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PROCESSUS D’APPRENTISSAGE

3.2.2. L’exploration et la création de connaissances en dehors des projets Dans une compétition fondée sur l’innovation intensive et répétée (Chapel, 1997 ;

3.2.2.4. Les nouvelles organisations de la R&D

A côté de la théorie C/K et des POI, de récentes recherches proposent de nouvelles organisations de la R&D, telles que le modèle RID (« I » pour innovation) (Le Masson, 2001) ou encore la structure hybride de R&D (Chanal & Mothe, 2005). Nous les considérons tour à tour.

 De la R&D à la RID

En général, le concept de R&D est considéré comme un domaine large et unique. Pourtant, les tâches ou activités réalisées au sein de chaque domaine sont fortement distinctes. Pour Tarondeau (1994), la différence entre la recherche et le développement porte sur l’impact de ces activités sur les savoirs : la recherche a pour objectif de créer de nouveaux savoirs, alors que le développement applique et combine un stock de savoirs existants. De son côté, Le Masson (2001) définit d’une part, la recherche comme « un processus contrôlé de

production de connaissances » (ibidem, p. 295), ne cherchant pas à définir des valeurs (pour le client et l’entreprise) et d’autre part, le développement comme « un processus contrôlé qui

active des compétences et des connaissances existantes afin de spécifier un système (produit, processus, organisation, …), qui doit répondre à des critères bien définis (qualité, coût, délai) et dont la valeur pour la compagnie a été clairement conceptualisée et plus ou moins évaluée » (ibidem, p. 296)160. Aussi, nous remarquons qu’à la différence des travaux de Tarondeau (1994), l’analyse de Le Masson (2001) précise que la distinction entre la recherche et le développement ne porte pas exclusivement sur la question des savoirs. En effet, la différence entre les deux s’opère également en référence à la question de la valeur. Alors que la recherche est une activité de production de connaissances déconnectée des questions de création de valeur marchande, le développement est un processus d’activation des compétences réclamant une claire définition de la valeur. Pour Le Masson (2001), le processus d’identification de la valeur, permis par le développement, relève du domaine de l’innovation.

Plus précisément, l’auteur définit une structure d’innovation comme « responsable

d’une double activité de conception : un processus de définition de la valeur et un processus d’identification de nouvelles compétences » (ibidem, p. 296). Le rôle de la structure

160 Le Masson (2001) ajoute ici que cela ne veut pas dire que toutes les connaissances et compétences qui seront

nécessaires au développement soient toutes déjà acquises au démarrage, mais toutes les connaissances qui seront utiles pourront être produites par les développeurs au cours du projet. De plus, pour l’auteur, la gestion de projet qu’il qualifie de « classique » est réduite à la phase de développement proprement dite.

d’innovation est alors de conduire simultanément ces deux processus de conception, de manière à remplir plusieurs fonctions à l’égard de la recherche et du développement : proposer au développement de nouveaux concepts de produits et de procédés à différents stades de maturité, adresser de nouvelles questions à la recherche, définir de nouvelles valeurs d’usage pour les clients, produire de nouvelles connaissances et compétences, etc. L’innovation constitue ainsi une tentative pour lier concepts, valeurs et compétences. C’est ainsi que Le Masson (2001), ainsi que Hatchuel & al. (2001), défendent l’idée que seule une structure spécifique de l’activité d’innovation permet des innovations répétées et que cette structure n’est pas celle de la R&D mais celle de la « RID » (Recherche-Innovation- Développement).

En outre, pour Hatchuel & al. (2001), ce passage de la R&D à la RID implique de renoncer à l’idée courante que l’on peut confondre management de projet et management de l’innovation : « le management classique de projet n’est pas applicable aux projets

d’innovation » (ibidem, p. 13)161. Tout d’abord, dans la mesure où l’innovation constitue une tentative pour lier concepts, valeurs et compétences, le but du processus d’innovation n’est pas unique mais multiple. Ensuite, la cible d’un processus d’innovation n’est pas un objectif bien défini, mais ce que Le Masson (2001) appelle un « champ d’innovation (CI), autrement

dit un domaine où l’on veut exercer un travail de conception innovante » (ibidem, p. 298). Les autres caractéristiques principales de la gestion d’un champ d’innovation sont présentées dans le tableau suivant (cf. tableau 3.2), dont l’objet est de montrer que l’innovation est un processus structuré, avec des principes de gestion spécifiques distincts des activités de recherche et de développement.

161 Cette conclusion corrobore les travaux de Lenfle (2001) et Lenfle & Midler (2002, 2003), pour lesquels les

projets d’exploration (plus précisément les projets d’offres innovantes) se caractérisent par des modes de gestion différents des projets de développement (cf. 3.2.2.3).

