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C HAPITRE DEUX

1. Relations naturalistes autours du volcanisme

Le volcanisme français ne naît pas avec Faujas de Saint-Fond et loin de là. Cette mode explose quand Jean-Étienne Guettard fait la découverte des volcans d’Auvergne en 1751 alors qu’il voyageait avec Malesherbes. Entre 1763 et 1765 Desmarest après avoir parcouru l’Auvergne écrit plusieurs observations sur les laves et les basaltes de France et participe en

1768 à l’Encyclopédie pour sa partie sur les prismes basaltiques. Enfin en 1771 il confirme l’aspect volcanique du Velay. Ensuite, Hervey parcourt l’Auvergne en 1772, puis Strange en

1773 et l’abbé Monnet en 17741.

Guettard, Mortessagne et la construction intellectuelle de Faujas

En 1775, entre deux voyages dans les Alpes, Guettard et Faujas mènent leurs observations sur le bas Vivarais. Il ne fait aucun doute que Guettard, plus âgé, plus expérimenté et jouissant de la primauté de la découverte des volcans, a formé Faujas à l’étude des produits des feux souterrains. Ce voyage est cité par Faujas dans son ouvrage sur les volcans et Guettard le mentionne aussi dans celui sur le Dauphiné. Mais l’animosité entre les deux hommes est forte en 1779 (lorsque Guettard publie son Histoire naturelle du Dauphiné) et on ne peut pas se fier totalement à l’académicien qui parle de Faujas avec beaucoup d’ironie. Toutefois, cette expédition de 1775 est confirmée par Giraud-Soulavie dans le

second tome de son Histoire naturelle de la France méridionale2 : « En 1775, M. Guettard et

M. Faujas de Saint-Fond visitèrent le volcan de la Coupe d’Antraigues3. » C’est également

pendant cette période que Faujas découvre, à quelques lieues de chez lui, le volcan de Chenavari. D’après François Ellenberger, c’est après cette tournée que les deux savants se

brouillent4 et entament un ce combat par écrits interposés.

L’abbé Rozier dans les « nouvelles littéraires » de décembre 1775, annonce clairement que c’est bien Faujas qui guide ses confrères vers les prismes basaltiques. C’est ensemble qu’ils ont l’idée de traverser le Rhône pour explorer plus loin les déjections volcaniques des alentours. Remontant jusqu’à la source des minéraux volcaniques, ils découvrent : « une

bouche d’environ 80 de diamètre5 ».

Mais plus que Guettard, c’est la relation entre Faujas et l’abbé Mortessagne qui est primordiale pour comprendre l’ouvrage de Faujas sur les volcans. On l’a vu dans la présentation de la jeunesse du naturaliste, Faujas et Mortessagne se sont rencontrés à Montélimar en 1765 lors de l’enregistrement de l’ecclésiastique par le vice-sénéchal. Comme

1 Kenneth L. TAYLOR, « Geological travellers in Auvergne, 1751-1800 », Geological Society, London, Special Publications, 1 janvier 2007, vol. 287, no 1, p. 73 à 96.

2 Jean-Louis SOULAVIE, Histoire naturelle de la France méridionale, Nîmes, Belle, 1780, p. 13. 3

Ce volcan est aujourd’hui appelé « Coupe d’Aizac », c’est un strombolien situé entre la commune d’Aizac et la commune d’Antraigues-sur-Volaine, situées à environ 60km au nord d’Aubenas.

4 François ELLENBERGER, Histoire de la géologie. T. 2, op. cit., p. 221.

5 Abbé ROZIER (dir.), « Nouvelles littéraires », Observations sur la physique, sur l’histoire naturelle et sur les arts, 1775, p. 517.

l’écrivent Jean Mergoil et Juliette Mergoil-Daniel1, l’abbé Gui de Mortessagne est originaire de Pradelles, paroisse située en plein cœur des volcans du Bas-Vivarais. Il arrive à Montélimar à l’âge de 51 ans et, comme tous les anciens jésuites, il doit jurer fidélité à

l’Église gallicane devant les instances administratives de la ville2.

