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Repères historiques : des projets d’ingénierie à la gestion d’opérations exceptionnelles, en passant par les projets de conception de

RESSOURCES Tangibles

2.1. L ES FONDEMENTS DE L ’ ORGANISATION PAR PROJETS

2.1.1. Repères historiques : des projets d’ingénierie à la gestion d’opérations exceptionnelles, en passant par les projets de conception de

produits nouveaux

Historiquement, le management de projet a été créé pour résoudre des problèmes de production unitaire (2.1.1.1). Son champ d’application s’est ensuite étendu à la conception de nouveaux produits, en particulier dans les industries de production de masse (2.1.1.2). Il est à présent utilisé dans toutes sortes d’entreprises pour gérer des opérations exceptionnelles, complexes, d’une certaine envergure et multifonctionnelles (2.1.1.3).

2.1.1.1. Les projets de production unitaire ou d’ingénierie

Le projet est une forme d’organisation productive très ancienne. En effet, « l’idée de

projet est aussi vieille que l’activité humaine » (Giard & Midler, 1997, p. 1581) : ouvrages à

82 Ex-Association Française des Ingénieurs et des Techniciens en Estimation et Planification, devenue

la gloire des dieux dans l’Egypte ancienne83, ouvrages de défense, infrastructures (routes, ponts, travaux maritimes, canaux, tunnels, etc.), grandes conquêtes et expéditions, etc. Toutefois, il faudra attendre la seconde moitié du XXème siècle84 pour voir la gestion de projet devenir un modèle de gestion à part entière85. Plus précisément, c’est aux Etats-Unis, dans les années 1950, qu’elle va se formaliser en corps de doctrine autonome, à l’occasion de réalisations spectaculaires (grands travaux d’aménagement tels que le tunnel sous la Manche, programmes militaires et spatiaux86, etc.), ainsi qu’à des réalisations plus modestes (programmes immobiliers, construction de maisons particulières, etc.). En particulier, le projet Apollo de la NASA a été considéré comme un modèle de la gestion de projet qu’il s’agira ensuite, autant que possible, d’imiter. C’est alors que dans les années 1970 et 1980, va se formaliser et s’institutionnaliser le modèle de l’ingénierie des grands projets unitaires87, désigné communément par le « modèle standard de la gestion de projet ». Ce dernier comporte une dimension organisationnelle et une dimension instrumentale :

• sur le plan organisationnel, il définit un cadre de responsabilités fondé sur le triptyque d’acteurs « maître d’ouvrage, maître d’œuvre et responsables de lots de travaux »88 : - le « maître d’ouvrage » est le propriétaire de l’ouvrage futur, le client du projet. Il a la

responsabilité de la définition des objectifs. Dans les termes de l’ingénierie, il définit ou fait établir le programme ou le cahier des charges du projet (Giard & Midler, 1997) ;

- le « maître d’œuvre » correspond au responsable du projet, car il dirige et réalise le projet. Il assume à la fois un rôle d’architecte, d’ensemblier (responsabilité des choix de conception globaux et de décomposition en lots de travaux) et un rôle de coordination de la réalisation de l’ouvrage (organisation des appels d’offres sur les

83 A titre d’illustration, lorsqu’un pharaon décidait de faire construire la pyramide sous laquelle il serait enterré

(exemple de la pyramide de Khéops), il fallait exécuter un ouvrage de spécifications techniques, en un laps de temps limité (20 ans), avec des ressources financières, matérielles (environ 2,3 millions blocs de pierre) et humaines définies (100 000 ouvriers).

84 Pour une histoire de la gestion de projet avant 1950, nous renvoyons le lecteur intéressé à l’article de Garel

(2003b).

85 Midler (1996) définit un modèle de gestion à partir de quatre critères :

• il est représentatif de l’entreprise ; • il dépasse les spécificités sectorielles ;

• l’existence d’institutions (réseaux d’industriels, chercheurs, consultants, écoles et universités, autorités publiques, etc.) permet la formulation, la diffusion et la capitalisation du modèle ;

• ce dernier se caractérise enfin par des firmes et/ou des projets exemplaires qui incarnent la mise en œuvre réussie des solutions.

