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2. Mise en application des lois et règlements en valeurs mobilières

2.1 Modèle actuel de régulation des marchés de valeurs mobilières canadiens

2.1.2 Recours en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières

2.1.2.3 Droit disciplinaire

Le droit disciplinaire réfère à l’encadrement de la profession par des normes déontologiques, ce qui comprend des fonctions de réglementation, d’enquête et de sanction343. Afin d’assurer les responsabilités d’encadrement des inscrits, l’Autorité peut déléguer de ses pouvoirs à des OAR en les reconnaissant344 tout en les encadrant dans leurs fonctions345 par la surveillance de leurs activités346. La reconnaissance des OAR est fondée sur l’évaluation de leurs ressources financières, du mode d’admission des membres, de l’accès aux services et des mesures disciplinaires347. Cependant, le pouvoir de rendre une décision en matière d’intérêt public demeure toujours disponible à l’Autorité qui peut alors intervenir dans les affaires des OAR348. Suite à la reconnaissance d’un OAR, l’Autorité peut rendre des décisions relativement à ses règles de régie interne, règlements, règles, politiques et procédures349 ainsi que les inspecter et réviser les décisions rendues350.

343 Raymonde CRÊTE, Cinthia DUCLOS et Guillaume TALBOT-LACHANCE, « L’évolution de la

réglementation du marché public des valeurs mobilières et de l’industrie des services de placement », dans Raymonde CRÊTE (dir.), La confiance dans les services de placement, Cowansville, Éditions Y. Blais, 2010, p. 9, à la page 41.

344 L.V.M., art. 170 ; AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS, Énoncé de gouvernance de l’Autorité des

marchés financiers, Québec, avril 2010, p. 4, en ligne : <http://www.lautorite.qc.ca/files/pdf/a-propos- autorite/codes-ethiquegouvernance/enonce-gouvern.pdf> (consulté le 10 février 2015).

345 Luc LAROCHELLE, François-Judes PÉPIN et Ralph L. SIMMONDS, « Bill 85, Quebec’s New Securities

Act », (1983) 29 R. D. de McGill 88, 132.

346 L.A.M.F., art. 59-61 ; L.V.M. 169 et 170. 347 L.A.M.F., art. 68.

348 Margot PRIEST, « The Privatization of Regulation: Five Models of Self-Regulation », (1997-1998) 29 Ottawa

L. Rev. 233, 261.

349 J. GROIA et P. HARDIE, préc., note 266, p. 13 et 14.

2.1.2.3.1 Organismes d’autoréglementation canadiens

La Bourse de Montréal351 (ci-après « Bourse ») et l’OCRCVM352 font partie des OAR reconnus par l’Autorité.Ce dernier, qui a pour membres les courtiers en valeurs mobilières, leurs représentants et certains marchés, comme les bourses et les systèmes de négociation353, les surveille sur tous les marchés canadiens puisqu’il est aussi reconnu par les autres régulateurs provinciaux. Puis, le Fonds canadien de protection des épargnants sert d’assurance pour les courtiers de l’OCRCVM, car il a pour mission d’indemniser les investisseurs en cas de faillite d’un membre354. La Bourse de Toronto, le TSX venture et Ice Futures font aussi partie des OAR reconnus ou dispensés de reconnaissance par des régulateurs provinciaux pour exercer un contrôle sur les participants. Ils font leurs propres règles, mais la plupart délèguent à l’OCRCVM la surveillance du respect des règles de négociation qui s’appliquent à leur marché respectif, dont l’administration des exigences en matière d’information occasionnelle applicables aux titres cotés. Puis, la CSF a été créée statutairement355, mais elle demeure soumise à l’inspection de l’Autorité qui la supervise356. Pour sa part, l’ACCFM, qui est le pendant de la CSF pour les représentants en épargne collective des autres provinces canadiennes357, réglemente en surplus les gestionnaires de fonds d’investissement au Canada, sauf au Québec où ils sont sous la juridiction de l’Autorité.

351 AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS, Reconnaissance de Corporation d’Acquisition Groupe Maple,

de Groupe TMX Inc. et de Bourse de Montréal Inc., à titre de bourse, et de Bourse de Montréal Inc. à titre d'organisme d'autoréglementation, Décision n° 2012-PDG-0075, (2012), 9 B.A.M.F., 18, en ligne :

<http://www.lautorite.qc.ca/files/pdf/bourses-oar-chambres/decision_2012-pdg-0075.pdf> (consulté le 6 février 2015).

352 AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS, Reconnaissance de l’Organisme canadien de réglementation

du commerce des valeurs mobilières à titre d’organisme d’autoréglementation, Décision N° 2008-PDG-0126, en ligne : <http://www.lautorite.qc.ca/files/pdf/bourses-oar-chambres/3div-decis-reconn-ocrcvm-t-oar-2008pdg- 0126.pdf> (consulté le 6 février 2015).