Grâce aux lettres que Faujas décide de publier dans ses Recherches sur les Volcans

Éteints, on peut mieux comprendre pourquoi cet abbé est si important dans la formation

vulcanologique de Faujas. Les deux hommes ont vraisemblablement parcouru des terrains volcaniques ensemble, et à n’en pas douter, Faujas, formé lui-même par Guettard, transmet cette passion volcanique à Mortessagne :

Avant de partir du Dauphiné pour me rendre ici, nous avons eu de fréquentes conversations à ce sujet […]. Chaque fois que nous faisons des promenades volcaniques, nous ne manquions pas de considérer attentivement des basaltes qui se rencontraient sur nos pas, & d’autres fragments de diverses pierres, presque toujours des crystaux d’une substance vitreuse que vous m’aviez appris être du schorl3.

Pourtant, il semble que ce soit l’abbé qui ait, le premier, découvert l’aspect volcanique

de sa région natale. D’ailleurs de nombreux savants dont Faujas4 reconnaissent l’importance

des travaux de Mortessagne. C’est notamment le cas de Genssane qui ne tarit pas d’éloges sur l’abbé5.

Le 1er juillet 1776, date de la première lettre insérée dans l’ouvrage, Mortessagne

commence ainsi : « Je vous tiens parole, & sans autre prétention que de vous faire part de mes

découvertes, pour vous engager à venir les voir & les perfectionner vous-même6 ». Cette

phrase nous montre que c’est l’abbé qui a l’initiative des recherches de terrains qui ont vraisemblablement été mûries par des discussions entre les deux hommes. Il continue plus loin en affirmant avoir subi quelques dommages dans ces explorations, mais en garder « la satisfaction d’avoir été le premier à découvrir que le pays de Pradelles & ses environs se

trouvent criblés de cratères de volcans anciens7… ». Dès 1776 Antoine de Genssane explique

que c’est l’abbé qui le conduit sur les bouches près de Pradelles et lui fait découvrir la région. Mortessagne confirme dans une lettre à Faujas, qu’il a bien accompagné Genssane dans ses

1 Jean MERGOIL et Juliette MERGOIL-DANIEL, « L’abbé Gui de Mortessagnes (1714–1796), collaborateur de Faujas de Saint-Fond et pionnier de la volcanologie en Vivarais-Velay (France) », Comptes Rendus Geoscience, 2011, vol. 343, no 5, p. 370 à 378.

2

A.D. Drôme, B717.

3 Barthélemy FAUJAS DE SAINT-FOND, Recherches sur les Volcans éteints du Vivarais et du Velay, Grenoble, Joseph Cuchet, 1778, p. 384.

4 La présentation des lettres de Mortessagne est on ne peut plus élogieuses. 5

Antoine (de) GENSSANE, Histoire naturelle de la province de Languedoc, partie minéralogique et géoponique, 1776, vol.III, p. 185.

6 Barthélemy FAUJAS DE SAINT-FOND, Recherches sur les Volcans éteints du Vivarais et du Velay, op. cit., p. 369.

7

excursions pendant le mois d’août 17751. Les observations que Gui de Mortessagne reporte dans ses courriers sont extrêmement précises et font apparaître un véritable œil d’expert. En plus de bien connaître sa région, l’abbé est un fin naturaliste.

Voyage et analyse de terrain dans les jeunes volcans et les coulées du Vivarais

Les excursions que Faujas couche sur le papier, en vue de publications à venir, commencent finalement assez tardivement. La première tournée connue n’est rédigée qu’en octobre 1777. Suivent plusieurs autres récits de voyage écrits avant et après la publication des

Recherches sur les Volcans éteints. Ces textes manuscrits sont tous insérés dans la même

reliure que le « Voyage dans les Alpes » dont nous avons parlé plus haut, mais sans ordre chronologique.

