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Management des compétences et Knowledge Management : vers une perspective intégrée

RESSOURCES Tangibles

1.2. P OUR UNE APPROCHE « RENOUVELEE » DU MANAGEMENT DES COMPETENCES : TRANSVERSALE , COGNITIVE ET DYNAMIQUE

1.2.2. Management des compétences et Knowledge Management : vers une perspective intégrée

Dans la littérature, deux branches issues de la théorie des ressources, sont largement représentées : la « Competence-Based View » (CBV) et la « Knowledge-Based View » (KBV). Pour l’approche CBV (Hamel & Prahalad, 1990, 1995 ; Sanchez & al., 1996), présentée et détaillée dans la section précédente (cf. 1.1.3.2), les compétences organisationnelles jouent un rôle critique dans le développement et la survie de l’entreprise. Pour l’approche KBV (Kogut & Zander, 1992 ; Foss, 1996a ; Grant, 1996b), ce que l’entreprise fait mieux que le marché, c’est le partage et le transfert des connaissances des individus et des groupes dans l’organisation. En fait, cette approche prône la prédominance d’un type de ressource, la connaissance65, et l’analyse en détail, mettant au second plan les autres types de ressources initialement privilégiés par la théorie des ressources. Notamment, selon Grant (1996b), les connaissances figurent au rang des ressources sur lesquelles une entreprise peut fonder son développement stratégique. C’est ainsi que la gestion des connaissances, plus connue sous le nom de Knowledge Management (KM), a rencontré un essor important ces dernières années.

65 Dans la littérature française, le terme anglo-saxon « knowledge » est traduit indifféremment par

« connaissance » ou « savoir ». De même, dans l’entreprise, la tendance est d’utiliser indifféremment les termes « connaissance » et « savoir ». En effet, la distinction entre « la connaissance » et « le savoir » est délicate. Pourtant, à la différence du savoir qui désigne plutôt des informations enregistrées de manière plus ou moins définitive et structurée, la connaissance nécessite un travail d’identification pour parvenir à restituer une information(Bruneau & Pujos, 1992). Par convention, dans notre recherche, nous emploierons indifféremment les termes « connaissance » et « savoir », dans la mesure où nous considérons la notion de savoir dans une acception large.

Le KM place la connaissance, qu’elle soit individuelle ou collective, au centre des préoccupations de l’entreprise et s’intéresse aux dispositifs de recension, de codification, de stockage, de transmission, de partage et d’apprentissage66.

Selon Durand (2000), trois approches successives et inter-reliées sont ainsi décrites dans la littérature : l’approche originelle fondée sur les ressources, l’approche fondée sur la connaissance, et enfin la théorie encore émergente dite de la compétence. Comme le soulignent Cazal & Dietrich (2003), ces approches diffèrent en fonction de la place accordée à la connaissance : ressource parmi d’autres, ressource centrale ou élément d’une compétence fondamentale. Toutefois, pour Durand (2000), la logique sous-jacente à ces trois perspectives reste fondamentalement la même : « l’entreprise mobilise des actifs et des ressources

auxquels elle a accès et les combine au service de son offre et de ses clients, en faisant appel à des connaissances et des processus organisationnels qui lui sont propres » (ibidem, p. 86). Il est alors frappant de constater que dans la production globale de recherches et d’analyses, management des compétences et management des connaissances ont creusé leur propre sillon indépendamment l’un de l’autre.

Face à cette fragmentation des champs de recherche, de nombreux auteurs (Sanchez & Heene, 1997 ; Arrègle & Quélin, 2000 ; Mira Bonnardel, 2000 ; Ermine, 2001 ; Paraponaris, 2002 ; Simoni, 2002 ; Beyou, 2003 ; Cazal & Dietrich, 2003) ont montré que ces approches sont inséparables et doivent évoluer ensemble67. En effet, la gestion des compétences organisationnelles repose en grande partie sur la valorisation des connaissances : « la

connaissance s’imbrique à la compétence dans un mouvement de recomposition permanent des savoirs de l’entreprise » (Mira Bonnardel, 2000, p. 13). De la même façon, pour Simoni (2002), le lien entre gestion des connaissances et gestion des compétences est légitime, puisque « les connaissances constituent le substrat des compétences » (ibidem, p. 9). Quant aux travaux de Cazal & Dietrich (2003), ils identifient trois principaux points de convergence entre compétences et connaissances : un recentrage sur les ressources internes de l’entreprise,

66 Nous renvoyons ici le lecteur au chapitre 3, section 3.2, pour une présentation plus complète du Knowledge Management.

67 Il est également intéressant de souligner le nombre croissant de colloques qui s’intéressent au traitement

conjoint des problématiques du management des compétences et des connaissances. Nous pouvons citer par exemple, le colloque organisé par le Groupe ESC Rouen, le 25 mars 2002, sur le thème « Gestion des

Compétences et Knowledge Management : renouveau de Création de valeur en GRH ? ». Ce colloque a abouti à la parution d’un ouvrage collectif, coordonné par Dupuich-Rabasse (2002). De même, le 22 mars 2004, un autre colloque, toujours organisé par le Groupe ESC Rouen, a eu lieu sur le thème « Management des Connaissances

des principes de définition similaires, et enfin une utilisation analogue des termes en GRH et en stratégie. Ainsi, il est largement reconnu dans la littérature actuelle, que management des compétences et management des connaissances entretiennent des liens forts.

