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Partie I: Cadre théorique et problématique de recherche

4. Problématique de recherche

4.2 Relations de voisinage dans un contexte de logement social

La mixité sociale est un élément, souvent un objectif explicite des politiques en matière de logement et d’aide aux groupes les plus défavorisés des pays occidentaux. Dans le cas du canton de Genève, comme plus généralement en Suisse, c’est une politique de mise à disposition de logements à des prix abordables pour les ménages aux moyens financiers limités qui est réalisée. Elle ne débouche pas à large échelle sur un objectif de mixité sociale et sa mise en place dans les immeubles, mais plutôt au niveau de zones d’habitations dans lesquelles des ensembles d’immeubles sont réalisés, certains à loyer subventionné, d’autres à loyer libre ou encore habités par leurs propriétaires.

La mixité sociale est également une caractéristique de l’occupation des appartements due non seulement à la politique du logement et en particulier à la politique mise en place dans les nouvelles constructions à Genève, à leur occupation progressive, mais aussi au renouvellement des locataires de zones résidentielles. Comme nous l’avons vu dans la partie théorique, la mixité sociale ne concerne d’ailleurs pas que la diversité en termes de milieu socio-professionnel. La notion même de mixité est d’ailleurs, nous l’avons déjà souligné, difficile à définir.

Tous ces éléments contribuent à cerner et à expliquer les relations de voisinage, qu’elles soient analysées en termes de groupes, de ménages ou d’individus. La politique genevoise du logement n’est donc qu’un élément du contexte de notre étude, dont le poids est toutefois important, pour ne pas dire déterminant pour la structure des ménages et des personnes cohabitant dans un immeuble. Examiner les relations de voisinage réelles vécues dans un cadre locatif donné, comme cela est fait dans la partie empirique de ce travail de bachelor, permet donc tout à la fois de mieux connaître et comprendre les effets réels de cette politique, de distinguer peut-être plus finement le rôle qu’y jouent différentes catégories de mixité sociale et en retour d’informer les décideurs politiques et les gestionnaires de logements sociaux sur les difficultés vécues par ces locataires particuliers que sont les personnes bénéficiant d’une aide au logement, sur leurs aspirations et, pourquoi pas, sur les améliorations qui pourraient être apportées à la mise en œuvre de politiques de logement dont la légitimité de principe ne se discute pas dans un canton où la pénurie et les prix très élevés sont la règle.

Dans cette partie consacrée aux relations de voisinage, nous allons étudier successivement les questions touchant à la qualité des relations de voisinage en termes d’attentes et de réalité, le rapport entretenu au règles d’usage locatif et aux nuisances qui peuvent résulter du partage d’un même espace visuel et sonore, aux attitudes, aux valeurs et aux comportements par rapport aux voisins et aux voisines, qui peuvent aller du contrôle à l’entraide et à la solidarité, en passant par de simples civilités et une convivialité plus engageante. La partie théorique de ce travail a mis en évidence l’objectif plus lointain d’intégration sociale au sens large du terme que visent nombre de politiques de mixité sociale. L’étude empirique des relations de voisinage menée dans ce travail de bachelor prendra en compte cet aspect à travers différentes questions touchant à la participation à des activités associatives, à l’identification des liens et des réseaux sociaux des personnes enquêtées, pour essayer finalement de définir leur capital social, un des éléments importants d’une intégration pleine et entière dans la société.

4.2.1 Qualité des relations de voisinage

Le partage d’un même espace de vie et la proximité qui en résulte impliquent une attention réciproque et des devoirs. Néanmoins, chaque personne est libre de s’y plier ou non, en tout cas dans la mesure où aucune règle légale n’est transgressée. Cette proximité spatiale s’accompagne, comme on l’a vu dans la partie théorique de ce travail de bachelor, sur une distance interpersonnelle et sociale plus ou moins importante, permettant de préserver la sphère privée de chacun (De Gourcy & Rakoto-Raharimanana, 2008). Cette distance est faite à la fois de règles de contact et d’échange créant une certaine civilité dans les rapports, mais aussi de réserve personnelle, à l’égard de soi-même (conserver son quant-à-soi) qu’à l’égard d’autrui (ne pas violer la sphère privée).

