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SECTION I. Bases conceptuelles du droit international en formation

B. Le sentiment d’appartenance à un groupe homogène défin

En observant les diverses définitionsdu terme de minorité nationale citées plus haut, on constate que l’un des critères de définition d’une minorité est le sentiment d’appartenance à un groupe homogène spécifique508. C’est ainsi qu’est définie une

minorité selon la recommandation 1201 du Conseil de l’Europe : « [ses] membres sont animés de la volonté de préserver ensemble ce qui fait leur identité commune, notamment leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue »509.

C’est ainsi que sont définies les minorités nationales selon la CPJI dans un avis consultatif déjà cité : « ayant une race, une religion, une langue et des traditions qui leur sont propres, et unies par l'identité de cette race, de cette religion, de cette langue et de ces traditions dans un sentiment de solidarité… »

Guy Héraud, énonce lui aussi qu’une des caractéristiques de la minorité nationale est le sentiment d’appartenir à une nation qui n’est pas la nation majoritaire de l’État dans lequel elle réside510. C’est dans le cadre d’une opinion concordante commune

des juges Costa et Zupancic, à laquelle se rallie le juge Kovler dans l’arrêt Gorzelik et autres c. Pologne, qu’il est affirmé que : « pour constituer une minorité «

506 Conseil de l'Europe, « Charte européenne des langues régionales ou minoritaires » Strasbourg, 5 Novembre

1992, Série des traités européens N° 148 ; P. Dupuy, « Droit international public », op. cit., p. 158.

507 Conseil de l’Europe, Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales,

neuvième rapport d’activités, Septembre 2014.

508 A. Demichel, « Minorités », op. cit.

509 Assemblée parlementaire du Council de l'Europe, Recommandation 1201 relative à un protocole additionnel

à la Convention européenne des droits de l'homme sur les droits des minorités nationales, 1993.

510G. Héraud, « L’Europe des ethnies », Bruxelles, Bruylant, Paris, 1993, Librairie Générale de Droit et de

nationale », un groupe doit être lié à une majorité ne se trouvant pas en Pologne, comme les Allemands, les Ukrainiens, les Lituaniens et d'autres »511.

Dans un rapport de 1979, cité dans la première partie de ce travail, une tentative de définition a été proposée par Francesco CAPOTORTI (Italie), rapporteur spécial de la Sous-commission des Nations unies pour la lutte contre les mesures discriminatoires et la protection des minorités. Selon lui, un élément essentiel à la définition du groupe en tant que minorité est la conscience aiguë des membres du groupe de leurs origines, de leur culture, de leurs traditions, de leurs religions et de leur langue512.

Les nombreuses tentatives de définition du terme de minorité incluent comme critère essentiel le sentiment d’appartenance à un groupe homogène défini. Cela est notamment dû, selon Garon et Lapointe, au fait que : « La participation à la vie culturelle est au cœur de la formation identitaire d’une société. […] La pratique culturelle plonge le sujet qui la pratique dans un univers symbolique socialement partagé. À ce titre, elle produit des références culturelles communes et elle concourt à la constitution des traits culturels distinctifs d’une collectivité. […] La pratique culturelle donne une visibilité aux appartenances »513.

Les minorités se trouvent souvent liées à une majorité vivant au-delà des frontières du pays de leur résidence et vis-à-vis de laquelle elles éprouvent un fort sentiment de solidarité.

Un des exemples de ce type de relations est le Traité de bon voisinage et de coopération amicale entre l'Allemagne et la Pologne, du 17 Juin 1991, dontle cœur est incontestablement la définition du statut de leurs minorités nationales respectives etdes relations que les États signataires entretiennent avec elles. Ce Traité prévoit la création d'instituts culturels (art. 24), le soutien des initiatives pour le développement des deux langues et littératures, en particulier en favorisant l'apprentissage de la langue de l'autre à tous les niveaux d'enseignement ainsi que l'échange des enseignants (art. 25). De même, la préservation du patrimoine culturel (art. 29 et 32).

511 CEDH, [GC], Affaire Gorzelik et autres c. Pologne, (Requête no 44158/98), Arrêt du 17 Février 2004,

Opinion concordante commune des juges Costa et Zupancic, à laquelle se rallie le juge Kovler.

512 A. Demichel, « Minorités », op. cit.

513 M. Lapointe, R. Garon, « La participation des communautés linguistiques et des personnes issues de

l’immigration à la vie culturelle au Québec », document inédit, ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Québec, 2007.

Enfin, les partis, syndicats, parlementaires, etc. sont invités à des échanges bénéficiant du soutien des pouvoirs publics (art. 29)514.

On peut aussi citer à ce sujet la loi hongroise sur les droits des minorités nationales et ethniques de 1993 qui garantit le droit des minorités nationales d’entretenir des relations avec les institutions publiques de la nation mère (art.14, 18 et 19) et qui va jusqu’à proclamer le droit des minorités « d'établir et de maintenir directement des contacts étendus au plan international »515.

Il est démontré que selon de nombreux rapports publiés par des organes nationaux, européens et internationaux, certains groupes d’immigrés en Europe se constituent en communauté distincte de la population majoritaire locale en préservant la pratique de leur langue natale, de leurs traditions culturelles, religieuses et vestimentaires spécifiques affirmant leur identité de groupe homogène défini et distinct de la population locale et refusant de s’y intégrer.

Pour Paul Collier il est clair que : « Some governments of countries of origin […] have official programs maintaining connections with their diasporas »516.Ce type de

relation entre les États et les groupes de ressortissants se trouvant installés sur le territoire d’un autre État est similaire à la situation des minorités nationales, rattachées à leur nation mère par des relations politiques et culturelles517.

Compte tenu de leur sentiment d’appartenance à un groupe homogène précis, les groupes d’immigrés d’origine géographique commune, qui partagent des caractéristiques linguistiques, culturelles ou religieuses similaires, qui manifestent un sentiment de solidarité vis-à-vis du groupe, et entretiennent des relations avec leur « nation-mère », peuvent être confondus avec des groupes de minorités nationales.

514 Traité de bon voisinage et de coopération amicale entre l'Allemagne et la Pologne, du 17 Juin 1991,

disponible à l'adresse : http://www.polen.diplo.de/contentblob/4071436/Daten/126470/vertraegedpl.pdf ,consulté le 28 Juillet 2016 ; P. Koenig, « Le Traité germano-polonais sur les relations de bon voisinage et de coopération amicale du 17 juin 1991 », In: Annuaire français de droit international, volume 37, 1991. pp. 291-295.

515 La loi LXXVII de 1993 sur les droits des minorités nationales et ethniques, Les lois et les résolutions de

l'Assemblée nationale, gazette (1993.VII.22.).

516 P. Collier, « EXODUS How migration is changing our world », op. cit., page 12.

517 S. Pierré-Caps, « La Multination : L’avenir des minorités en Europe centrale et orientale », Odile Jacob,

Mars 1995, pp. 47-49 ; Conseil de l’Europe, « Protection Des Minorités Nationales Par Leur État-parent » éditions du Conseil de l’Europe, 2002, pp. 46-48.

C. Historique de l’évolution et de la formation des groupes issus de

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