Quoi qu’il en soit, Faujas part de Montélimar le mardi 13 octobre 1777 pour, dit-il,

« le voyage du haut Vivarais et du Velay2. » Il traverse d’abord le Rhône en direction

d’Aubenas où il doit rejoindre Gautier-Dagoty son dessinateur, ami commun du libraire Cuchet et graveur des planches du Mémoire sur les bois de cerfs. À cheval et sous une pluie mêlée de grêle, Faujas arrive à Aubenas détrempé et est contraint d’y rester à cause du temps. Cela lui permet tout de même d’entretenir son réseau local, car il nous dit avoir dîné avec les nobles de la région : les seigneurs d’Antraigues, de Rochemaure, de Rochesauve, le marquis Geoffre de Chabrignac, etc. Après avoir récupéré Gautier-Dagoty, Faujas se dirige vers sa

première étape : La Gravenne de Montpezat3, à travers un paysage qui est déjà fait de basaltes

de laves puis de granites. Comme dans son voyage dans les Alpes, il détaille minutieusement son parcours et ce qu’il croise, les routes, les ponts, les rivières. Il mesure également les coulées qu’il longe et la concentration des sécrétions volcaniques. Il chemine donc vers le sud de la Gravenne en passant par le Colombier, puis Meyras, Champagne et enfin Montpezat. Outre le paysage parfaitement volcanisé qu’il parcourt et analyse, il s’arrête sur un élément qui l’intrigue plus particulièrement. Il observe des « cailloux roulés » très gros, et situés à plus de quinze toises au-dessus de la rivière la plus proche. Selon lui, il est à première vue impossible que ce cours d’eau ait pu, dans des temps reculés, rouler et transporter ces rochers. D’autre part, il exclut également que le volcan lui-même ait eu la force de faire jaillir de telles masses rondes hors de son cratère. Faujas en bon savant de son époque s’en remet à

1 Ibid., p. 376.

2 Barthélemy FAUJAS DE SAINT-FOND, « Journal de mon voyage [en Vivarais et Velay] », 1777, f. 35r.

3 La Gravenne de Montpezat est un volcan de type strombolien culminant à 810m d’altitude. Faujas utilise le terme de « Graviene du côté de montpezat » pour identifier le versant étudié.

l’hypothèse marine, pour ne pas dire diluvienne et sous-estime la puissance éruptive : « J’aime mieux croire qui la mer a ainsi manié ces cailloux, dans le tems même où ces volcans

bouilloient peut-être1. ». On sent que même s’il est rangé comme volcaniste, l’emprise

biblique reste encore particulièrement forte dans l’esprit du savant.

Le vendredi 16 octobre, après avoir terminé ses analyses sur le versant sud de la

Granvenne, Faujas entreprend de mener des expériences du côté de Neyrac2 et de sa « Grotte

du Chien ». Cette toponymie est un réemploi de la Grotta del Cane près de Naples qui détient les mêmes caractéristiques gazeuses. Plus précisément, ce type de phénomène géologique s’appelle une mofette (fumerolle froide). Elle est souvent liée, comme c’est le cas ici, à une

ancienne activité volcanique débouchant sur la formation d’eaux thermales3. Le hameau de

Neyrac possède des ouvertures dégageant de l’air fixe4 et le naturaliste s’y rend pour tester la

résistance d’êtres vivants à ces aires. La particularité de ce trou, nous dit Faujas qui rapporte les dires des locaux, c’est que les animaux y entrant meurent assez rapidement, mais qu’une fois sortis, ils reviennent étrangement à la vie après quelque temps. Faujas avant d’expérimenter les effets de ces cratères analyse d’abord les sols des lieux et voit que ses excavations font partie d’un réseau de roches granitiques. Faujas est donc certain de se trouver dans un environnement volcanique. En arrivant au premier trou, il remarque l’abondance d’eau et surtout la multitude de bulles « d’air fixe ». Le naturaliste décide alors de goûter cette eau pour voir si elle dégage un goût acidulé, synonyme de présence de ce gaz. Pour tester la teneur en dioxyde de carbone dans le trou, Faujas prend l’initiative de descendre une poule, puis une bougie afin de constater si l’air fixe est assez abondant pour l’éteindre. Malheureusement, les pluies ayant été fortes, le gaz carbonique s’est noyé et le naturaliste est forcé de remettre ses expériences à plus tard. L’eau accumulée au fond du trou ne permet pas

de mener des tests, car le CO2 étant un gaz plus lourd que l’air, il est dilué dans l’eau rendant

la grotte vivable.

Après Neyrac, Faujas et Gautier-Dagoty reprennent la route vers Thueyts pour analyser la Gravenne de Thueyts, un second volcan strombolien d’Ardèche. La région apparaît aux yeux du naturaliste comme encore plus volcanisée que l’autre. Arrivé sur les lieux, Faujas fait faire deux dessins Gautier-Dagoty, dont un sur le paysage proche du pont de la Gueule de l’Enfer. Depuis ce pont, Faujas a une vue plongeante sur toute la vallée.

