• Aucun résultat trouvé

2. Mise en application des lois et règlements en valeurs mobilières

2.2 Aspects perfectibles de la régulation actuelle

2.2.1 Division des pouvoirs

2.2.2.1 Relations transfrontalières

Les causes à portée extraterritoriale se butent à de nombreux obstacles comme la fuite des contrevenants vers d’autres juridictions ou l’infiltration de réseaux criminels cherchant à « exploiter les barrières entre les pays et les institutions »408 par des stratagèmes transnationaux, ce qui contribue à leur grande envergure et à leur complexité. De plus, les relations transfrontalières sont minées par le manque de moyens pour faire face à un refus de

406 C.c.Q., titre X.

407 N. LE PAN, préc., note 266, p. 19 et 20. 408 CANADA, préc., note 148, p. 15.

coopérer par un pays étranger. Cela cause une asymétrie entre la réalité multi juridictionnelle des infractions et les limites territoriales de la surveillance des activités par les régulateurs provinciaux ainsi que de leurs pouvoirs de sanction.

Nous rejetons alors le paradigme de l’encadrement national dont le fédéral aimerait tant se doter puisque nous faisons face à la nécessité d’un encadrement intégré et global favorisant les besoins transnationaux des marchés locaux et de leurs participants. À l’appui de cette affirmation, Macey propose que « [l]e marché mondial est complémentaire au marché local, parce qu’il permet d’avoir accès à des sources étrangères de capital. Inversement, l’importance des marchés nationaux n’est pas établie et rien ne justifie la réglementation à ce niveau plutôt qu’au niveau local »409. Même le fédéral met de l’avant que les marchés des capitaux ne sont plus nationaux, mais internationaux410.

Afin de démontrer ce paradigme international auquel participent les régulateurs provinciaux pour l’application de la loi, un aspect extraprovincial leur a été reconnu comme accessoire à leur compétence sur le commerce des valeurs mobilières411. Ainsi, « [l]e pouvoir provincial en matière de valeurs mobilières s’étend aux incidences de leur commerce sur les intermédiaires du marché et sur les investisseurs situés à l’extérieur d’une province donnée […] dans les cas où les marchés des capitaux de la province concernée sont en cause »412. Les régulateurs provinciaux ont ainsi le pouvoir de participer à des enquêtes hors de leur territoire pour répondre à la mondialisation des marchés413. De plus, ils peuvent prendre des mesures d’application de la loi contre les contrevenants situés hors des limites de leur territoire si leurs activités extraterritoriales ont des conséquences sur les investisseurs locaux414 et il en est de même dans le cas d’une personne inscrite dans une province qui contrevient à la loi dans une autre, car l’objectif des régulateurs provinciaux est de s’assurer de l’honnêteté et de l’intégrité

409 Québec (Procureure générale) c. Canada (Procureure générale), préc., note 3, par. 99 ; J. MACEY, préc.,

note 94, p. 1661-1666.

410 Renvoi relatif à la Loi sur les valeurs mobilières, préc., note 3, par. 9.

411 Québec (Procureure générale) c. Canada (Procureure générale), préc., note 3, par. 437. 412 Renvoi relatif à la Loi sur les valeurs mobilières, préc., note 3, par. 45.

413 Québec (Procureure générale) c. Canada (Procureure générale), préc., note 3, par. 438.

414 Regina c. McKenzie Securities Ltd. et al., [1966] 4 C.C.C. 29 ; Global Securities Corp. c. Colombie-

de leurs inscrits pour la protection des investisseurs où qu’ils soient415.

Pour régir les aspects transfrontaliers liés à leur champ de compétences, les régulateurs ont conclu des protocoles d’accord multilatéraux, dont celui de l’OICV pour le partage d’information signé par plus de 27 régulateurs en valeurs mobilières à travers le monde416. Un autre exemple est l’entente de collaboration de l’OCRCVM avec la Finra, son homologue américain, et la SEC dans le cadre de leurs enquêtes, ayant donné lieu à 1922 demandes d’information en un an, ce qui démontre l’importance des activités transfrontalières417. Également, l’Autorité, la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique et la CVMO ont signé un protocole d’assistance mutuelle avec la SEC pour la supervision des intermédiaires qui exercent leurs activités sur ces territoires afin de permettre le partage d’information pouvant tenir lieu de preuve pour les mesures d’application de la loi418. Mais qu’arrive-t-il si un autre régulateur provincial, non inclus à un accord transfrontalier, mène également une enquête sur une même personne? Son dossier sera certainement connu des autres régulateurs provinciaux par le biais du Comité des ACVM, mais une obligation de partager les informations entre ACVM n’assure pas le partage avec les homologues étrangers, ce qui pourrait nuire à l’efficacité de leurs protocoles.

Finalement, les relations transfrontalières avec les régulateurs étrangers pour le partage d’information sont essentielles pour l’efficacité de l’application des lois étant donné l’habilité des contrevenants à se déplacer et à transférer l’argent outremer, à exécuter des transactions

415 Gregory & Co. v. Quebec (Securities Commission), [1961] S.C.R. 584.

416 OICV, « Multilateral Memorandum of Understanding Concerning Consultation and Cooperation and the

Exchange of Information », (2002) 25 O.S.C.B. 7157 ; Sara J. ERSKINE et Janice L. WRIGHT, « Cross-Border Securities Litigation: Two Heads are Better than One », The Canadian Institute’s 6Annual Advanced Forum on Securities Litigation, novembre 2006, p. 3, en ligne:

<http://www.investorvoice.ca/Research/Wright_Cross_Border_Nov06.pdf> (consulté le 21 octobre 2014).

417 Douglas HARRIS, « Lessons Learned for Preventing Financial Misconduct », dans Raymonde CRÊTE (dir.),

La confiance au coeur de l’industrie des services financiers, Cowansville, Éditions Y. Blais, 2009, p. 317, à la page 318.

418 AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS, Memorandum of Understanding Concerning Consultation,

Cooperation and the Exchange of Information Related to the Supervision of Cross-Border Regulated Entities, 10 juin 2010, en ligne: <http://www.lautorite.qc.ca/files/pdf/salle-de-presse/nouvelles/2010/mou-sec-an.pdf> (consulté le 21 octobre 2014).

dans plusieurs juridictions à la fois et à communiquer avec des complices à l’étranger419. Un encadrement confiné au territoire, provincial ou national, ne tient pas compte de la réalité des marchés intégrés nécessitant un encadrement global. Les efforts de coopération doivent donc être réalisés par les régulateurs provinciaux afin de protéger leurs marchés locaux des effets extraterritoriaux. Or, bien qu’il existe une coopération continuelle avec les régulateurs étrangers, celle-ci est plutôt informelle, sauf pour quelques ententes transfrontalières. Les défis de la globalisation s’imposent donc à tout régulateur, mais un défi supplémentaire des régulateurs provinciaux est de consolider l’information qu’ils détiennent pour faciliter le partage d’information avec leurs homologues étrangers en fournissant une réponse cohérente et complète leur évitant une partie de pêche auprès de chacun.