• Aucun résultat trouvé

RESSOURCES Tangibles

2.2. L ES ENJEUX ET DIFFICULTES DES ORGANISATIONS PAR PROJETS MODERNES

3.1.2. Le projet, un lieu privilégié de développement des compétences

Depuis le début des années 1990, avec l’émergence du modèle concourant (cf. 2.1.4.2), le projet est reconnu par de nombreux auteurs comme un lieu privilégié pour le développement des compétences de l’entreprise (Meyers & Wilemon, 1989 ; Purser & al., 1992 ; Midler, 1993a ; Koeing, 1994 ; Hatchuel, 1994 ; Lorino & Tarondeau, 1998 ; Picq, 1999 ; Bourgeon & Tarondeau, 2000 ; Charue-Duboc, 2000 ; Paraponaris, 2000). Les auteurs vont même jusqu’à affirmer que la notion d’apprentissage est indissociable de celle de projet. En particulier, pour Paraponaris (2000), le principal enjeu de l’organisation par projets est de produire, de manière continue, des connaissances et des compétences.

Les explications formulées par les auteurs sont multiples. La synthèse proposée par Lorino (2001) nous semble tout à fait pertinente pour présenter l’ensemble de ces explications. Selon l’auteur, le projet offre au développement des compétences :

• une base de validation. Le projet, importante forme d’action collective pour les entreprises, révèle et confirme l’existence d’une compétence. Comme nous l’avons

souligné à plusieurs reprises dans le chapitre 1, malgré la polysémie de la notion de compétence, les auteurs s’accordent sur le caractère fortement opératoire et lié à l’action de la compétence (Le Boterf, 1994 ; Sanchez & al., 1996 ; Lorino & Tarondeau, 1998). Les compétences demandent à être mises en œuvre pour se fiabiliser et se développer. Elles se créent et se régénèrent dans l’action qui en est faite. Or, les menaces et les opportunités offertes par l’environnement actuel des entreprises ont fait émerger les projets comme formes privilégiées de l’action pour les entreprises (Lorino & Tarondeau, 1998). « Neutraliser » (verbe d’action) une menace environnementale et « exploiter » (verbe d’action) une opportunité, exigent la mise en œuvre de compétences dans des actions plus ou moins complexes, tels que les projets ;

• une base d’expérience. Le projet alimente en expériences les individus et les équipes qui le mettent en œuvre, par l’acquisition de tours de main, le retour d’expérience sur les améliorations possibles, le repérage des dysfonctionnements et des opportunités d’amélioration, l’essai d’actions correctrices, etc. ;

• une base d’expérimentation. Le projet apparaît à la fois comme le lieu potentiel d’expérimentations de pratiques nouvelles sur une échelle réduite en termes de temps, d’espace et de coût (Koeing, 1994 ; Bourgeon & Tarondeau, 2000), et le lieu idéal d’un apprentissage « en faisant » (« learning by doing »), permettant à l’organisation de tester la validité de certaines hypothèses émises (Garvin, 1993 ;Midler, 1993a) ;

• une base de mémorisation. C’est souvent dans le cadre de projets que se développent, se stabilisent et se formalisent des routines d’action (Nelson & Winter, 1982)134, constitutives d’une véritable mémoire organisationnelle.

Il est également important d’ajouter que le projet permet, par les interactions entre métiers qu’il met en jeu, de croiser des compétences différentes et de confronter les acteurs. En particulier, pour Hatchuel (1994), le projet, en ce qu’il réunit les différents spécialistes autour d’un objectif commun, est un lieu privilégié d’apprentissages croisés (c’est-à-dire des apprentissages influencés par ceux des autres partenaires) et de prescriptions réciproques entre les différents intervenants du projet. La notion de « prescription réciproque » s’applique lorsque chacun des acteurs « va indiquer à l’autre les prescriptions qu’il doit respecter pour

que leurs deux interventions soient compatibles et aboutissent à telle ou telle performance d’ensemble » (ibidem, p. 114). Ainsi, dans un cadre coopératif, chacun cherche à produire des

connaissances et compétences lui permettant d’atteindre ses propres objectifs, en respectant ceux des autres. Le problème est alors d’assurer la convergence des apprentissages. De la même manière, pour Nonaka (1994), les projets sont les principaux vecteurs de la création de nouveaux savoirs dans les entreprises parce qu’ils mettent en relation des personnes qui restaient auparavant dans leur métier. Enfin, pour Tarondeau & Wright (1995), les organisations par projets ont pour unité de base des processus « gérés en projets », c’est-à-dire « un assemblage de ressources et de compétences spécifiques à l’entreprise et susceptibles

d’apprentissage par interaction entre individus ou groupes dotés de savoirs spécialisés » (ibidem, p. 120).

C’est ainsi que de nombreux auteurs considèrent les organisations par projets, par leur ouverture sur l’extérieur et la mobilisation des énergies dans l’action, comme les mieux adaptées à des stratégies fondées sur les compétences (Bourgeon & Tarondeau, 2000 ; Hobday, 2000). Bourgeon & Tarondeau (2000) qualifient même l’organisation par projets comme une organisation apprenante135 par nature. En particulier, pour ces auteurs, les entreprises ayant opté pour une organisation transversale par projets sont caractérisées par de meilleures capacités d’apprentissage que celles ayant opté pour une organisation traditionnelle (de type fonctionnelle ou multidivisionnelle). En effet, en groupant les individus au sein de fonctions, mettant en œuvre des savoirs homogènes ou voisins, les structures fonctionnelles ont été conçues pour recevoir et développer de l’expertise dans un domaine fonctionnel. Ce sont des structures fondées sur des compétences spécialisées qui facilitent leur développement et leur accumulation. Cependant, elles sont accusées de rétention de savoirs et de fermeture sur l’environnement. Quant aux structures multidivisionnelles, qui superposent aux structures fonctionnelles un niveau découpé par activités stratégiques, elles assimilent mieux les caractéristiques de l’environnement mais partagent mal les connaissances acquises entre divisions. Elles ne sont ni communicantes, ni globalisantes. En revanche, une organisation de la firme comme ensemble de projets est de nature à lutter contre les tentations de fermeture et de rétention des organisations par domaines de compétences spécialisées, et à favoriser des relations fortes entre les composantes de la firme et entre celles-ci et l’environnement (Bourgeon & Tarondeau, 2000). L’organisation transversale par projets impose donc des

135 Senge (1991) décrit l’organisation apprenante comme un lieu où « les membres peuvent sans cesse développer leurs capacités à atteindre les résultats qu’ils recherchent, où de nouveaux modes de pensée sont mis au point, où les aspirations collectives ne sont pas freinées, où les gens apprennent en permanence comment apprendre ensemble » (ibidem, p. 18). Dans la même lignée, Garvin (1993) définit l’organisation apprenante comme une organisation capable de créer, d’acquérir et de transférer du savoir, et de modifier son comportement en fonction de ce nouveau savoir.

mises en relation et des coordinations entre compétences différentes et permet le développement des compétences dans l’action.

3.1.3. La dynamique d’apprentissage des compétences dans un projet :

Outline

Documents relatifs