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§ 3 La concrétisation juridique et politique des droits des migrants

A. À l’échelle internationale

Comme nous l’avons déjà évoqué, les droits des étrangers relèvent traditionnellement des législations des États. La situation créée par l’augmentation massive des flux migratoires a suscité une coopération internationale inédite en matière de standardisation des droits des migrants et d’harmonisation des législations nationales.

Pour la première fois en 1972, le Conseil Économique et Social des Nations Unies, dans une de ses résolutions, constate la situation alarmante concernant l’exploitation de travailleurs immigrés originaires du continent africain dans des conditions équivalentes à l’esclavage et au travail forcé89. L’Assemblée Générale des Nations

Unies condamne alors dans une de ses résolutions la discrimination des immigrés et appelle les États à résoudre ce problème90.

89Conseil Économique et Social, Résolution 1706(LIII), rapport annuel de la Commission Économique pour

l'Afrique, (1706(LIII)) Nations Unies, 1972.

90Assemblée Générale, résolution 2920(XXVII), « Exploitation de la main-d’œuvre par un trafic illicite et

En 1978, elle fixe les mesures destinées à améliorer la situation et à faire respecter les droits de l’homme et la dignité de tous les travailleurs migrants91. L’Assemblée

Générale, prenant acte de cette dernière résolution, décide en 1979 de « créer à sa 35e session un groupe de travail ouvert à tous les états membres qui seraient

chargés d’élaborer une convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leurs familles »92.

La rédaction de ce texte s’achève en 1990. Ce n’est qu’en fin 2003 que la Convention entre en vigueur, marquant une nouvelle ère de l’histoire du droit des migrants. Cette convention renforce les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et souligne le lien qui existe entre migration et droits de l’Homme. Elle définit les normes juridiques minimales applicables aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille93.

L’article 7 formule comme un devoir des États membres le principe de non- discrimination ainsi que le respect et la garantie des droits reconnus dans la convention. Ces principes étaient déjà définis par le Pacte des Droits Sociaux Économiques et Culturels assurant l’exercice des droits sans discrimination aucune94.

En plus des droits déjà énoncés dans le cadre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme tels que le droit à l’éducation, à la sécurité sociale ou à la liberté, la convention prévoit certains droits spécifiquement adaptés aux besoins et à la vulnérabilité des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

La convention prévoit, à l’article 15, leur protection contre la privation arbitraire de leurs biens. La garantie contre la confiscation ou la destruction de pièces d’identité ou de documents équivalents leur appartenant ou à des membres de leur famille est formulée à l’article 21.

Selon l’article 22, l’expulsion collective des migrants et de leur famille ne peut s’effectuer que par décision prise par une autorité compétente conformément à la loi. En matière de rémunération, de conditions de travail, d’accès aux services sociaux,

91 Assemblée Générale, résolution 33/163, « Mesure destinée à améliorer la situation et à faire respecter les

droits de l'Homme et la dignité de tous les travailleurs migrants », (A/RES/33/163) Nations Unies, 1978.

92 Assemblée Générale, résolution 34/172, « Mesures destinées à améliorer la situation et à faire respecter les

droits de l'Homme et la dignité des travailleurs migrants », (A/RES/34/172) Nations Unies, 1979.

93 Assemblée Générale des Nations Unies, « Convention Internationale sur la protection des droits de tous les

travailleurs migrants et des membres de leur famille », Résolution 45/158 du 18 Décembre 1990, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 2220, p. 3, Doc.A/RES/45/158.

94 Assemblée Générale des Nations Unies, « Pacte relatif aux Droits Économiques, Sociaux et Culturels »,

économiques (sécurité sociale, soins médicaux), les articles 25-28, 43, 45 assurent aux migrants un traitement équivalent à celui dont bénéficient les membres de la société du pays d’accueil.

L’article 30 affirme que l’éducation des enfants du travailleur migrant doit être assurée par l’État selon le principe de l’égalité de traitement. L’article 31 énonce que le respect de l’identité culturelle et du maintien de liens culturels avec le pays d’origine des migrants doit être assuré par l’État. Leur liberté de circulation au sein du territoire du pays d’accueil ainsi que la liberté de choix de leur activité professionnelle sont affirmées par les articles 39 et 52.

Bien que la convention ne mentionne pas explicitement le droit au regroupement familial, à l’article 44, elle invite les États à faciliter et à protéger l’unité de la famille du travailleur migrant, « reconnaissant que la famille est l’élément naturel fondamental de la société et qu’elle a droit à la protection de la société et de l’État ».

L’application de la convention relève de la responsabilité des États, tandis que l’inspection de sa mise en œuvre est instituée par l’article 72 qui énonce la création d’un comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Ce comité est composé de 10 experts siégeant à titre individuel et mandatés pour quatre ans.

Dans une de ses résolutions, la commission des droits de l’homme de l’organisation des Nations Unies crée, en 1999, le mandat de rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants afin d’examiner les moyens de surmonter les difficultés empêchant la protection effective de leurs droits95. Le rapporteur a comme mission

de formuler des recommandations basées sur des informations reçues de migrants victimes de violations des droits de l’Homme, afin de prévenir de telles infractions. Les conventions de l’Organisation Internationale du Travail formulent des normes de travail internationalement reconnues. La convention n°97, révisée en 1949, concernant les travailleurs migrants, repose sur le principe de la non-discrimination et de l’égalité de traitement de ces travailleurs. Les articles 1-11 de la convention énoncent les droits fondamentaux du travail et assurent au migrant une protection

minimale de ses droits et libertés reconnus internationalement comme fondamentaux dans le cadre de son exercice professionnel dans le pays d’accueil96.

La Convention n°143 de l’Organisation Internationale du Travail sur les travailleurs migrants prévoit selon l’article 8(1) que « à la condition qu’il ait résidé légalement dans le pays aux fins d’emploi, le travailleur migrant ne pourra pas être considéré en situation illégale ou irrégulière du fait même de la perte de son emploi, laquelle ne doit pas entraîner par elle-même le retrait de son autorisation de séjour ou, le cas échéant, de son permis de travail »97.

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