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2.2. L ES ENJEUX ET DIFFICULTES DES ORGANISATIONS PAR PROJETS MODERNES

2.2.2. Le management multi-projets

Dans le contexte concurrentiel actuel où l’innovation intensive et répétée joue un rôle fondamental (Chapel, 1997 ; Hatchuel & Weil, 1999)126, l’enjeu n’est plus de réussir un projet isolé, mais d’être capable de mettre sur le marché un flux régulier de nouveaux produits et services. Du management d’un projet donné, on est donc passé au management d’un ensemble de projets (Payne, 1995 ; Cusumano & Nobeoka, 1999). Selon Fernez-Walch & Triomphe (2004), ce management multi-projets (MMP) vise à « gérer de façon globale un ou

plusieurs ensembles de projets, en tenant compte des interdépendances entre les projets d’un même ensemble » (ibidem, p. 189). Dans cette perspective, deux distinctions s’imposent : • en quoi le management multi-projets diffère-t-il de la gestion d’un grand projet divisé en

sous-projets (parfois appelé programme) ? Dans le MMP, les projets existent ou pourraient exister indépendamment de l’ensemble, ce qui n’est pas le cas dans un programme ;

• en quoi le MMP se distingue-t-il du management par projets ? Selon Fernez-Walch & Triomphe (2004), le management par projets vise à créer un environnement favorable à la

125 Cette expérience de la création d’une fonction RH au sein de chaque projet a été mise en place par

RENAULT (Leclair, 1993).

126 Cette stratégie d’innovation intensive est repérée par différents auteurs et se développe aujourd’hui dans

différents secteurs. Brown & Eisenhardt (1997) caractérisent les stratégies d’enchaînement des projets, dans le secteur informatique, de « time-paced evolution ». Cova & Salle (1997) parlent de logique d’offre créatrice, à partir de l’étude de la grande industrie. Ben Mahmoud-Jouini (1998) s’intéresse, quant à elle, aux stratégies d’offres innovantes (SOI) et aux conditions de leur émergence dans le secteur du bâtiment. Chapel (1997), ainsi que Hatchuel & Weil (1999), lesquels parlent d’innovation intensive, ont mené leurs analyses dans les secteurs de l’électroménager et de l’automobile.

conduite des projets pris séparément. En d’autres termes, il ambitionne de mettre en place les conditions pour que les projets puissent être pilotés efficacement, en considérant les projets comme des unités distinctes. Or, considérer les projets indépendamment les uns des autres entraîne une dispersion des moyens et une diminution de la rentabilité de l’entreprise. Le MMP propose, quant à lui, des outils, des méthodes, des modes d’organisation pour gérer un ensemble de projets interdépendants, afin de réaliser des arbitrages permanents entre eux : réduire le nombre de projets (sélection, tri et arbitrage), mieux répartir les risques, coordonner les ressources mobilisées (matérielles, financières et humaines), et enfin exploiter les synergies entre projets.

Le MMP n’est pas nouveau127 mais pendant longtemps, il a consisté en des pratiques locales exemplaires et il est resté un sujet en marge des travaux de recherche en gestion. Dans leur réflexion, Fernez-Walch & Triomphe (2004) définissent trois types de MMP :

• le management de portefeuilles de projets (approche « portefeuille ») (2.2.2.1) ;

• le management de familles de projets partageant des composants, sous-systèmes et éléments communs (approche « plate-forme) (2.2.2.2) ;

• le management multi-projets fondé sur des trajectoires d’innovation (approche « trajectoire ») (2.2.2.3).

2.2.2.1. Le management de portefeuilles de projets

Historiquement, la problématique du management multi-projets a été abordée sous l’angle de la gestion de portefeuilles, c’est-à-dire selon une problématique d’évaluation et de sélection en cours de déroulement des projets afin de gérer au mieux l’allocation de ressources et d’organiser la priorité des avancements en fonction des impératifs de l’entreprise. Aussi, la majorité des travaux qui se sont intéressés à la mise au point d’outils de gestion de portefeuilles de projets, s’inspirent notamment des outils mis en place pour la gestion de portefeuilles en finance (Cooper & al., 1999). De fait, ces outils ont surtout porté sur les indicateurs financiers des projets (par exemple les profits attendus sous contraintes de ressources). Ainsi, seuls sont gardés les projets les plus rentables, les projets les moins intéressants financièrement étant abandonnés. La gestion de portefeuilles de projets a également été étudiée sous l’angle du portefeuille clients, ou sous l’angle du calcul des risques courus lors du lancement des projets.

