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Le couple dans les factums d’avocat : quel rôle pour l’épouse ?

CHAPITRE 2 : LE COUPLE UNI FACE A LA JUSTICE LA JUSTICE

A. Relations sexuelles hors mariage

Les relations sexuelles hors mariage ne sont pas légitimées et surtout traitées en rapport avec la transgression. Ce thème est très fréquent dans les mémoires judiciaires étudiés. Sur 147 factums dépouillés, 45 évoquent la sexualité hors mariage. Cette question est donc présente dans 31% des mémoires analysés dans le détail. Or 32 factums évoquent l’adultère, soit 22%, alors que seuls 12 évoquent la prostitution, soit 8%. La question des relations sexuelles hors mariage est donc à lier avec la question des relations conjugales. La frontière doit être nette entre la maîtresse et la femme légitime. Cette exigence est présente dès le Moyen Âge. Claude Gauvard insiste sur le renversement de l’ordre et de la paix qu’implique la suprématie de la maîtresse sur l’épouse28

.

De telles relations sont souvent évoquées à mots couverts, sous la forme de suggestions, de rumeurs, de possibilités. Le but est bien la disqualification, parfois au détriment de la vérité. Nous retrouvons cette stratégie dans un factum genevois de 1782 :

28 « Les archives judiciaires font état de femmes entretenues qui mènent des relations suivies en marge du couple conjugal. Elles sont d’ailleurs soigneusement distinguées et opposées à la femme légitime. Leur mode d’existence est perçu comme un danger. La société toute entière semble minée quand vacille l’ordre établi par le

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« Vers la fin de février, lorsque je croyois cet enfant parfaitement inconnu, je reçus une lettre anonyme de Geneve, de quelques lignes, où l’on se contentoit de me dire qu’on m’écrivoit cette lettre pour m’apprendre que ma femme avoit fait un enfant étant fille dans son pays, qu’on le tenoit d’une personne qui s’en donnoit pour témoin oculaire. »29.

Le sieur Rilliet souhaite se séparer de son épouse et cherche à fournir des « preuves » de l’inconduite de cette dernière. Les accusations sont toutefois souvent bien moins nettes. Des attitudes, des activités dont la moralité est jugée douteuse, suffisent à justifier la diffusion de chansons et de rumeurs. Une femme qui se divertit en faisant du théâtre peut être ainsi dénoncée :

« D’ailleurs une femme qui se livre publiquement à des familiarités de ce genre, & qui de plus se prête à des déclarations d’amour, à des propos libres, à des équivoques, ne renonce-t-elle pas à sa réputation. Ne la sacrifie-t-elle pas ? Le public est-il obligé de la croire bien chaste, quand elle lui étale tous les déhors de l’incontinence ? »30.

L’évocation des relations sexuelles a souvent pour but de délégitimer un adversaire. Certains avocats n’hésitent pas à fournir des portraits caricaturaux où le libertinage, le vol, le crime et la boisson sont associés :

« Il existoit à Malange une de ces femmes perdues, qui se nommoit Marguerite Methadier, dite la Carriere ; elle avoit été autrefois domestique du sieur Martin : renvoyée de chez lui, elle s’étoit livrée à la débauche la plus effrénée ; quatre enfans, deux garçons & deux filles, étoient le fruit de son libertinage. Un de ses parens avoit été condamné aux galeres perpétuels, & un de ses bâtards étoit allé l’y joindre, tandis qu’un soldat, qui vivoit avec une de ses bâtardes, subissoit le supplice de la corde, en la laissant enceinte, & obligée de fuir, pour éviter la même condamnation. Les vices se recherchent et

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Correspondance ou défense fondamentale de spectable Théodore Rilliet contre l'ordonnance du conseil de Genève qui, sous le nom de sentence, le dégrade de son état de citoyen, etc., etc., etc., pour avoir témérairement et calomnieusement imputé à dame Ursule de Planta, sa femme, de lui avoir avoué qu'elle avait eu un enfant avant son mariage, et qu'elle l'avait eu de son frère ; rendue sur une plainte en diffamation de ce même frère, le baron de Planta..., (S. l.), janv. 1782, p. 20.