Tableau 3.2. Comparaison des principes de gestion entre la recherche, l’innovation et le développement

Recherche Innovation Développement Sujet

Des questions de recherche ouvertes ou imposées

Champs d’innovation

(CI) Spécification d’un produit ou d’un processus

Cible Maîtrise de la connaissance

Stratégies de conception (lignées, connaissances, questions de recherche, etc.) Maîtrise de la performance du projet (qualité, coût, délai, etc.)

Horizons Liés à la question posée par la recherche Contingents Le délai du projet

Ressources Compétences, laboratoires, bibliothèques, etc.

Des équipes innovantes en compétition ou en coopération

Equipe inter- fonctionnelle

Valeur économique Valeur de la question

Profits des produits aboutis et réutilisation des connaissances créées

Rentabilité du produit ou du processus

Stratégie de gestion Distribution des ressources et questions de recherche

Comités, transferts de savoir, liste des champs

d’innovation Management de projet

Principes d’organisation

Equipes

pluridisciplinaires fondées sur les compétences Equipes innovantes duales Equipes de projets, matrice, conception participative Source : Le Masson (2001, p. 299)

 La structure hybride de R&D

Dans leurs récents travaux, Chanal & Mothe (2005) traitent également de la difficulté à innover en appliquant stricto sensu les modalités du management par projet, lequel favorise la combinaison des compétences existantes (innovation d’exploitation), au détriment de l’acquisition de nouvelles compétences nécessaires à des innovations plus radicales (innovation d’exploration). Plutôt que de rechercher une solution au niveau du projet, les auteurs proposent une réponse au niveau de la structure de l’organisation. Plus précisément, elles recommandent une structure hybride de R&D permettant d’allier l’efficience de l’organisation par projets (critère de rapidité des processus) à des capacités d’innovation dynamiques par la mise en réseaux de différents types de compétences (critère de variété).

Le concept de « structure hybride » puise son origine dans l’économie des coûts de transaction et désigne des organisations mixant les éléments de contrôle par le marché et par la hiérarchie (Foss, 2003). Argyres & Silverman (2004) définissent la structure hybride de R&D comme une combinaison d’activités de R&D centralisées au niveau corporate (par exemple, un laboratoire centralisé) et d’activités de R&D décentralisées dans les divisions opérationnelles (par exemple, des départements de R&D dans chacune des divisions). Une

seconde vision plus complexe des structures hybrides, se base sur l’étude des modes de coordination et d’intégration des connaissances entre les différents acteurs de l’innovation, qu’ils soient internes ou externes à l’entreprise. Chanal & Mothe (2005) citent en particulier les travaux de Verona & Ravasi (2003) et de Foss (2003), qui proposent une description de ce que peut être une structure hybride pour la gestion de l’innovation à partir du cas OTICON. Cette entreprise danoise de conception et de fabrication de prothèses auditives réussit l’intégration de l’innovation d’exploration avec les activités courantes et garantit un haut niveau de scientificité grâce à un centre de recherche avancé et l’entretien d’un réseau de scientifiques. Quant à l’organisation ambidextre (Benner & Tushman, 2003 ; O’Reilly & Tushman, 2004), elle s’appuie également sur la séparation des activités d’exploitation et d’exploration, tout en présentant une nuance par rapport aux structures hybrides. En effet, il s’agit de séparer entièrement les activités existantes d’exploitation des activités nouvelles d’exploration, et pas seulement de scinder l’activité de R&D. De plus, dans ce modèle, l’intégration des connaissances et des compétences est assurée au niveau de la Direction Générale.

D’autre part, Danneels (2002), ainsi que Benner & Tushman (2003), suggèrent que l’innovation d’exploration suppose de développer de nouvelles compétences centrales au niveau marketing et technologique. Chanal & Mothe (2005) ajoutent alors que la combinaison entre innovation d’exploitation et innovation d’exploration passe nécessairement par l’acquisition d’un autre type de compétences centrales : les compétences relationnelles. Pour ces auteurs, la capacité de l’entreprise à combiner innovation d’exploitation et innovation d’exploration peut être considérée comme une capacité dynamique d’innovation : « nous

proposons ainsi d’appeler capacité dynamique d’innovation (CDI) la capacité de l’entreprise à améliorer sa position concurrentielle par l’innovation tant d’exploitation que d’exploration, en jouant donc à la fois sur la variété des compétences et sur la rapidité et l’efficience des processus » (Chanal & Mothe, 2005, p. 176).

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