353 OCRCVM, Qui nous sommes, en ligne : <http://www.ocrcvm.ca/about/Pages/default.aspx> (consulté le 20

octobre 2014).

354 AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS, Protocole d’entente relatif à la surveillance du Fonds canadien

de protection des épargnants, (2008) 5 B.A.M.F. 39, en ligne : http://www.lautorite.qc.ca/files/pdf/bourses-oar- chambres/4aii-prot-ent-fcpe-acvm.pdf (consulté le 6 février 2015).

355 L.D.P.S.F., art. 284 et 312.

356 AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS, Plan de supervision, (2013) 10 B.A.M.F. 27, en ligne :

<http://www.lautorite.qc.ca/files/pdf/bourses-oar-chambres/3ci-pl-supervi-csf.pdf> (consulté le 6 février 2014).

En guise de définition de l’autoréglementation, celle-ci consiste en l’« action pour une profession organisée de contrôler elle-même la qualité des prestations de ses membres en vue de protéger l’intérêt du public, grâce aux pouvoirs réglementaires et disciplinaires qui lui sont délégués »358. Pour atteindre les objectifs de protection du public et de prévention des manquements professionnels359, les OAR établissent leur propre corpus de règles, prévoyant les standards de pratique de l’industrie et la conduite des affaires, qu’ils inspectent auprès de leurs membres et font sanctionner par le comité de discipline constitué suite à leurs enquêtes360. Les enquêtes peuvent également être déclenchées par des dénonciations de la part des investisseurs plutôt que par des inspections professionnelles. Certains OAR offrent alors l’accès à des systèmes de règlement de différends pour les investisseurs ayant déposé des plaintes contre leurs membres qui peuvent autrement recourir aux services de l’ombudsman ou à ceux de médiation de l’Autorité361. Les sanctions disciplinaires disponibles sont : l’obligation de suivre des cours de formation, une radiation temporaire ou permanente, des amendes et des conditions imposées à la pratique362. Par ailleurs, vu leur expertise technique, les OAR solutionnent rapidement les enjeux relatifs aux innovations de l’industrie tout en assurant la conformité de leurs participants pour gagner la confiance du public et ainsi augmenter les transactions363.

2.1.2.3.2 Innovations

Du côté des innovations, l’OCRCVM a développé un système de surveillance informatique, ComSet, qui permet la réception de toutes les plaintes que les membres ont obtenues de leurs clients ainsi que la divulgation des enquêtes internes entreprises et des procédures judiciaires

358 R. CRÊTE, C. DUCLOS et G. TALBOT-LACHANCE, préc., note 343, à la page 40. 359 C. MABIT, préc., note 251, à la page 428.

360 L.A.M.F., art. 70.

361 C. DUCLOS, R. CRÊTE et A.LÉTOURNEAU, préc., note 248, à la page 164 ; CENTRE CANADIEN

D’ARBITRAGE COMMERCIAL, Arbitrage spécialisé pour les litiges impliquant les clients de membres de l'OCRCVM, en ligne : <http://www.ccac-adr.org/fr/arbitrage-specialise-consommateurs.php> (consulté le 5 février 2015) ; OCRCVM, L’OCRCVM annonce des changements au programme d’arbitrage, 14 janvier 2011, p. 2, en ligne : <http://www.ocrcvm.ca/Documents/2011/d088f7a4-f6d8-4fbf-abb7-bf61656b13c8_fr.pdf> (consulté le 5 février 2015) .

362 C. MABIT, préc., note 251, à la page 441.

363 Julie BIRON, « Le double mandat des organismes d'autoréglementation et la protection des investisseurs: le

contre les courtiers et leurs employés inscrits364. Cependant, ce système informatisé ne gère que la portion des plaintes acheminées par les membres et non pas celles provenant des autres OAR et régulateurs provinciaux, du public ou du service d’inspections de l’OCRCVM. Comme plusieurs milliers de plaintes sont reçues annuellement, cela nécessite beaucoup de travail pour trier celles qui sont de la juridiction de l’OCRCVM, celles pour lesquelles une enquête doit être ouverte, celles devant être référées à autre régulateur et celles pour une action immédiate du contentieux365. Ainsi, des délais sont inhérents au traitement des plaintes en plus d’occasionner des coûts en ressources. Un modèle amélioré pourrait être un système informatique centralisé suffisamment sophistiqué pour classer les plaintes selon leur catégorie, leur juridiction et la priorité en obtenant un formulaire électronique du client fournissant l’information pertinente pour la classer automatiquement, mais nous en discuterons plus tard.

