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La constitution d’une base de données a minima

CHAPITRE INTRODUCTIF : Présentation des sources et de la méthode

C. Les difficultés d’un traitement statistique

2. La constitution d’une base de données a minima

Les 147 factums dépouillés soigneusement ont servi à alimenter une base de données qui permet de repérer les factums utiles pour traiter différents thèmes. Ces thèmes ont été définis lors de l’élaboration de la fiche de dépouillement127

. Les factums ont ensuite été classés dans chaque catégorie selon qu’ils permettent ou pas de réfléchir à la thématique définie. Cette base de données minimaliste a ensuite servi à constituer des fichiers récapitulatifs qui reprennent les points intéressants de chaque factum en fonction des thématiques définies. C’est à partir de ces fichiers et en les croisant qu’une réflexion approfondie sur les apports de la source pour faire l’histoire des femmes et de la famille a été menée et que le plan de la thèse a pu être élaboré.

Le recours à des fichiers de citations permet de pallier les limites de la base de données destinée à se repérer facilement dans la masse d’information délivrée. Ils permettent de dépasser les limites de ce premier travail de classement. Ainsi la base de données identifie les factums utiles pour réfléchir à la représentation du couple. Cependant elle n’indique pas combien de couples peuvent être cités dans chaque factum. Le décompte n’est en effet pas toujours aisé. Dans le cas où une généalogie est rappelée, faut-il compter tous les couples représentant les ancêtres ? Si un ex-mari est évoqué dans le récit, faut-il comptabiliser un couple supplémentaire ? Qu’en est-il lorsque la légalité d’un mariage est contestée ? Faut-il prendre en compte les couples illégitimes, les amants et les personnes soupçonnées d’être en couple ? L’analyse de chacun des factums dans les fichiers thématiques permet à l’historien d’arbitrer entre les différents cas de figure et de prendre en compte les cas particuliers qu’il estime utile à son étude.

Lorsque beaucoup de documents sont concernés par un thème, des sous-catégories ont été créées. Dans le cas des couples, on a distingué les relations présentées comme positives des relations présentées comme négatives. Un tel classement est utile pour réfléchir à la norme des comportements qui définissent le couple, et distinguer entre la conflictualité dans le couple et les relations de solidarité qui unissent les époux. Un tel classement fait néanmoins appel à l’arbitrage du lecteur historien et manifeste nécessairement une certaine subjectivité. À partir de quand peut-on considérer qu’il y a opposition dans le couple ? Une absence de

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collaboration entre les époux doit-elle être considérée comme une relation négative ? Un couple présenté conjointement sans que l’on montre de collaboration active entre le mari et la femme témoigne-t-il d’une relation positive ? Quelle place faire à la collaboration passive et aux habitudes de présentation des époux ?

La constitution d’une base de données a permis de développer ces réflexions et questionnements. Dans ce cadre, les chiffres établis fournissent davantage un ordre d’idée et représentent une base pour entamer une réflexion qualitative tout en réfléchissant à la représentativité des situations dépeintes dans les factums. Il convient de ne pas les sur interpréter.

Les factums étudiés mettent en avant des situations conflictuelles, souvent liées à l’héritage. Ils permettent aussi de réfléchir aux relations de solidarité et aux relations privilégiées au sein de la famille. La place des femmes dans la famille va donc tout d’abord être questionnée.

La première partie de la thèse s’intéresse à la représentation du couple devant la justice. Son étude sert de repère pour réfléchir à la représentation des autres liens familiaux. Les chapitres 2 et 3 abordent la norme des relations de couple telle que les factums la présentent ainsi qu’une réflexion sur la place de l’épouse quand les membres du couple plaident conjointement. On s’intéresse ensuite aux limites de cette présentation consensuelle de l’harmonie conjugale à travers des affaires qui incluent des couples illégitimes, des femmes indépendantes, des conflits et des procédures de séparation.

L’étude de la place de la femme mariée dans les factums est mise en perspective dans la deuxième partie qui traite de la représentation des femmes seules. Le chapitre 4 explore la manière dont l’autorité des veuves se manifeste. Le chapitre 5 est consacré à la question des filles qui sont beaucoup plus difficiles à percevoir et donc à étudier.

La troisième partie délaisse la question du statut conjugal pour s’intéresser à deux autres types de relations familiales très bien représentées dans les mémoires judiciaires. Le chapitre 6 est dédié à la manière dont les relations entre parents et enfants sont traitées. La fonction maternelle est au centre de la réflexion. Elle est néanmoins comparée et mise en perspective avec la fonction paternelle, mais aussi avec les rôles de nourrice, marraine, grand-mère et

65 tante. Enfin la représentation des sœurs et des relations fraternelles sera mise en parallèle avec la manière dont le couple est mis en scène (chapitre 7).

La façon dont les femmes sont présentées devant leurs juges permet de réfléchir aux notions d’autorité et de pouvoir féminins à la fin du XVIIIe

siècle. Il convient de faire la distinction entre théorie et pratique judiciaire128. Les factums permettent de nuancer les traités, rédigés par des juristes, qui insistent sur la faiblesse et l’incapacité féminines. Les discours sur les femmes sont pluriels. Les avocats s’inspirent des différentes lois, coutumes et jurisprudences. Les factums permettent ainsi d’analyser les différents discours sur les femmes qui circulent dans l’opinion à la veille de la révolution française et les débats qui vont transformer la législation sur le rôle et les droits des différents membres de la famille.

Cette réflexion sur le pouvoir féminin et la représentation féminine conduit à s’intéresser plus spécifiquement aux discours sur la nature féminine. Les positions des avocats, mais aussi des chirurgiens, transcrites dans les factums, ne révèlent pas non plus un consensus sur la question. La faiblesse ou encore la douceur de la femme ne font pas l’unanimité. La réalité de l’instinct maternel fait débat. Les factums permettent une réflexion sur le corps féminin à travers ses représentations mais aussi sur les limites dans lesquelles les femmes peuvent disposer librement de leur corps. Dans quelle mesure le libre choix du conjoint ou la liberté d’enfanter sont-ils légitimés ? Là encore, les factums rédigés dans les années précédant la Révolution française traduisent ces débats émergents dont les enjeux participent à l’élaboration de la nouvelle législation concernant la famille dans les années 1790. Le chapitre 8 propose le bilan de ces questions.

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Voir GODINEAU Dominique, Les femmes dans la société française. 16e-18e siècle, Paris, Armand Colin,

2003, p.18-19 ; HAASE DUBOSC Danielle et VIENNOT Éliane (dir.), Femmes et pouvoirs sous l’Ancien

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