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Gattrez, Réponse pour Me Fort, curé de Clefmont, Me Durand, greffier du bailliage du même lieu, Me Ormancey, procureur fiscal de Clinchamp, le sieur Foissey, bourgeois de Clefmont, le sieur Dupont et consorts, appelants, au mémoire du sieur Picard, fermier à Meuvy, et de Marie-Jeanne Ducastel, sa femme, intimés, Paris, imp. de Millet, (1786), p. 44.

Sur la dénonciation des femmes et du théâtre et son lien avec l’argumentaire des factums, voir MAZA Sarah,

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s’associent, & la Carriere avoit enfin épousé le nommé Nicolas, dit Bourguignon, qui avoit été condamné prévôtalement, pour avoir demandé l’aumône sur les grands chemins de la même manière à peu près qu’on y assassine ; & comme si elle eût voulu ajouter à son infamie, elle avoit levé dans le village un cabaret où elle attiroit les jeunes gens des deux sexes, & recéloit les vols qu’elle les excitoit à faire à leurs parens. »31.

Mais l’argument des relations sexuelles hors mariage peut aussi être employé pour discréditer un adversaire, sans pour autant fournir un portrait aussi noir. Ainsi, dans un factum rédigé en 1786, la femme Picard est-elle dénoncée :

« Reste l’imputation relative à la chasteté de la femme Picard. […] Dirons-nous que, mariée en premières noces à Joseph Billette, sur la paroisse de Doulaincourt, le trente juillet 1776, elle accoucha à Meuvy le treize février 1777 d’une fille qui a vécu ; que le public calcula dans le tems l’intervalle du mariage aux couches, & le trouva seulement de six mois treize jours ? »32.

Même lorsque les relations sexuelles hors mariage débouchent sur une union officielle, elles peuvent être stigmatisées, en particulier dans un procès où il s’agit de disqualifier ses ennemis en fournissant des preuves de leur mauvaise moralité.

Lorsqu’il convient de légitimer la relation hors mariage, pour s’assurer du statut d’un bâtard ou préserver l’honneur d’une femme, l’avocat insiste sur les fiançailles qui doivent se rapprocher le plus possible de l’image de l’union officielle, même quand elles sont privées et cachées. Moreau de Vormes présente ainsi les débuts de la liaison entre Jacques Demanse et la demoiselle Plauchut :

« il se lia civilement avec elle par une promesse de mariage datée du 29 Septembre 1732. Dès ce moment il se livre au feu qui le consume ; il trouve moyen de s’introduire la nuit dans la chambre de sa maîtresse, il lui renouvelle sa promesse de l’épouser incessamment, il triomphe de sa foiblesse ; la dame Francez fut le fruit de leur amour. »33.

31 Du Tillet de Loinville, Mémoire pour le sieur Jean-Etienne Roi… op. cit., p. 16. 32 Gattrez, Réponse pour Me Fort… op. cit., p. 28.

33

Moreau de Vormes, Mémoire pour le sieur Francez et dame Marguerite Demanse, sa femme, fille légitimée de

feu sieur Jacques Demanse, seigneur de la Tour de Fargues, Montel et autres lieux, contre les demoiselles Anne et Marie-Anne-Roch Demanse, P.-G. Simon, 1772, p. 5.

125 Dans ces cas-là, la légitimité, les sentiments, sont mis en avant davantage que la transgression afin de fournir une image positive du couple.

De telles relations clandestines peuvent néanmoins durer dans le temps, la différence de milieu social empêchant sa légitimation. On peut citer l’exemple du sieur Boucher, connu par un factum rédigé au moment où éclatent des conflits relatifs à sa succession. Après son mariage, sa femme de 17 ans est morte rapidement. Il s’est attaché à la domestique de son épouse, âgée de 17 ans elle aussi. Il l’a installée dans un couvent où il peut lui rendre visite. Il la considère comme une concubine, l’éduque, paie pour ses couches, lui loue une maison et subvient à l’éducation des enfants bâtards34

. Leur identité est dissimulée par de faux noms35. Une fois la fille aînée adulte, il fait en sorte de lui faire épouser un petit neveu dont il s’assure de la fortune. Dans ce dernier cas, la relation illégitime s’apparente presque à du concubinage, qui représente une autre forme de couple illégitime plus stable, dont la figuration dans les

factums se rapproche davantage de l’évocation du couple classique que de la dénonciation de l’adultère et du libertinage.