1

Barthélemy FAUJAS DE SAINT-FOND, « Journal de mon voyage [en Vivarais et Velay] », op. cit., f. 36r. 2 Neyrac fait aujourd’hui partie de la commune de Meyras, département de l’Ardèche.

3 Alain FOUCAULT, Jean-François RAOULT, Fabrizio CECCA et Bernard PLATEVOET, Dictionnaire de Géologie, op. cit., p. 150.

4

Notamment sur la coulée de lave qui part de la Gravenne de Thueyts et descend sur le versant sud-ouest du volcan, parcourt la ville elle-même et traverse la Gueule de l’Enfer en se dirigeant ensuite vers l’ouest. Cela est dû au cratère qui est égueulé plein ouest. Enfin, Faujas observe également, mais plus rapidement le volcan du Prat situé au nord de Thueyts.

Étrangement, les notes minéralogiques de Faujas sur cette partie sont assez maigres. Les deux Gravennes sont décrites assez sommairement, alors même que ces sites sont encore aujourd’hui particulièrement représentatifs de la formation des basaltes en prismes. On peut envisager que ce n’est peut-être pas le premier passage de Faujas dans ce milieu, malgré qu’il ne nous donne aucune indication dans le titre de son manuscrit, ce qu’il fait pourtant systématiquement par la suite. L’autre hypothèse est qu’il voyage pour voir et confirmer les analyses qu’il a déjà lues dans les lettres de l’abbé Mortessagne, qui n’est pas présent à ce moment-là.

Il s’attache plus minutieusement à décrire l’apparence et les mœurs des habitants des villages alentour sur un folio et demi. Les paysans du cru ne sont jugés « ni durs ni féroces », indiquant les chemins contre un peu de tabac et toujours curieux. En revanche leurs conditions de vie sont dites dures et fatigantes, Faujas les voit comme des gens tristes, car accablés par le travail et les impôts. Les femmes sont, elles, « mal faites » et souvent édentées. Faujas constate également une grande abondance de goîtreux, ce qui l’étonne, car c’est un mal plus souvent localisé chez les alpins. Le goître est en réalité une inflammation de la glande thyroïde. Dans les espaces alpins, c’est généralement une carence en iode qui cause cette

maladie. Le sel consommé étant minéral l’apport en iode est nul1. En Vivarais, il semble que

le problème soit le même, la région n’étant pas productrice de sel. Les paysans doivent vendre

leur seigle pour s’en procurer2. Faujas à une hypothèse personnelle sur la question, il pense

que cette maladie est une conséquence du changement de température dans l’alimentation des paysans : « j’ai toujours soupçonné que cet accident étoit occasionné par le passage trop prompt et trop souvent réitéré du froid au chaud. » Cette introduction lui permet de décrire ensuite le régime des locaux :

Ici par exemple dans l’hiver, la nourriture ordinaire des habitants de Thueyts, de Colombier ; Neyrac &c. consiste en un potage composé, avec beaucoup de choux, de navets, de racines et d’autres légumes, cuits dans l’eau ou l’on jette un morceau de beurre, ou quelques fois un peu de lard ; ils ne mettent point de pain dans le potage, parce qu’outre qu’ils ne cueillent que du seigle, c’est qu’ils en font fort commerce, et qu’ils vendent leur grain, pour se procurer du sel3, ou pour payer leurs impositions. Ils mangent donc habituellement de la soupe de légumes sans pain, mais pour le remplacer, ils mangent alternativement, une cuiller de soupe et un marron

1 Philippe FRAGU, « Goître », in Dominique LECOURT (dir.), Dictionnaire de la pensée médicale, Paris, Presses universitaires de France, 2004, p. 521 à 525.

2 Barthélemy FAUJAS DE SAINT-FOND, « Journal de mon voyage [en Vivarais et Velay] », op. cit., f. 39r. 3

cuit a l’eau bouillante, ils préfèrent de manger ces marrons extrêmement chauds, ils ont donc toujours la bouche et le gosier pénétrés ; par une chaleur bien au-dessus de la chaleur naturelle. Dès qu’ils ont soif, ce qui leur arrive souvent en mangeant un aliment de la nature du marron, ils boivent alors de l’eau glacée de leur fontaine, ou de torrents, qui sont très froids dans ces contrées. Ce passage, rapide du froid au chaud, leur détruit bientôt les dents, et peut même souvent leur occasionner le gouestre1.

