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2. Mise en application des lois et règlements en valeurs mobilières

2.1 Modèle actuel de régulation des marchés de valeurs mobilières canadiens

2.1.2 Recours en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières

2.1.2.4 Droit civil et recours collectifs

Alors que les recours publics de la L.V.M. servent à la prévention et à la dissuasion des comportements reprochables pour assurer la protection de l’intérêt public378 et favoriser la conformité réglementaire379, les recours privés visent la compensation des investisseurs lésés par des dommages-intérêts matériels, moraux et parfois exemplaires. Les recours pécuniaires se retrouvent devant les tribunaux civils lorsque les autres modes de règlement des litiges disponibles aux investisseurs, tels que la médiation offerte par l’AMF, l’arbitrage de l’OCRCVM et les services de l’ombudsman380, ont failli. Un lien réel et substantiel avec le forum où l’action est intentée est requis, ce qui signifie que tout investisseur canadien bénéficie d’un lien suffisamment important avec sa province pour y intenter un litige, même si les titres de l’émetteur sont transigés sur une bourse étrangère381.

375Id. 376 Id., p. 31.

377 Douglas C. MICHAEL, « Federal agency use of audited self-regulation as a regulatory technique », (1995) 47

Admin. L. Rev. 171, 181.

378 Re Cartaway Resources Corp, 2002 CSC 26. 379 S. ROUSSEAU, préc., note 7, p. 167. 380 OCRCVM, préc., note 361, p. 2. 381 S. ROUSSEAU, préc., note 260, p. 28.

Les recours civils prévus au Titre VIII de la L.V.M. visent des situations diversifiées comme : les opérations effectuées sans prospectus, la transmission d’informations fausses ou trompeuses, l’usage d’informations privilégiées, les offres publiques irrégulières et le défaut de respecter l’obligation d’information. Les sanctions civiles disponibles, prévues à l’article 213.1 L.V.M., sont l’octroi de dommages-intérêts, la nullité du contrat, la révision du prix et le partage de la responsabilité. Or, les recours en responsabilité sur le marché secondaire nécessitent l’autorisation du tribunal et la notification à l’Autorité382, ce qui ajoute un degré de complexité. Toutefois, les ACVM ayant participé au travail d’élaboration des articles établissant ce régime de responsabilité civile sur le marché secondaire, les recours en droit civil et en Common law sont harmonisés au Canada pour les causes relatives à des informations fausses et trompeuses de même que celles où il y a eu défaut de communiquer un changement important383. Aux recours civils prévus par la L.V.M. s’ajoutent les recours en vertu du droit commun, soit les fautes contractuelles, professionnelles et la responsabilité extracontractuelle fondée sur les principes de bonne foi, de diligence et de loyauté384.

Toutefois, ces actions s’offrent principalement aux investisseurs nantis puisqu’il peut être difficile de poursuivre une société publique. Il y a donc un enjeu au niveau de l’opportunité réelle pour les investisseurs d’intenter des poursuites devant les tribunaux civils, puisqu’ils le font pour retrouver de l’argent, ce qui signifie qu’ils n’en ont pas nécessairement au moment de poursuivre dépendamment des pertes qu’ils ont subies et qu’ils réclament par le recours.

C’est ainsi que le régime de recours collectifs harmonisé au Canada385 présente un intérêt particulier pour partager les coûts du procès entre les investisseurs, quoique seuls les frais judiciaires soient remboursés en cas de victoire, ce qui exclut les frais d’avocats. En plus d’être couteux, le processus de recours collectifs est long puisqu’il nécessite d’abord une autorisation de poursuivre du tribunal qui étudie alors plusieurs critères en plus de vérifier si le

382 L.V.M., art. 225.4 et 225.5.

383 S. ROUSSEAU, préc., note 260, p. 38.

384 Raymonde CRÊTE et Cinthia DUCLOS, « Les sanctions civiles en cas de manquements professionnels dans

les services de placement », dans Raymonde CRÊTE (dir.), La confiance dans les services de placement, Cowansville, Éditions Y. Blais, 2010, p. 365, 374, 575-615.

demandeur possède des preuves à l’appui de sa demande pour éviter les recours opportunistes386. Néanmoins, cela n’a pas empêché le dépôt de 111 recours collectifs entre 1997 et 2013 au Canada ainsi que 47 règlements complets durant cette même période pour un montant médian de 12,7 millions de dollars387. Il demeurait toutefois 54 recours collectifs en cours en 2013, dont la grande majorité portait sur le régime de responsabilité sur le marché secondaire388.

Or, il nous semble que les limites de l’accès à la justice pour les investisseurs en terme de coûts et de durée avant d’obtenir un jugement ainsi que la multiplication des procédures engendrée par la complémentarité des recours publics et privés militent pour un plus grand rôle des régulateurs provinciaux dans la collecte de dommages-intérêts pour les petits investisseurs ou la redistribution des sommes obtenues par les règlements hors cour389.

Finalement, comme nous l’avons vu, la compétence pour la mise en application des lois et règlements en valeurs mobilières est divisée entre plusieurs champs de droit occupés par des autorités différentes ayant chacune leurs lois, un tribunal distinct ainsi que des priorités, procédures et sanctions propres à leur juridiction. Cette situation complexe amène son lot de défis pour l’efficacité de la mise en application par les régulateurs provinciaux, entraînant des coûts, des délais et la nécessité d’organiser des moyens d’action ainsi que des réponses coordonnées. De plus, nous avons constaté que la territorialité des régulateurs fait face au défi de la globalisation des marchés, accentuée par la technologie, rendant nécessaire d’empêcher les actions des contrevenants sur une échelle internationale tout en évitant la multiplicité des procédures de manière inefficace. Considérant ces enjeux, nous allons maintenant nous pencher sur des aspects du modèle actuel de régulation pouvant être améliorés.

386 C.p.c., art. 1002 et 1003.

387 Bradley A. HEYS, Mark L. BERENBLUT et Jacob DWHYTI, Trends in Canadian Securities Class Actions :

2013 Update, NERA Economic Consulting, 2014, en ligne :

<http://www.nera.com/content/dam/nera/publications/archive2/PUB_Recent_Trends_Canada_2013_0214.pdf> (consulté le 6 février 2015) ; S. ROUSSEAU, préc., note 260, p. 39 et 40.

388 Id.