B. Concubinage

Il convient de distinguer le concubinage en tant que tel, du phénomène des femmes entretenues relatif aux prostituées ou maîtresses de nobles. Ces dernières peuvent apparaître dans les factums, au moment de leur mort, lors d’un héritage litigieux. Un mémoire rédigé en 1773 évoque ainsi la mort de la maîtresse du comte de Morangiès :

« Il vivoit avec une jeune personne, nommée la demoiselle Jolliot, qu’il avoit logée rue neuve […] Cette fille, à qui les devanciers du Comte avoient procuré quelqu’aisance, meurt d’une maladie de langueur qui la minoit insensiblement. […] Le sieur Jorseins, beau-père de la jeune personne dont il avoit épousé la mere, s’oppose à la spoliation de la succession. […] Le Comte ne lâche pas sa proie, il réclame

34 Des Granges, Mémoire sur la succession du sieur (Etienne-Paul) Boucher. Pour dame Marie-Catherine-Geneviève Boucher, veuve de René-François Grimaudet,... commissaire du régiment des gardes françaises, soeur du sieur Boucher, Charles Guiller d'Héricourt,... dame Marie-Madeleine Guiller, épouse de Barthélemi Le Couteulx,... dame Marie-Thérèse Guiller, veuve de Pierre-Christophe Tessier,... contre M. Charles-Paul-Jean-Baptiste Bourgevin Vialart de Saint-Morys,... dame Eléonore-Elisabeth-Angélique, dite Beauterne ou Jonville, sa femme, et Charles-Etienne Bourgevin Vialart de Saint-Morys, leur fils mineur..., imp. de veuve Hérissant, 1779, p. 19 à 22.

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constamment toute la succession, & entr’autres deux bracelets, dont l’un étoit au chiffre même du sieur de Morangiés, & une montre d’or garnie de diamans, ce qui réduisoit, à ce qu’il prétend en oubliant l’argenterie, l’inventaire aux seuls linge, hardes & effets à l’usage de la défunte. […] En conséquence, il force les parens de cette fille de reconnoître que le tout devoit lui être remis, que le tout lui appartenoit, suivant que la défunte l’avoit dit elle-même à son Confesseur. »36.

Mais le concubinage concerne aussi les milieux populaires urbains. Il apparaît dans les

factums lorsqu’il s’agit de reprocher un témoin. Dans un mémoire daté de 1779, une femme admet avoir vécu avec l’homme en faveur duquel elle intervient. Il s’agit de « la femme le Carbonnier, avec laquelle ce même accusateur a vécu pendant sept années, & dont il a eu cinq enfans. A la confrontation, cette femme en est convenue : elle a déclaré qu’en effet elle avoit manqué de se marier avec Vesse. »37. Il est intéressant de voir apparaître ces concubins non parce que le concubinage en lui-même dérange mais parce que la mise en avant de cet état permet de disqualifier un adversaire dans le cadre d’un conflit qui n’est pas lié à cette situation. Ces observations confirment les travaux d’historiens qui insistent sur la multiplication des couples informels à la fin du XVIIIe siècle comme une alternative à un établissement officiel38.

Des couples de concubins semblent vivre comme des couples normaux jusqu’à ce qu’ils soient mêlés à un conflit. L’accusation de concubinage sert alors à dévaloriser un ennemi. Benoît Garnot souligne cependant que la dénonciation relative au concubinage ne suffit pas à disqualifier un adversaire et qu’elle doit être associée à un reproche beaucoup plus grave39. Dans un factum rédigé en 1776, le sieur de Toustain remet ainsi en cause la légitimité de la dame de Garanne à agir au nom de son « époux » qui lui donnait procuration pour signer des actes alors qu’ils n’étaient pas mariés40. Face au règlement d’une dette, ou pour valider la

36 Drou, Requête présentée au roi et à nosseigneurs de son conseil par Geneviève-Françoise Gaillard, femme séparée de biens du sieur Nicolas Romain,... fille et héritière légitimaire de Marie-Anne Regnault, veuve du sieur Marie-François Veron,... et François Liégard Dujonquay,... petit-fils de ladite dame Veron,... en cassation d'un arrêt du parlement de Paris rendu le 3 septembre 1773 contre ladite dame Romain et ledit sieur Dujonquay, en faveur du sieur comte de Morangiés et autres, imp. de P.-G. Simon, 1774, p. 10-11.