Puis, l’Intermarket Surveillance Group (ci-après « ISG ») regroupe des OAR de plusieurs pays, dont la Bourse et l’OCRCVM, afin de coordonner et de développer des programmes et procédures pour l’identification d’activités frauduleuses et manipulatrices potentielles entre les marchés366. Les membres assurent donc le partage d’information et de documents pour aider leurs homologues dans leurs enquêtes et mesures disciplinaires. Pour ce faire, l’ISG rend disponible à ses membres une base de données pour y déposer l’information pertinente en plus d’offrir une surveillance technologique globale afin de détecter les délits d’initiés réalisés sur plusieurs marchés367. Prenant exemple sur l’ISG, une telle coopération informatique internationale par la mise en commun de l’information, permettant le croisement des données afin de déceler des stratégies frauduleuses, serait une amélioration potentielle pour les régulateurs provinciaux dans le but de découvrir les schèmes extraterritoriaux.

2.1.2.3.3 Enjeux

364 C. MABIT, préc., note 251, à la page 445. 365 Id., aux pages 428 et 431.

366 ISG, Home, en ligne : <https://www.isgportal.org/isgPortal/public/home.htm> (consulté le 19 octobre 2014). 367 Howard CHITIMIRA, « The Regulation of Insider Trading in Canada: A Historical Comparative

Perspective», (2014) 5 Mediterranean Journal of Social Sciences 4, p. 151, en ligne:

L’un des enjeux du droit disciplinaire au Québec est le dédoublement des procédures de mise en application envers les représentants de courtier en épargne collective ou en plans et bourses d’études, car en plus des audiences disciplinaires devant le comité de discipline de la CSF dont ils sont membres, ces derniers peuvent également être contraints de paraitre devant le BDR pour la radiation de leur inscription, l’ajout de conditions à celle-ci ou leur suspension368.En effet, comme l’Autorité est entendue devant le BDR, ayant des pouvoirs supérieurs à ceux d’un comité de discipline, des recours devant chacune de ces instances peuvent être nécessaires puisqu’ils ne résulteront pas en les mêmes sanctions. Or, il découlerait également de ces « dédoublements de justice disciplinaire […] la duplication d'actions sur le plan des enquêtes et des mesures d'application »369. En guise de solution, un protocole de collaboration formel serait possible en ce qui concerne les enquêtes et les recours entrepris par les deux régulateurs envers un même représentant370.

Un autre enjeu s’avère que les OAR sont limités dans l’exécution des sanctions octroyées, car ils ne peuvent réclamer le paiement des amendes en l'absence de compétence matérielle du tribunal judiciaire d'homologuer la décision disciplinaire371. Ainsi, la CSF doit faire homologuer ses décisions disciplinaires, qui n’ont pas la force d’un jugement, par une cour de justice afin qu’elles deviennent exécutoires pour permettre la perception des amendes impayées372. Toutefois, ce n’est pas le cas pour l’OCRCVM qui ne peut contraindre les contrevenants à payer les amendes octroyées que par le durcissement de la sanction telle une demande de suspension ou la perte de l’inscription en tant que membre373.

Comme l’ACCFM, reconnue par les ACVM374, encadre les activités en épargne collective

368 L.D.P.S.F., art. 115 ; CSF, Environnement réglementaire, en ligne : <http://www.chambresf.com/fr/la-

chambre/lois-et-reglements/environnement-reglementaire/> (consulté le 6 février 2015).

369 Marie-Claude FRENETTE, « Le dédoublement de justice disciplinaire refait surface », Finance et

investissement, 1 juin 2014, en ligne : <http://www.finance-investissement.com/nouvelles/industrie/le- dedoublement-de-justice-disciplinaire-refait-surface/a/56243> (consulté le 20 octobre 2014).

370 Id.

371 Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) c. Beaudoin, 2011

QCCA 2247 (CanLII).

372 L.D.P.S.F., art. 376; Code des professions, RLRQ, c. C-26, art. 156 al. 7. 373 C. MABIT, préc., note 251, à la page 440.

dans le reste du Canada, nous devons aussi penser à la collaboration avec ce régulateur. Or, l’ACCFM et la CSF utilisent les mêmes programmes et processus d’inspection de la conformité des ventes et de la conduite des affaires des courtiers en épargne collective375, ce qui assure une certaine harmonisation entre eux. Cependant, au niveau de leur coordination pour l’élaboration de politiques réglementaires, la CSF aimerait entretenir des relations renforcées avec l’ACCFM plutôt que d’avoir l’Autorité comme intermédiaire376.

Pour terminer, le droit disciplinaire est favorable puisqu’il permet à l’industrie, ayant une meilleure compréhension des notions techniques, de s’autoréglementer, ce qui incite les participants à se conformer aux règles qu’ils ont eux-mêmes élaborées377. Néanmoins, le besoin de coordination entre les OAR ainsi que la conscientisation du public quant à leur rôle demeurent des aspects importants pour plus d’efficacité.