Les deux hommes partent de Thueyts en allant vers l’ouest pour se rendre à Pradelles,

ville de l’abbé Mortessagne. Il leur faut huit heures pour parcourir les cinq lieues2, car la route

pour le midi est encore en construction. Ils passent à Mayres dans un terrain graniteux pour ensuite remonter vers Peyre Beille puis Pradelles sur ce plateau culminant à environ 1200m d’altitude. Le paysage totalement désert attriste le naturaliste qui ne manque pas de décortiquer toutes les roches alentour et en particulier la cristallisation. Arrivé à Peyre Beille il constate que ces sommets volcaniques ont été selon lui ensevelis et il s’arrête encore sur les grosses masses roulées qu’il attribue une fois de plus à l’action des mers. Arrivé à Pradelles, il dirige ses observations vers la butte d’Ardenne où se trouvent des produits du feu souterrain particulièrement intéressants pour lui et qu’il détaille sur deux folios. Il observe que sur le versant ouest d’Ardenne, de gros rochers de basalte roulés, dont les plus volumineux atteignent trois pieds de diamètre (près d’un mètre de diamètre). Faujas fait dessiner deux vues du rocher d’Ardenne par Gautier-Dagoty. Le paysage que voit alors le naturaliste est composé de basaltes en table (ou mesa) déplacés et devenus saillants sur la butte. Faujas mesure également une grosse boule de basalte brisée qui lui donne l’occasion d’observer son noyau. Cette butte est assez peu détaillée dans les lettres de Mortessagne, contrairement aux basaltes de Saint-Clément, un autre quartier de Pradelles. Inversement, Faujas décrit avec minutie les coulées d’Ardenne délaissant Saint-Clément.

Le 19 octobre 1777, Faujas et Gautier-Dagoty, sont accompagnés d’un homme d’Église originaire de Pradelles en guise de guide, partent vers le nord-est en direction de Lafarre où la rivière de Langnognoulle a creusé son lit directement dans une coulée basaltique. Notons tout de même que Faujas conclut encore son observation journalière par des considérations catastrophistes :

« L’engougnole paroit s’être creusée un lit d’environ deux cents pieds de profondeur dans le basalte, mais ce torrent qui n’est pas des plus considérable, n’a jamais pû produire un pareil effet : on le voit à peine dans la profondeur de la gorge, et cette gorge ou coule le torrent, est alignée d’un bord à l’autre de plus de cinq cents pieds. J’aime mieux croire, ou qu’il y avoit un torrent de mer dans cette partie, ou qu’il y a eu un courant de mer dans cette partie, ou qu’il y a eu des déplacements occasionnés par des tremblements de terre3. »

1 Barthélemy FAUJAS DE SAINT-FOND, « Journal de mon voyage [en Vivarais et Velay] », op. cit., f. 39r et 39v. 2 Environ 19,5km.

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Faujas refuse clairement l’argument de l’érosion et préfère les « grandes révolutions ». Mais outre ses recherches, qui sont somme toute assez classiques, c’est son retour de Lafarre vers Pradelles qui est rocambolesque.

N’ayant pas vu le temps passer, les trois hommes se font surprendre par le brouillard en haut du plateau de Lafarre. À seulement trois heures de l’après-midi, la visibilité est nulle et le chemin dangereux. Ils tentent alors désespérément de retrouver leur route, mais en vain. Jusqu’à ce que la nuit les rattrape. Perdus et transits de froid, ils avancent péniblement en tâtonnant et surtout en écoutant scrupuleusement le bruit des sabots de leurs chevaux qui leur annonçent s’ils approchent des précipices environnants. Enfin après plusieurs allées et retours dans cette purée de pois compacte, ils réussissent à trouver le hameau de Meiserac et découvrent qu’ils sont en train de prendre la route opposée à leur destination. Ils sont alors obligés de payer un paysan pour les guider jusqu’à Pradelles, mais lui aussi se perd dans le