De Gourcy & Rakoto-Raharimanana (2008) proposent de décrire la qualité des relations de voisinage entre civilité et convivialité. La civilité est faite de rapports bon voisinage, à différents degrés d’intensité et en fonction de différents types de rapports : simples salutations, petites services rendus, solidarité dans la défense des intérêts de voisinage. La convivialité renvoie à une implication plus forte dans les rapports, à un partage plus poussé, à l’exemple des conversations ou de la participation à des fêtes de quartier. On peut considérer que les relations de voisinage sont de qualité croissante lorsqu’on passe de la civilité à la convivialité.

Pattaroni, Thomas & Kaufmann (2009, p. 14) proposent une approche un peu plus élaborée de la qualité des relations de voisinage. Ils considèrent que la qualité sociale des rapports dépend de trois facteurs, les modes de vie, le contexte social et l’environnement construit.

Les caractéristiques des modes de vie comprennent les conceptions de ce que sont de bons rapports aux autres, au niveau interindividuel, et l’engagement dans la société, l’ancrage social, pouvant aller de l’individualisme quasi absolu au communautarisme ouvert sur les autres ou parfois fermé sur son propre groupe d’appartenance.

Les caractéristiques du contexte social portent sur la vie associative, sur la convivialité plutôt que sur la simple civilité dans les rapports de voisinage, la réputation du quartier, l’animation de sa vie propre, ainsi que sa composition sociale, comme nous l’avons vu à de multiples reprises dans la partie théorique. Cette composition sociale peut aller de l’homogénéité à la diversité, mais il existe toujours certaines formes de diversité, de composition des ménages, d’ancienneté de résidence par exemple même quand les habitants sont proches en termes socio-économique ou culturels.

Les caractéristiques de l’environnement construit concernent aussi bien l’espace public environnant, avec par exemple son accessibilité et la richesse de ses équipements commerciaux et collectifs, et les espaces intermédiaires dont il a été question un peu plus haut.

Ces trois auteurs distinguent également les qualités sensibles et les qualités fonctionnelles (Pattaroni, Thomas & Kaufmann, 2009, p. 14).

Dans le cadre de l’enquête de terrain de ce travail de bachelor, nous essaierons de définir des échelles permettant de situer les répondants par rapport à ces différents aspects de la qualité des relations de voisinage, échelles reposant sur des items décrivant un certain nombre d’aspects des attentes, des valeurs et des comportements en termes de relations de voisinage. Sur certains points, en particulier en matière d’environnement construit, des observations directes permettent de compléter l’information. Il sera intéressant de voir dans quelle mesure la qualité des relations de voisinage dépend des caractéristiques des personnes enquêtées, et dans quelle mesure elle influence à son tour les comportements vécus par les uns et les autres. Il s’agit en somme de voir dans quelle mesure la qualité potentielle est actualisée par différents groupes d’habitants.

Dans l’étude qui a servi de base à l’élaboration de ces caractéristiques, Pattaroni, Thomas & Kaufmann (2009, p. 24) ont constaté que 88% des répondants considèrent qu’il est au moins important (58% très important) d’entretenir des relations conviviales avec ses voisins. Une des raisons évoquées est que cette convivialité constitue une des bases d’un rapport de confiance, fondamental par exemple pour l’entraide à propos des enfants. Comme nous l’avons vu dans la partie théorique, l’importance des enfants dans l’établissement et la qualité de relations de voisinage est également mise en évidence par Rose & Iankova (2005). C’est d’ailleurs surtout vrai lorsque les valeurs sur l’éducation des enfants sont relativement similaires, favorisant le tissage de liens encore relativement superficiels (Dowling, 1998, Holloway, 1998, cités dans Rose & Iankova, 2005, p. 147). Dans le cadre de l’étude d’un quartier multi-ethnique de Montréal, ces liens peuvent aller jusqu’à la constitution de véritables réseaux de gardiennage, qui ne traversent pas les frontières ethniques (Rose & Iankova, 2005, p. 147). C’est un aspect qu’il s’agira de vérifier à propos de quelques dimensions de la diversité sociale qui existent dans le champ d’étude empirique de ce travail de bachelor.