127 La problématique du multi-projets existe depuis longtemps dans les secteurs caractérisés par un foisonnement

Dans sa synthèse des pratiques de management de portefeuilles de projet, Fernez- Walch (2004) propose quatre critères pour créer des portefeuilles de projets :

• la recherche d’un équilibre entre le court terme et le long terme. Pour concilier la pression du court terme, exercée par les concurrents, les actionnaires et/ou les clients, et des flux d’innovations répétées, certaines entreprises ont à la fois un portefeuille de projets de court terme, qui vise à assurer une rentabilité de court terme, et un portefeuille de projets orienté vers le long terme, qui sert à construire l’avenir de l’entreprise ;

• la création d’un portefeuille de projets débouchant sur des produits et/ou services liés au même segment de marché ou au même domaine d’activité stratégique. En procédant ainsi, l’entreprise répondra mieux à la demande existante de la clientèle, ainsi qu’au marché. Toutefois, le risque est d’écarter des projets transversaux aux différents segments ou des projets de rupture de l’offre ;

• la création de portefeuilles en fonction des stades de conception et de réalisation des produits et services nouveaux de l’entreprise. Par exemple, une entreprise pilotée par affaires peut envisager un portefeuille de réponses à appels d’offres et un portefeuille de projets orientés clients ;

• la création de portefeuilles en fonction de plates-formes, lesquelles seront présentées dans le paragraphe suivant.

2.2.2.2. Le management de familles de projets fondé sur une approche plate-forme Cette approche propose d’organiser le processus de développement des nouveaux produits d’une entreprise à partir d’éléments clés, communs aux produits développés. Ces éléments peuvent être des composants, des sous-systèmes ou des « plates-formes ». Meyer & Lehnerd (2002) définissent une plate-forme comme un ensemble de sous-systèmes et d’interfaces (interfaces entre les sous-systèmes mais aussi avec l’environnement extérieur à la plate-forme), qui forme une structure commune à partir de laquelle un flux de produits dérivés peut être efficacement développé et produit. La plate-forme peut être physique (automobile) mais aussi virtuelle (logiciels). L’ensemble des produits qui partagent une même plate-forme et qui en sont dérivés est appelé famille de produits (Meyer & Lehnerd, 2002). Chaque produit dérivé est unique car il a des attributs et fonctionnalités spécifiques, visant à répondre aux besoins d’une clientèle particulière, tout en ayant une plate-forme en commun avec les autres produits de sa famille. Selon Fernez-Walch & Triomphe (2004), l’approche « plate- forme » repose sur un équilibre, parfois fragile, entre une différenciation des produits

commercialisés pour séduire des clientèles diverses, et une standardisation de la conception des produits, permettant de réduire les coûts et les délais de développement, et donc de créer de la valeur ajoutée pour une même famille de produits.

2.2.2.3. Le management multi-projets fondé sur des trajectoires d’innovation

Dans les entreprises, le management multi-projets est également sollicité pour développer l’apprentissage entre les différents projets, contribuant ainsi à des trajectoires d’innovations successives, lesquelles introduisent des ruptures significatives dans l’identité des produits, des marchés et des technologies (Lenfle & Midler, 2003). Cette « approche trajectoire » entraîne des bouleversements profonds dans le fonctionnement des entreprises. Les travaux de recherche développés sur le sujet mettent l’accent sur la notion de « lignées d’innovation » (Le Masson & Weil, 2002), sur le pilotage de la trajectoire d’innovation (Ben Mahmoud-Jouini, 2004), sur l’éclatement des frontières entre recherche et développement (Le Masson, 2001), mais aussi et surtout sur la capitalisation et l’apprentissage entre les différents projets (Zarifian, 1993 ; Moisdon & Weil, 1997 ; Prencipe & Tell, 2001 ; Simoni, 2002 ; Kasvi & al., 2003 ; Schindler & Eppler, 2003 ; D’Armagnac, 2004)128.

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