné, P. Simon, « Les discriminations : une question de minorités visibles », INED, Population & Sociétés, n° 466, avril 2010.

332 CEDH, Affaire Setjerna c. Finlande, (Requête no 18131/91), Arrêt du 25 Novembre 1994, §48.

333 Équipe Trajectoire et Origines, « Enquête sur la diversité des populations en France, Premiers résultats »,

document de travail n° 168, Octobre 2010, pp. 129-136.

334 Conseil de l’Union européenne, Directive 2000/43/CE, « relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité

de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique », 29 Juin 2000, Journal Officiel n° L 180 du 19/07/2000 p. 0022 – 0026.

constituaient une violation du principe de l’égalité de traitement au titre de la directive sur l’égalité raciale335.

Les discriminations raciales sont prohibées. Cependant, des différences de traitement des étrangers peuvent être acceptées si les droits « humains » sont respectés et si cette différence repose sur une raison légitime et non fondée sur la race ou l’origine ethnique. Ce n’est que dans cet espace restreint que certains objectifs peuvent justifier un traitement inégal336.

Selon une publication récente du réseau européen des experts juridiques en matière de non-discrimination, durant la période de 2004 à 2010, ont été traitées par les juridictions nationales européennes plus de 250 affaires en matière de non- discrimination. Le nombre de litiges ayant pour objet une discrimination fondée sur l’origine raciale ou ethnique dépasse très largement, au niveau de l’ensemble des États membres, le nombre de ceux portant sur toute autre forme de discrimination337.

Nous verrons par la suite que les minorités reconnues par le droit international présentent les mêmes caractéristiques de besoin de protection juridique que celles des groupes immigrés dans les sociétés des pays d’accueil.

335 CJUE, 10 Juillet 2008, Centrum voor gelijkheid van kansen en voor racismebestrijding/Firma Feryn NV,

C‑54/07, Rec., p. I-5187.

336 CEDH, Affaire Ponomaryovi c. Bulgarie, (Requête no 5335/05), Arrêt du 21 Juin 2011.

337 T. Uyen Do, « 2001-2011 :10 ans de jurisprudence en anti-discrimination », Revues du droit européen relatif

à la non-discrimination, N°12, Le réseau européen des experts juridiques en matière de non-discrimination, Juillet 2011.

TITRE DEUXIÈME –La constitution des minorités et la question

Outline

Documents relatifs