La qualité des relations de voisinage a sans doute un effet sur leur fréquence. Il est ainsi probable que les contacts de simple civilité, comme les « bonjour » aux voisins que l’on croise, sont plus fréquents que les invitations réciproques à prendre un café. Cette hypothèse se base sur les résultats de la recherche portant sur les relations des habitants des logements d’utilité publique de la Tambourine (Battaglini, Christe, Chuard & Wicht, 2009, pp. 53-54). La même recherche, étayée par d’autres éléments théoriques ou empiriques déjà cités dans le cadre de ce travail de bachelor, indique également que les couples ou personnes sans enfants ont moins de

contacts avec leurs voisins que les familles avec enfants (Battaglini, Christe, Chuard & Wicht, 2009, p. 16).

Selon De Gourcy & Rakoto-Raharimanana (2008), la durée d’habitation, autrement dit l’ancienneté de présence dans un immeuble, influence positivement la connaissance des normes implicites (les habitudes) ou explicites (les règlements) de l’usage locatif, la qualité des relations et la participation aux activités collectives. Ce constat se vérifie sans doute dans la plupart des cas et est aussi mis à l’épreuve des faits dans notre recherche de terrain. Cette influence de l’ancienneté sur l’établissement de relations de voisinage approfondies (services rendus, entraide, invitations etc.) est aussi mises en évidence dans une étude sur les relations de voisinage dans les Tours de Carouge (Wicht, Chuard & Seiler, 2006, pp. 19-20). Il semble aussi que l’ancienneté permette de générer un sentiment d’appartenance, qui peut parfois mener à des clivages entre anciens et nouveaux habitants, ces derniers étant éventuellement en décalage par rapport aux règles (implicites ou non) que les anciens ont établies petit à petit, ce qui peut mener à des phénomènes ou des sentiments d’exclusion. Ce constat se trouve dans l’étude sur les Tours de Carouge (Wicht, Chuard & Seiler, 2006, pp. 11) ainsi que dans celle de Elias & Scotson (1997) qui thématisent la question des groupes d’habitants établis et des outsiders.

4.2.2 Règles d’usage, règlements et nuisances

Dans toute situation de voisinage existent des usages et des règlements dont l’objectif est de discipliner les actions des habitants, comme l’accès aux installations communes, à régler leurs rapports et à limiter les sources de nuisance, comme l’invitation à baisser le son des radios et télévisions dès dix heures le soir. En réglant ces actions, les autorités et les responsables d’immeubles (en premier lieu les régies) visent évidemment à limiter les désagréments ressentis par certains habitants et à éviter ainsi les sources de conflits. Mais elles peuvent à leur tour devenir source de conflits lorsqu’elles sont invoquées ou interprétées de façon différente par des voisins de sensibilité différente ; c’est un point traité dans la suite de ce chapitre.

Wicht, Chuard & Seiler (2006, pp. 13-15) ont dressé dans leur enquête sur les Tours de Carouge déjà citée, un inventaire des valeurs concernant le vivre-ensemble qui, si elles sont acceptées et respectées, facilitent la cohabitation et préviennent les conflits. Cette liste permet d’illustrer les domaines concernés par des usages locatifs informels ou formels :

- respect de l’autre, discrétion, politesse, tranquillité ;

- règles reprises du règlement sur les usages locatifs en vigueur à Genève ;

- respect du bien commun (ascenseurs, buanderies et leurs machines) dont chaque habitant devrait se considérer un peu propriétaire, laisser propre les espaces communs (allées, montées d’escalier), ne pas dégrader les locaux, les plantations et le matériel ;

- respecter la tranquillité des voisins (prévenir si on organise une fête, pas de bruit après 22 heures, qu’il s’agisse de douche, de bain ou de lessive) ;

- plus généralement, éviter les excès de bruits ou les odeurs dérangeantes (pas de barbecue sur les balcons, par exemple) ;

- application des règles élémentaires du savoir-vivre et de la civilité (saluer les personnes, par exemple).