37 Maillard, Truchon, Mémoire pour le nommé Vialle, compagnon maçon et la femme Vignon, accusés, contre le

nommé Vesse dit le Blond, accusateur, chez Moutard, 1779. 38

Voir BURGUIÈRE André, KLAPISCH-ZUBER Christiane, SEGALEN Martine, ZONABEND Françoise (dir.), Histoire de la famille, t. 3 Le choc des modernités, Paris, Armand Colin, 1986, p. 172-173.

39 GARNOT Benoît, On n’est point pendu pour être amoureux… La liberté amoureuse au XVIIIe siècle, Paris,

Belin, 2008, p. 97.

40 Martineau, Mémoire pour Perrine-Catherine de Toustain, femme de Nicolas de Milly, major de la ville de Stenay, légataire universelle et exécutrice testamentaire de François-Emmanuel de Toustain de la Tufferie,

127 signature d’un contrat fait au nom du couple, on peut souligner le problème amené par l’absence de mariage qui ne permet pas au couple d’agir légalement en tant que tel même si sa légitimité est reconnue par le voisinage. Si la norme du couple marié est bien entendu valorisée et la seule acceptée par les autorités, les discours des factums montrent que la tolérance est grande face aux couples illégitimes qui peuvent même être représentés en justice et agir pratiquement comme un couple officiel. Il ne fait aucun doute que de nombreuses relations stables existent partout en dehors du mariage. Certaines voient leur statut réel ignoré et passent pour légitimes41. Ainsi dans un factum daté de 1786, on souligne la situation irrégulière de Thérèse Philippe qui était ignorée des voisins :

« Mais en 1781, une fille, nommée Thérèse Philippe, & surnommée la Bertine, qui occupoit une chambre dans leur maison, & y passoit pour mariée avec un ouvrier, se voyant dans l’impossibilité de pourvoir à la subsistance de plusieurs enfants qu’elle avoit, résolut d’en mettre un aux Enfants-Trouvés, & pria les sieur & dame Vinchon de se le faire adjuger. Ceux-ci y consentirent, par affection pour la mère & l’enfant. »42.

Ce qui est important, c’est la notoriété publique du couple. Il convient avant tout que l’entourage le perçoive comme légitime. Un factum cite ainsi un arrêt du 7 juin 1776 rendu en faveur de la veuve d’André Dolesni, Procureur en la Cour :

« Serve, qui rapporte les motifs de cet Arrêt, dit « que ce qui faisoit le plus pour la vérité du mariage étoit la possession dans laquelle l’un & l’autre avoient été pendant si long-temps, de la qualité de mari & femme, au vu & sçu de tout le monde, & sur-tout la bonne réputation dudit Dolesni, Procureur, qui avoit toujours passé au Palais pour un homme d’honneur, de mérite & de vertu, & duquel par

ancien officier d'infanterie, son frère, contre Jean-Pierre Petoureau, bourgeois de Paris, P.-G. Simon, 1776, p. 2 et 5.

41 Voir GARNOT Benoît, On n’est point pendu pour être amoureux… op. cit…., p. 98 : « c’est le cas à Dijon

encore pour Claude Bailly et Jeanne Lantissier, contraints au mariage le 18 mai 1773 par la communauté de la paroisse Saint-Pierre, à en croire le curé. Ils vivaient depuis seize années en concubinage, pendant lesquelles le couple a eu quatre enfants, et « ils passaient pour tous pour un couple marié ». Mais pourquoi ce scandale ? Sans doute pas à cause du concubinage mais bien plus probablement à cause de sa dissimulation ; et il faudrait pouvoir être certain que le scandale a été aussi grand que le curé le prétend… ».

