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2 Évolution des instruments juridiques internationaux et européens en matière de lutte contre les discriminations ethniques et

raciales

L’article 7 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 de l’Organisation des Nations Unies, considère la discrimination raciale comme un obstacle sur la voie de l’application des droits de l’homme et de la dignité humaine. En 1965 elle a adopté la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale qui est entrée en vigueur en 1969.

Dans cette convention sont énoncées les obligations des États parties de n’effectuer ni encourager aucun acte de discrimination raciale contre des personnes, groupes ou institutions et d’interdire et abolir toutes pratiques discriminatoires à motif racial opérées par des personnes, des groupes ou des institutions.

Pour veiller à l’application des décisions prises par les États parties, (à ce jour 177 États), l’Organisation des Nations Unies a mis en place le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, premier prototype d’organe créé pour examiner les mesures prises par les États pour s'acquitter de leurs obligations contractuelles. Pour permettre au Comité d’exercer le contrôle sur les États membres, la convention prévoit l’obligation pour tout État de soumettre aux comités des rapports périodiques.

Elle stipule la liberté pour tout État de porter plainte contre un autre État pour cause d’actes discriminatoires effectués sous sa juridiction. La convention permet aussi le dépôt de plaintes de personnes ou de groupes se considérant comme victimes de discrimination raciale. Le comité est apte à recevoir ce type de plainte si l’État visé a reconnu la compétence du comité en la matière465.

La Convention n° 169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux pose la non- discrimination comme principe fondamental et général de la convention.

« Les peuples indigènes et tribaux doivent jouir pleinement des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans entrave ni discrimination. Les dispositions de cette

465 Assemblée Générale des Nations unies, « Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de

discrimination raciale », Résolution 2106 (XX) 2 du 21 Décembre 1965, New York, 7 Mars 1966, Nations unies, Recueil des Traités, vol. 660, p. 195.

convention doivent être appliquées sans discrimination aux femmes et aux hommes de ces peuples »466.

Le principe de non-discrimination énoncé à l’échelle internationale fait l’objet, en droit européen, de nombreux textes adoptés à partir de 1950 et qui témoignent d’une évolution juridique continue jusqu’à nos jours.

L’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du conseil de l’Europe, entrée en vigueur en 1953 concerne uniquement les droits garantis par ladite Convention : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ». Le Protocole n° 12, quant à lui, élargit le champ de l’article 14 et interdit tout acte de discrimination lié à la « jouissance de tout droit prévu par la loi ». Ainsi, le protocole n° 12, entré en vigueur en 2005, formule, au niveau régional européen, la non-discrimination comme une interdiction générale.

« 1. La jouissance de tout droit prévu par la loi doit être assurée, sans discrimination aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

2. Nul ne peut faire l’objet d’une discrimination de la part d’une autorité publique quelle qu’elle soit, fondée notamment sur les motifs mentionnés au paragraphe 1. »467

Dans le cadre de l’union européenne, la directive 2000/43/CE a établi le cadre juridique pour lutter contre la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique. « …toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la race ou l'origine ethnique dans les domaines régis par la présente directive doit être prohibée dans la

466 OIT, « Convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux », Genève, 5 Septembre 1991.

467 Conseil de l’Europe, « Protocole n° 12 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés

Communauté. Cette interdiction de discrimination doit également s'appliquer aux ressortissants de pays tiers… »468

Selon un rapport de la Commission des communautés européennes au Conseil et au Parlement européen sur l'application de cette directive, tous les États membres ont pris les mesures nécessaires pour transposer les deux directives dans leur législation et ont établi des procédures et des organes pour leur mise en œuvre469.

§ 3. Le droit à la non-discrimination - premier facteur de confusion

du statut d’immigré avec celui de minorité

Le besoin de protection juridique des immigrés constituant des groupes rend complexe la distinction entre les besoins de protection qui fondent le droit des minorités et ceux qui fondent le droit des migrants. Cette complexité est accentuée par le fait que les groupes d’immigrés ont souvent vocation à devenir eux-mêmes des groupes minoritaires.

Ce phénomène est clairement illustré, dans le rapport, déjà cité, de l’experte indépendante sur les questions relatives aux minorités, exposé au Conseil des droits de l’homme de l’Assemblée générale des NU, en ces termes : « Dans le cadre de son mandat, l’experte indépendante sur les questions relatives aux minorités, Mme Gay McDougall a visité des communautés vivant dans les banlieues de Paris et de Marseille, qualifiées de « ghettos » urbains ou de quartiers « sensibles »… L’experte indépendante a constaté qu’en France les groupes minoritaires subissaient une discrimination marquée visant clairement les minorités « visibles » issues de

l’immigration, dont beaucoup de membres sont citoyens français. Elle a conclu que

les problèmes particuliers que rencontraient les gens dans les quartiers « sensibles » étaient une conséquence directe de la discrimination et qu’il était donc nécessaire de prendre des initiatives politiques pour remédier à la situation. La discrimination à

l’égard des minorités se manifeste dans des domaines tels que l’attribution de

logements, l’accès à l’emploi, la qualité de l’éducation et le niveau de participation

468 Conseil de l’Union européenne, Directive 2000/43/CE, « relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité

de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique », 29 Juin 2000, Journal Officiel n° L 180 du 19/07/2000 p. 0022 – 0026.

469 Commission des Communautés européennes, Rapport commun sur l'application de la directive 2000/43/CE

du 29 Juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (directive sur l’égalité entre les races) et de la directive 2000/78/CE du 27 Novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, Bruxelles, 17 Janvier 2014, COM/2014/02 final.

politique, qui est tout à fait inadéquat […] Dans ses visites aux communautés

minoritaires, l’experte indépendante a observé de très hauts niveaux de frustration »470.

On observe que dans son rapport, l’experte visitant les banlieues de Paris et de Marseille, qualifiées de « ghettos » urbains en raison de la forte concentration de population d’origine immigrante, qualifie ces populations de « minorités ». Or, le droit français ne reconnait pas le statut de minorité. De surcroit, en précisant que ces populations qui sont le plus souvent d’origine immigrante répondent à la notion de minorité, elle accentue le caractère inapproprié de ce terme dans le contexte qu’elle décrit.

Par ailleurs, ce texte semble établir une équation selon laquelle un groupe de population issu de l’immigration et victime de discrimination, relèverait ipso facto du statut de minorité. Or tout porte à croire que cela n’est pas toujours le cas.

L’étude de cette problématique constitue une partie importante de la suite de notre travail.

470Conseil des droits de l’homme, Vingt-cinquième session, « Promotion et Protection de tous les Droits de

L’homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le Droit au développement », Rapport de l’experte indépendante sur les questions relatives aux minorités, Additif Mission en France, (19-28 Septembre 2007), 3 Mars 2008, (A/HRC/7/23/Add.2).

DEUXIÈME PARTIE – La confusion des statuts des migrants et des

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