Comme l’écrivent De Gourcy & Rakoto-Raharimanana (2008), le règlement est en somme le garant d’un certain nombre d’obligations, utilisable comme une ressource explicitant ce qu’il est légitime de faire, mais bien sûr source de contraintes, limitant ou interdisant certaines actions. La connaissance du règlement constitue une forme d’engagement à une cohabitation maîtrisée : chacun apprécie, voire éprouve, « (…) sa marge de manœuvre au regard de ce qu’il est possible de faire ou de ne pas faire. » (De Gourcy & Rakoto-Raharimanana, 2008). L’appréciation varie « (…) selon les habitants, leur durée de résidence et la taille des familles. » (De Gourcy & Rakoto-Raharimanana, 2008). Cette connaissance et les différences d’appréciation, notamment

sur ce qu’il faut faire comme habitant lorsque des voisins transgressent les règles, constituent une dimension importante de la problématique de recherche. Wimmer (2003) souligne bien les enjeux de cette dimension lorsqu’il écrit que « la notion du ‘maintien de l’ordre’ ne comprend pas seulement les vertus de type ‘petit-bourgeois’ telles que la propreté, la ponctualité et la tranquillité, mais aussi des relations sociales stables dans l’environnement visible du quartier. » (Wimmer, 2003, p. 204). Le rapport à ces normes débouche selon lui sur une « dichotomie normative : ordre vs désordre, contrôle/contrôlable vs incontrôlé/incontrôlable ; convenable vs indécent; invisible/discret vs visible/excentrique ; établi vs outsider ; adapté vs inadapté. » (Wimmer, 2003, p. 207).

En fonction d’un certain nombre de nuisances évoquées dans l’enquête de terrain, nous devrions parvenir à identifier, le cas échéant, l’existence d’un ordre établi dans les immeubles concernés, que ce soit par rapport au respect des usages ou que ce soit par rapport aux interventions à faire lorsque certains voisins ne les respectent pas. En nous inspirant de Pinçon (1981), il devrait être possible de voir si certaines des différenciations suivantes se vérifient : normes des groupes établis de longue date vs les groupes arrivés plus récemment, ou encore qui considère certains comportements comme hors norme selon l’origine nationale, la durée de résidence en Suisse ou à Genève, les vagues migratoires en Suisse (ancienneté de l’arrivée en Suisse de différents groupes de nationalités). Dans leur recherche sur les Tours de Carouge, Wicht, Chuard & Seiler (2006, p. 15) ont constaté une forte adhésion à des valeurs et règles communes, qu’ils attribuent à une relative homogénéité sociale des habitants (couche populaire en transition vers un statut de couche moyenne, couches moyennes, proximité culturelle). Dans ces conditions, il est plus facile de trouver un consensus de vie commune dans lequel chacun peut se retrouver. De son côté, Wimmer (2003) souligne l’enjeu que représente pour les anciens habitants le respect des usages : « (…) ‘maintenir l’ordre’ dans son propre environnement géographique et social représente pour le groupe de résidents de longue date un capital dont la valeur protège contre l’extérieur et qui doit être garanti à l’intérieur. » (Wimmer, 2003, p. 205). Il s’agit toutefois, dans l’interprétation des résultats, de ne pas oublier le constat rapporté à plusieurs reprises dans la partie théorique et que rappelle bien Wimmer : « (…) divers groupes ont été considérés comme particulièrement ‘problématiques’. Il semble que ce n’est pas la citoyenneté (Suisses contre étrangers) qui détermine les appréciations, mais plutôt la distance perçue par rapport au paradigme de l’ordre établi. » (Wimmer, 2003, p. 205).