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Cairol, Mémoire pour le sieur Claude Vinchon, marchand, demeurant à St-Dizier... et la dame Barbe Richard,

sa femme, accusés et appellants, contre M. le procureur général, sur la dénonciation faite le 6 mai 1786, par le sieur Huttin, maire de ladite ville, A Paris : chez Knapen et fils, 1788, p. 3.

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conséquent on ne pouvoit pas présumer qu’il éut vécu pendant trente-sept ou trente-huit ans dans le concubinage, & voulu mourir dans cet état. »43.

La bonne réputation, la reconnaissance par le voisinage, la stabilité du couple, l’habitation commune pendant un temps long, la nécessité de permettre l’héritage des enfants peut entraîner une reconnaissance de la légitimité d’un couple par la justice même lorsque le mariage ne peut pas être prouvé. La dame Bourgelat est ainsi reconnue comme femme légitime, ce qui permet à ses enfants de lui succéder :

« Le testament de la mère, qui avoit pris la qualité de la dame Bourgelat, avoit été reconnu & exécuté ; elle avoit été enterrée comme femme légitime du sieur Bourgelat. Tous les monumens publics attestoient que le père & la mere avoient vécu publiquement comme mari & femme. »44.

C’est bien la renommée et la reconnaissance par les voisins qui « fait » le couple. Cette impossibilité de mariage dans des milieux sociaux aisés peut être parfois liée à la présence de couples de protestants qui doivent s’unir dans la clandestinité. Cette difficulté à présenter un visage officiel pour une partie de la population qui revendique une reconnaissance plus grande en cette fin de XVIIIe siècle explique peut-être en partie la relative acceptation des couples stables non mariés. C’est seulement l’Edit de Tolérance de 1787 qui reconnait les mariages protestants comme légitimes45. Cette difficulté d’enregistrement des unions protestantes peut être évoquée dans des factums dans lesquels les adversaires cherchent à prouver des généalogies pour revendiquer un héritage. On souligne alors qu’il manque des documents prouvant les mariages à cause de la difficulté de la tenue des registres pour la religion prétendument réformée46.

43 Belot, Plaidoyer pour... Claude Menager, valet-de-chambre de M. le duc d'Orléans, et la dame Thomeret, son épouse, femme-de-chambre de madame la duchesse de Chartres, intimés... contre Charlotte-Françoise, se disant fille Ménager..., chez P.-G. Simon, 1776, p. 17.

44Ibid., p. 18.

45 Voir BERNARD Gildas, Les Familles Protestantes en France. XVIe siècle – 1792, Paris, Archives Nationales, 1987, p. 19 : « Si au début du XVIIIe siècle les réformés admirent à la rigueur le baptême fait par un prêtre catholique (le baptême était le même) ils pouvaient difficilement admettre le mariage devant l’église catholique, car celui-ci était obligatoirement accompagné de la confession et de la communion. La plupart du temps ils passaient contrat devant notaire en promettant de « solenniser face à l’Eglise chrétienne » et ne faisaient pas appel au prêtre. L’Eglise catholique les considérait comme concubinaires. ».

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C’est le cas dans le factum suivant : Gueret, Mémoire signifié pour M. André Caire... de Chichilianne, président-trésorier de France au bureau des Finances de Dauphiné, François Pinchinat, conseiller-secrétaire du roi en la chancellerie près le parlement de la même province, et consorts, seuls héritiers du sieur Louis

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C. Bigamie

Cette relative tolérance face aux couples informels n’entraîne pas l’acceptation de la bigamie. Elle n’est pas pour autant impossible. Le remariage à une certaine distance du lieu de la première union permet d’assurer un certain anonymat et une certaine impunité. Les affaires de bigamie sont rarement portées devant la justice au XVIIIe siècle47. Le départ du mari peut conduire une femme à se considérer comme veuve. Le cas célèbre d’usurpation d’identité de Martin Guerre, étudié par Natalie Zemon Davis au XVIe siècle montre bien les débats autour de la question du statut de l’épouse délaissée par son conjoint. La clémence montrée envers Bertrande de Rols témoigne de la complaisance des juges48. Guy du Rousseaud de La Combe estime que l’on ne peut être considéré comme bigame si on se remarie après quelques années