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3.2. L E DEVELOPPEMENT HORS PROJETS DES COMPETENCES : L ’ IMPORTANCE DU MANAGEMENT DES CONNAISSANCES

3.2.1. La capitalisation et le partage inter-projets des connaissances

3.2.1.2. Les différentes mémoires disponibles dans l’organisation par projets

Pour Prax (2000), les différentes formes de mémoire s’accordent à différents usages, par différents acteurs, dans différents contextes. A partir de la littérature, nous proposons de considérer l’existence de quatre niveaux de mémoire dans une entreprise structurée par projets : l’individu, le métier, le projet et l’entreprise.

 La mémoire individuelle

La capitalisation sur les projets se fait essentiellement à travers les individus qui y participent et qui accumulent une expérience personnelle. Les individus conservent une certaine mémoire de leurs observations et expériences lors des projets. L’information conservée dans leur mémoire individuelle peut concerner des faits bruts (événements et résultats de décision) ou se traduire, plus subtilement, sous forme de croyances ou de représentations particulières (schémas de référence, cartes cognitives, etc.), utilisées dans leur processus d’interprétation (Reix, 1998). Très souvent, cette mémorisation interne est accompagnée par la constitution d’archives personnelles, de fichiers qui sont autant de mémoires auxiliaires. D’ailleurs, comme le précise Girod-Séville (1996a), le concept de mémoire individuelle désigne à la fois les connaissances stockées dans le cerveau de l’individu et les connaissances stockées de façon tangible sous forme de documents détenus par l’individu140. Les individus occupent donc une place privilégiée dans les mécanismes de mémorisation, d’échange et de transmission des connaissances entre les projets.

 La mémoire des métiers

Comme le soulignent certains auteurs (Charue-Duboc & Midler, 2001 ; Zannad, 2001 ; Messeghem & Schmitt, 2004), la multiplication du recours à l’organisation par projets a mis sous tension la relation entre les projets et les métiers. Plus précisément, selon Charue-Duboc (2000), un risque associé à la structuration par projets est celui d’un appauvrissement des compétences collectives du métier, du fait d’un éclatement des acteurs métiers entre les projets et de leur faible disponibilité pour la veille technique. En d’autres termes, la structure matricielle par projets éloigne quelque peu les acteurs métiers de leur « cœur de métier », auquel ils doivent se reporter en cas de problème ou pour proposer des innovations. Pourtant, comme nous l’avons présenté auparavant (cf. 3.1.1.1), les compétences fonctionnelles ou métiers sont indispensables au bon déroulement des projets. D’ailleurs, certains auteurs

140 Aussi, selon Girod-Séville (1996a), seule la partie de la mémoire individuelle mise au service de l’entreprise

insistent sur le rôle essentiel des métiers pour les projets. Pour Zarifian (1993), les métiers de l’entreprise sont des réservoirs de technicité, la mémoire du savoir-faire de l’entreprise, et le vecteur privilégié de la transmission de l’expérience d’un projet vers les autres projets. De plus, ils ont pour mission d’assurer l’innovation, de capitaliser et de pérenniser le savoir-faire, et de maintenir les relations avec les milieux extérieurs à l’entreprise. Dans la même lignée, selon Paraponaris (2000), les métiers constituent des lieux d’accumulation de l’expérience des projets, expérience récupérée par l’intermédiaire des acteurs y ayant contribué. Lorsque le projet est terminé, les individus retrouvent leur fonction avec un surcroît d’expérience et de compétences qu’ils devront faire partager aux autres membres de leur métier. C’est ainsi que les structures métiers (fonctions) sont les dépositaires des connaissances et compétences spécialisées de l’entreprise, que les projets vont mobiliser pour leur finalité.

Dès lors, nous pensons, à l’instar de Messeghem & Schmitt (2004), que l’opposition entre projet et métier n’a pas lieu d’être, tant sur le plan théorique que pour comprendre les phénomènes empiriques141. En particulier, selon Moisdon & Weil (1996), le management des connaissances dans les métiers ne vient pas s’opposer au management des connaissances dans les projets en développant un contre pouvoir. Au contraire, il s’agit de mieux préparer les projets afin de réduire les temps de développement, d’obtenir un meilleur produit à moindre coût et d’introduire des innovations déjà suffisamment validées pour éviter de faire peser sur les projets des risques trop importants. L’organisation par projets appelle donc le renforcement des métiers, et par conséquent la constitution d’une mémoire des métiers.

