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SECTION I. Questions relatives à la définition du terme de « minorité »

A. Raisons politiques

Le fait minoritaire est complexe tant sur le plan politique que juridique. Ce problème constitue une forte préoccupation au sein des gouvernements des pays d'Europe. Le respect des droits des minorités est reconnu universellement, comme un facteur essentiel de la paix, de la justice, de la stabilité et de la démocratie des États357 mais

le risque d’exploitation de ces droits à des fins politiques suscite des craintes.

La relation d’inégalité par rapport à l’État et à la société majoritaire incite la minorité à revendiquer une protection juridique dont la perspective suscite à son tour

355 I. Boev, « Droit européen des minorités et évolution des principes généraux du droit international », op. cit.,

pp.2-3.

356 N. Rouland (dir), S. Pierré-Caps, J. Poumarède, « Droit des minorités et des peuples autochtones », op. cit., p.

262.

357 OSCE, « Document de la Réunion de Copenhague de la Conférence sur la dimension humaine de la CSCE »,

Chapitre 4, 29 Mai 1990, doc. 14304 ; Assemblée Générale des Nations Unies, « Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques », 18 Décembre 1992, (A/RES/47/135).

l’émulation d’autres minorités. La multiplication des statuts de minorités et l’acception de plus en plus large de cette notion sont perçues par une partie des responsables politiques comme un facteur potentiel de dissolution de l’équilibre de la base sociale de l’État.

On constate une carence de définition juridique de cette notion en droit international et européen. C’est aux États que revient finalement la décision d’accorder un statut aux minorités au sein de leurs législations, ce qui explique la diversité des critères et des définitions358.

Par ailleurs, les minorités sont souvent considérées comme des facteurs potentiels d’instabilité pour l’ordre juridique national ou international.

C’est sans doute pourquoi il existe une grande ambigüité quant à la politique des États vis-à-vis des minorités. La tentation d’instrumentaliser la menace potentielle que peut représenter dans certains cas la diversité ethnique pour l’intégrité territoriale et l’unité politique et sociale des États, n’est pas toujours qu'une arrière- pensée359.

Nous montrerons plus loin qu’une minorité ne sera pas perçue par un État de la même manière si celle-ci est enclavée, mais sans attache territoriale ou nationale, dispersée, ou établie dans les régions frontalières de leur « nation mère ». La géopolitique a un rôle crucial dans la manière de définir le groupe minoritaire comme ayant des droits collectifs et contraignants pour l’État dans lequel il se trouve360.

Pour certains juristes, l’article 27 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques peut être interprété, malgré son langage d’obligation négative, comme exigeant de la part de l’État des mesures positives afin de protéger l’identité des minorités et leurs droits. Tel est le point de vue adopté par le comité des droits de

358 Conseil de l'Europe, Réserves et déclarations à la Convention-cadre pour la protection des minorités

nationales, Strasbourg, 1er Février 1995, (RO 2002).

359 S. Riedel, I. Bonnefond, « Minorités nationales en Europe et protection des droits de l'homme : un enjeu

pour l'élargissement », Politique étrangère, n°3, Vol. 63, 2000, pp. 647-664.

360 Commission des droits de l'Homme, Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de

l'Homme, Cinquante-troisième session, Groupe de travail sur les minorités, Septième session, 14-18 Mai 2001, « Texte final du Commentaire sur la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques ». (E/CN.4/Sub.2/AC.5/2001/2).

l’homme dans ses observations générales n°23 relatives à l’article 27 du 8 avril 1994361.

C’est également l’interprétation adoptée à la réunion de Copenhague du 29 juin 1990 :

« Les États participants protégeront l'identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse des minorités nationales sur leur territoire et créeront des conditions propres à promouvoir cette identité […] Les États participants s’efforceront de garantir que les personnes appartenant à des minorités nationales… auront la possibilité d'apprendre leur langue maternelle… »362.

Le statut de minorité a un impact bien plus fort sur les pays qui le reconnaissent juridiquement lorsque celui-ci est porteur de droits spécifiques et de prestations particulières. Dès lors, cette situation relève davantage du domaine de la protection active des minorités que de l’interdiction de la discrimination. Dans ce cas, les minorités définies en tant que telles peuvent prétendre et obtenir de la part de l’État dans lequel elles se trouvent des efforts particuliers qui pèsent sur le budget.

Sous cet angle, l’absence de clarification juridique du statut de certaines minorités pourrait ne pas procéder d’un oubli ou d’une négligence, mais bien au contraire d’une politique concertée. Les États s’abstiennent, en maintenant l’ambigüité juridique, d’avoir à se placer dans une situation juridiquement et matériellement contraignante.

En effet, nous pouvons constater le même schéma de pensée concernant la notion de « peuple » auquel le droit à l’autodétermination est reconnu et qui est fondé à proclamer son indépendance d’une manière qui s’impose juridiquement à tout État (ce sujet sera traité plus loin)363. Le concept de peuple ou de nation relève d’une

réalité historique et sociologique. De même que pour les minorités, ce concept n’est d’ailleurs pas fondé sur des caractères physiques mais plutôt sur des critères culturels et historiques364.

361 Nations Unies, Instruments internationaux relatifs aux droits de l'Homme, « Récapitulation des observations

générales ou recommandations générales adoptées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme », 11 Juin 2007, (HRI/GEN/1/Rev.8).

362 OSCE, « Document de la Réunion de Copenhague de la Conférence sur la dimension humaine de la CSCE »,

Chapitre 4, 29 Mai 1990, doc. 14304.

363 M. Bossuyt, « La définition du concept de « minorités » en droit international », Tribunal Constitucional,

Belgique, 2003.

De ce fait, la minorité ne peut que se contenter de la reconnaissance de son statut par l’État dans lequel elle se trouve. Cette reconnaissance se fait en général de manière unilatérale par décret et s’appuie sur les dispositions de la juridiction des États, en conformité avec leur constitution.

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