86 C’est à l’occasion du programme de développement des fusées Atlas, en 1954, qu’apparaît le terme de

« project management ».

87 La production de série unitaire se définit par une mobilisation de toutes les ressources de l’entreprise pour la

réalisation d’un projet de production exécuté sur une assez longue période (Giard, 1991).

lots, choix des contractants, planification, suivi et contrôle de la réalisation des lots) (Giard & Midler, 1997) ;

- les responsables de lots assurent la réalisation des tâches élémentaires de l’ensemble ; • sur le plan instrumental, le « modèle standard de gestion de projet » s’appuie sur un

arsenal sophistiqué de méthodes et d’outils visant à la décomposition du projet, sa planification et le contrôle des coûts. Nous pouvons citer notamment les formalismes d’analyse fonctionnelle et de décomposition en tâches, les outils d’ordonnancement (diagramme de Gantt89, PERT90), ou encore le contrôle des coûts par la valeur acquise91.

Selon Garel (2003b), le rôle des institutions professionnelles est capital dans la diffusion du « modèle standard de la gestion de projet ». En particulier, le Project

Management Institute (PMI), créé aux Etats-Unis en 1969, est une association qui rassemble et organise les professionnels du management de projet, quelque soit le secteur d’activité. En effet, le PMI considère les différences sectorielles comme moins importantes que les sujets de préoccupation communs en matière de gestion de projet92. Au fil de ses congrès annuels, le PMI uniformise petit à petit les pratiques professionnelles de la gestion de projet. Cette institution est présente dans plus de 45 pays, avec un maillage très local dans chacun d’entre eux93. L’association compte aujourd’hui plus de 130 000 membres provenant de tous les secteurs d’activité. Au début des années 1980, trois initiatives sont prises par le PMI (Navarre, 1993) :

• l’élaboration d’un corps de connaissances en gestion de projet, synthétisé dans le PMBOK94 (Project Management Institute, 2004). Dans cet ouvrage, tous les aspects du management de projet y sont traités avec une approche « processus »95, laquelle permet de systématiser les meilleures pratiques dans un objectif d’amélioration permanente. Le PMI

89 Le diagramme de Gantt est utilisé depuis les années 1920 comme une technique éprouvée de planification en

gestion de production. Il est encore largement repris par les projets d’ingénierie.

90 Le PERT (Program Evaluation and Review Technic ou méthode potentiel-étapes) est une méthode visant à

programmer un processus par les files d’attente entre tâches critiques. Le PERT enrichit la méthode CPM (Critical Path Method ou méthode du chemin critique) par l’introduction d’incertitudes dans l’estimation des durées. En 1964, plus de mille ouvrages et articles sont consacrés au PERT, au point que cet outil se confond littéralement avec la gestion de projet (Morris, 1994).

91 Une présentation détaillée de ces techniques peut être trouvée dans l’ouvrage de Giard (1991).

92 Dans la même lignée, en 1982, est créé en France l’AFITEP. De son côté, L’IPMA (International Project Management Association) fédère une quinzaine d’associations européennes, dont l’AFITEP.

93 A titre d’exemple, le PMI France-Sud, implanté à Valbonne Sophia-Antipolis et créé en mai 1999 à l’initiative

de plusieurs ingénieurs des entreprises IBM, NCR, HP/Compaq, Lucent et AT&T, a pour vocation de promouvoir la gestion de projet et les standards du PMI en région Provence Alpes Côte d’Azur. L’association PMI France-Sud regroupe aujourd’hui plus de 160 chefs de projet certifiés.