Dans la littérature, la mémoire des métiers est présentée comme nécessaire pour pallier l’éloignement des acteurs métiers entre les projets, en proposant des outils et des structures de partage de leurs compétences spécialisées. En particulier, la notion de référentiel métier, en regroupant en un unique point d’accès l’ensemble des ressources nécessaires au métier (guides, notes méthodologiques, outils, procédures, normes, etc.), est un dispositif puissant de capitalisation des connaissances d’un métier, puisque le référentiel permet de mobiliser rapidement les connaissances acquises dans les projets exécutés par les acteurs du métier.

141 Nous renvoyons ici le lecteur intéressé aux récents travaux qui cherchent à dépasser la dualité de la relation

 La mémoire de projet

Un projet est par définition limité dans le temps, et une grande partie de l’expérience acquise dans le cadre du projet disparaît avec celui-ci. Selon de nombreux auteurs (Pomian, 1996 ; Matta & al., 1999 ; Dieng-Kuntz & al., 2000 ; Karsenty, 2001 ; D’Armagnac, 2004), le développement d’un projet devrait donc impérativement s’accompagner de la constitution d’une mémoire de projet, afin de permettre la capitalisation inter-projets des connaissances, le retour d’expériences, d’éviter de reproduire certaines erreurs, etc. Matta & al. (1999) définissent une mémoire de projet comme une mémoire des connaissances et des informations acquises et produites au cours de la réalisation des projets.

Vouloir constituer une mémoire de projet relève donc d’une décision qui, idéalement, devrait être prise avant le démarrage du projet, ou peu de temps après son démarrage. Selon Pomian (1996), les principales phases de la création d’une mémoire de projet sont :

• la définition des objectifs. Elle a pour but de circonscrire l’étendue de la mémoire du projet. En d’autres termes, l’objet de cette étape est de définir ce que l’on veut effectivement préserver (le processus décisionnel, les connaissances qui émergent au cours du projet, ou les deux) et quelle sera l’exploitation future des connaissances acquises. Il est également important de définir le « grain » de la connaissance, c’est-à-dire le degré des détails qui seront retenus. Celui-ci dépend de la nature du projet et des documents qui sont produits ;

• le choix de la méthode de recueil et de formalisation des connaissances acquises lors du projet. Il s’agit ici de définir comment est organisée la constitution de la mémoire et à quel moment elle intervient (lors des réunions qui jalonnent le projet ou en fin de projet) ; • la mise en place d’outils de support (avec quels outils travaille-t-on ?).

Pomian (1996) précise également que l’essentiel de la réussite d’une constitution de mémoire de projet réside dans l’implication des acteurs concernés par le projet, et particulièrement dans le soutien apporté au projet par la direction.

Selon Ballay (1997), il existe globalement différentes sources de connaissances pour une mémoire de projet : les documents, les objets physiques (dessins, photos, maquettes, prototypes des résultats, etc.), les réunions et les discussions. Aussi, la mémoire du projet se construit au fur et à mesure du projet, et en particulier à des moments clés (revues, bilan de projet), mais elle ne s’avère complète qu’à la fin de celui-ci.

Si l’importance d’une mémoire de projet est reconnue, certaines interrogations demeurent toujours quant à son exploitation (Karsenty, 2001) : les individus vont-ils prendre le temps de se documenter sur les projets passés ? S’ils le prennent, vont-ils trouver les réponses à leurs questions ? Comment utiliseront-ils alors l’information exploitée ? Est-ce que l’exploitation d’une mémoire de projet va entraver la créativité des concepteurs, ou au contraire, la favoriser en suggérant des idées auxquelles ils n’auraient pas spontanément pensé ? Peut-on mesurer le gain apporté par une mémoire de projet, par exemple en comptabilisant les erreurs qu’elle a permis d’éviter ?

 La mémoire organisationnelle commune aux projets

Le quatrième niveau de mémoire, largement développé par la littérature, est celui de l’organisation142. Dans le cadre précis des structures projets, la mémoire organisationnelle commune aux projets correspond aux activités d’encadrement et à la gestion des projets dans son ensemble. Autrement dit, elle capitalise les connaissances sur les méthodes de gestion de projet.

Ainsi, la capitalisation inter-projets des connaissances ne se résume pas à la seule constitution de mémoire des projets. Elle est l’affaire de tous : les individus, les métiers, les équipes projets et l’organisation. En effet, les projets suscitent une activité impliquant plusieurs entités, ce qui donne lieu à une mémorisation en plusieurs points de l’organisation. La difficulté majeure est alors de prévoir des interfaces entre ces quatre niveaux de mémoire. Si pour Nonaka (1994), la communication entre les niveaux de mémoire est assurée par les individus eux-mêmes, de nombreux auteurs suggèrent d’autres dispositifs pour la mémorisation et le partage des connaissances entre les projets.

3.2.1.3. Les dispositifs organisationnels de capitalisation et de partage inter-projets des

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