Toutefois, une distinction doit être opérée entre les notions de connaissance et de compétence, afin de lever toute ambiguïté possible dans la manipulation ultérieure des concepts. Cette distinction se retrouve dans la chaîne de transformation des données en compétences, proposée par Mack (1995, p. 43) :

Données → Informations → Connaissances → Compétences

 Les données

La matière brute de cette chaîne est constituée par les données. Une donnée est un fait discret et objectif. Elle résulte d’une acquisition, d’une mesure effectuée par un instrument naturel ou construit par l’homme. Elle peut être qualitative ou quantitative (Prax, 2000). Une donnée seule a peu de valeur, mais elle est très facile à stocker et à manipuler (notamment grâce aux technologies de l’information et de la communication).

 L’information

Une information est une collection de données qui sont triées et organisées pour donner forme à un message (le plus souvent sous une forme visible, imagée, écrite ou orale), résultant d’un contexte donné (Prax, 2000). Cette transformation des données en information est parfaitement subjective, puisqu’elle résulte de l’intention et de l’intelligence de l’émetteur, mais également de l’individu qui la reçoit.

 La connaissance

La connaissance représente le stade suivant de transformation dans la chaîne. Elle s’acquiert par accumulation d’informations, qui s’organisent progressivement par « rubriques » dans la tête des individus, mais aussi dans l’ensemble des moyens de stockage, tels que les ouvrages, les bases de données, etc. (Mack, 1995). Aussi, si l’information et la connaissance sont toutes deux relationnelles et contextualisées, et donc souvent utilisées indistinctement, il existe pourtant des distinctions claires entre les deux. D’abord, pour de nombreux auteurs (Baumard, 1996 ; Nonaka & Takeuchi, 1997 ; Ermine, 2000), la

connaissance est avant tout une information qui prend du sens dans un certain contexte, sans lequel la connaissance n’est ni interprétable, ni signifiante. En d’autres termes, l’information ne devient connaissance que lorsqu’elle est comprise par le schéma d’interprétation du receveur qui lui donne un sens, en fonction des connaissances précédemment acquises. L’interprétation est donc le facteur clé permettant de distinguer une information d’une connaissance. Ensuite, contrairement à l’information, la connaissance n’est pas un item figé dans un stock, mais reste activable selon une finalité, une intention, un projet (Prax, 2000).

De nombreux auteurs se sont également intéressés au caractère tacite (ou implicite) et explicite de la connaissance. Cette caractérisation de la connaissance s’opère selon son degré de codifiabilité (Polanyi, 1966 ; Winter, 1987). La codifiabilité est l’habileté de l’entreprise à structurer la connaissance dans un ensemble de règles identifiables et de relations qui peuvent être facilement communiquées (Kogut & Zander, 1992). Les connaissances tacites, basées sur l’idée que « nous savons plus que ce que nous pouvons exprimer » (Polanyi, 1966, p. 4)68, sont définies comme des savoirs personnels, intuitifs, non verbalisables et non articulables, et par conséquent, non communicables par le langage (Spender, 1996). La caractéristique essentielle de la connaissance tacite est donc sa difficulté de transmission : son détenteur l’élabore dans un contexte d’action particulier dont elle n’est plus séparable (Reix, 1995). La connaissance tacite est profondément enracinée dans l’action, dans les routines (Nelson & Winter, 1982 ; Cohen & Bacdayan, 1994), dans un contexte spécifique d’utilisation (Reix, 1995). C’est pourquoi l’apprentissage des connaissances tacites est souvent réalisé par l’observation, l’imitation et l’expérience. Quant aux connaissances explicites, elles sont transmissibles par un langage formalisé (écrit ou discours) et incluent les symboles et les faits explicites (Kogut & Zander, 1992). Elles sont donc facilement communicables et transférables dans le temps et l’espace. Elles se situent dans les bases de données, les procédures, les standards et les manuels.

 La compétence

Enfin, Mack (1995) estime que la compétence est le stade le plus élaboré de la chaîne de transformation. D’une manière générale, la compétence est souvent définie comme l’application effective des connaissances à une situation donnée (résolution de problème, décision, action) (Prax, 2000). Autrement dit, elle est souvent considérée comme des connaissances en action (Muffato, 1998 ; Ermine, 2001). Dès lors, la notion pivot de

l’articulation entre connaissance et compétence est celle d’activité ou de processus d’action. En d’autres termes, disposer des connaissances n’est pas suffisant pour la réussite de l’activité. En revanche, être capable de les mettre en œuvre est indispensable.

Ainsi, la prise en compte simultanée des connaissances et de leur mise en œuvre dans l’action (les compétences) préconise de ne pas séparer management des connaissances et management des compétences, ce qui reviendrait alors à « séparer gestion des sujets pensants

et gestion des sujets agissants » (Mira Bonnardel, 2000, p. 13). Nous prônons ainsi, à l’instar de nombreux auteurs (Sanchez & Heene, 1997 ; Arrègle & Quélin, 2000 ; Mira Bonnardel, 2000 ; Ermine, 2001 ; Paraponaris, 2002 ; Simoni, 2002 ; Beyou, 2003 ; Cazal & Dietrich, 2003), le management conjoint des connaissances et des compétences.

1.2.3. L’approche dynamique du management des compétences : la

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