94 Project Management Body of Knowledge.

95 Par « processus », le PMI (2004) entend une opération qui transforme des données d’entrée en données de

(2004) a catégorisé cinq groupes de processus de management de projet : démarrage, planification, exécution, contrôle et clôture. De même, les disciplines que le chef de projet sera amené à maîtriser sont divisées en neuf domaines de connaissances en management de projet : intégration, contenu, délais, coûts, qualité, ressources humaines, communications, risques et approvisionnements ;

• le développement de la certification projet. Le chef de projet certifié respecte un code éthique et maîtrise un corps de connaissances standardisées, via une formation et un examen qui sanctionne sa pratique professionnelle. Déjà plus de 75 000 professionnels ont obtenu la certification PMP (Project Management Professional) dans le monde ;

• l’adoption d’une charte éthique et d’un serment visant à construire une profession de chef de projet sur le modèle des professions à charte.

Ces initiatives constituent, au-delà des différents secteurs d’activité, une identité commune aux chefs de projet. Elles institutionnalisent définitivement le « modèle standard ». Toutefois, comme le souligne Garel (2003b), « le modèle standard du PMI est à la fois formalisé,

professionnalisé, diffusé, standardisé et essentiellement nord américain » (ibidem, p. 83). Surtout, l’apparition, au début des années 1980, de nouveaux enjeux, de nouvelles organisations des projets, et de nouvelles performances dans d’autres secteurs d’activité que l’ingénierie, remet en question la pertinence du « modèle standard » (Midler, 1993b). Aussi, par un retour de l’innovation et du marché, c’est dans l’industrie manufacturière que le management de projet va se transformer.

2.1.1.2. Les projets de conception de produits nouveaux

L’émergence et le développement de la notion de gestion de projet de réalisation de produits nouveaux s’opèrent à partir des années 1970, dans les industries de grande série, lorsque le nombre et la complexité des projets imposent une meilleure coordination et intégration des différentes logiques métiers. Nous voyons alors apparaître des rôles de chefs de projet, des revues formalisées et, plus généralement, l’adoption, au sein des entreprises manufacturières, de certains outils du « modèle standard ».

Toutefois, ce modèle va connaître, à la fin des années 1980, une nouvelle rupture, lorsqu’il apparaît clairement que la performance des entreprises occidentales, en matière de conception de nouveaux produits, n’est pas à la hauteur des compétiteurs japonais, en particulier dans une bataille économique qui, de plus en plus, se joue sur la variété, la qualité et le renouvellement rapide des catalogues de produits (Takeuchi & Nonaka, 1986 ; Clark &

Fujimoto, 1991). Dès lors, de nouvelles démarches de gestion de projet émergent. Elles donnent un poids plus important au chef de projet, désormais dénommé « directeur de projet », et visent à assurer une coopération plus efficace des différents contributeurs au sein du projet de développement de produit96.

Aussi, avec la tertiarisation croissante de l’économie, le management de projet répond également aux besoins d’un développement efficace de services nouveaux, notamment dans les sociétés d’ingénierie et les sociétés de service. D’ailleurs, les derniers travaux en management de projet, en utilisant la dénomination « offres innovantes » (Ben Mahmoud- Jouini, 1998 ; Lenfle, 2001), traitent indifféremment des produits et services nouveaux. 2.1.1.3. La gestion d’opérations exceptionnelles, complexes et d’une certaine envergure

Enfin, le mode projet est de plus en plus utilisé dans les entreprises, pour gérer des opérations exceptionnelles, c’est-à-dire non récurrentes, d’une certaine complexité, en particulier parce qu’elles mobilisent des acteurs de différents services, et d’une certaine envergure. Nous pouvons citer, à titre d’exemples, un déménagement d’entreprise, la construction d’une nouvelle usine, la mise en place de nouveaux équipements de production, d’une nouvelle technologie de fabrication, l’acquisition d’une entreprise à l’étranger, la mise en place d’une certification qualité (telle que l’ISO 9001 version 2000 ou encore l’ISO 14 000), le déploiement d’un système de gestion informatisé (tel que SAP), la participation importante à un salon professionnel, la réalisation d’un film, l’organisation d’une coupe du monde, etc.

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