4.2.3 Les relations de voisinage entre contrôle et entraide

Comme nous l’avons vu dans les pages qui précèdent et dans la partie théorique, les relations de voisinage portent sur différents aspects de la cohabitation, tels que l’utilisation des espaces intermédiaires ou les nuisances, et elles concernent différents niveaux d’implication personnelle ou réciproque. C’est ce dernier point, déjà esquissé au début de cette partie du rapport, qui constitue une dimension aussi importante de la problématique de recherche. Comme le titre le suggère, ces niveaux d’implication vont de l’intervention unilatérale en vue de remédier à une situation ressentie comme gênante (contrôle, intervention) à une collaboration plus ou moins réciproque dans l’accomplissement de certaines tâches (entraide, solidarité). Ces types de relations renvoient en somme à la façon d’affronter tensions et conflits éventuels (en ne faisant rien, en parlant avec le voisin concerné, en recourant à la régie, au concierge ou à la police), aux salutations (formules de politesse), aux conversations informelles (sur le temps qu’il fait) et aux conversations plus personnelles, aux visites et invitations les uns chez les autres, aux échanges de petits services (arrosage des plantes pendant les vacances, dépannage d’aliments divers, etc.) et à certaines marques de solidarité (assister ou soutenir une personne malade, garder un enfant, etc.). La question de la solidarité est notamment évoquée dans l’étude sur les Tours de Carouge (Wicht, Chuard & Seiler, 2006, pp. 20, 38, 39 et 61).

En prenant tout d’abord les deux extrêmes de ces relations, un objectif de collecte des données et d’analyse des résultats est de situer les personnes enquêtées par rapport à deux axes, le premier portant sur les valeurs et comportements en matière de contrôle, le second sur les valeurs et comportements en matière de solidarité. Il devrait être ainsi possible de situer les enquêtés, ou plus exactement différentes groupes d’enquêtés, dans un univers oscillant entre ces deux pôles.

Nous avons vu dans la partie théorique certains thèmes qui sont source de contrôle et d’intervention, voire de conflits dans les relations entre voisins. Il y a bien sûr les questions de nuisances, sonores ou autres. Rose & Iankova (2005) ont de leur côté identifié dans leur recherche portant sur un quartier multi-ethnique de Montréal des effets analogues qui concernent la supervision des enfants dans les espaces intermédiaires ou publics. Par exemple, certaine mères « (…) veulent transposer à Montréal le modèle traditionnel Haïtien de ‘surveillance par la cour intérieure’, où tous les voisins sont responsables de la surveillance des jeunes enfants laissés dehors. Mais d’autres insistent sur l’importance de la responsabilisation individuelle des parents à l’égard de la supervision de leurs enfants. » (Rose & Iankova, 2005, p. 147). Ces deux auteures soulignent par ailleurs que ces deux modes différents de surveillance des enfants ne se recoupent pas forcément avec l’appartenance ethnique.

Autre niveau des relations de voisinage, la question des civilités et de la convivialité a déjà été abordée dans la partie de ce chapitre consacrée à la qualité des relations de voisinage. De Gourcy & Rakoto-Raharimanana (2008) constituent ici les auteurs de référence. Dans la notion de civilité, ils mettent un mélange de courtoisie et de respect formel. La civilité « (…) appelle réserve et discrétion, conditions nécessaires pour que se manifeste l’’invisibilité’ de celui qui habite si loin et si proche à la fois. Ce régime de (non) prise en compte de l’autre apparait comme le substitut fonctionnel de l’anonymat qui caractérise les normes de coexistence dans l’espace public. » (De Gourcy & Rakoto-Raharimanana, 2008). Rappelons que la convivialité fait un pas en direction d’une plus forte implication dans les relations de voisinage, par exemple sous forme de conversations à caractère plus personnel. Comme nous l’avons déjà vu, cet aspect est important (88%) ou très important (58%) pour la grande majorité des personnes interrogées dans l’enquête de Pattaroni, Thomas & Kaufmann (2009, p. 24). Ils relient notamment cette convivialité à la genèse d’une confiance entre voisins, confiance indispensable à une plus forte implication dans des actions d’entraide et de solidarité.

Dans l’étude sur les Tours de Carouge, l’échange de petits services au quotidien et les marques de solidarité sont distingués (Wicht, Chuard & Seiler, 2006, p. 20). Dans ce travail de bachelor, le terme d’entraide sera utilisé pour l’échange de petits services comme la surveillance réciproque de l’appartement durant les absences ou la fourniture d’ingrédients de cuisine qui font défaut pour réaliser une recette. Mais ces petits services peuvent demander dans certains cas une implication assez forte, lorsqu’il faut leur consacrer plus de temps ou lorsqu’ils tendent à se