• Aucun résultat trouvé

C HAPITRE QUATRE

2. La capitale des réseaux et de la sociabilité

L’ascension d’un homme de science dans une société où la hiérarchie sociale est centrale ne peut aboutir sans un minimum de soutien. Les jeux de pouvoir à l’intérieur du champ scientifique sont au cœur de tout un système où la politique est aussi importante que le

talent. La « nouvelle Atlantide » de Condorcet, cette République des Sciences au sein de

laquelle la production des savoirs devrait naître dans l’harmonie et l’égalité de ses représentants est alors bien loin de la réalité des faits. Ce système, couplé à la société d’Ancien Régime où l’ordre social est déterminant oblige des hommes de plus petite extraction à avoir recours à un réseau de relations haut placées. En effet, quand Bruno Belhoste se penche sur le caractère mondain de son Paris Savant, il dépasse la question des seuls salons comme lieux de mondanité :

Le monde ne se limitait pas aux salons. La sociabilité mondaine était beaucoup plus morcelée. Les grands recevaient à toutes heures, leur hospitalité allant de la simple visite à la table ouverte. Si les savants évitaient les jours marqués et les grands dînés, ils n’en allaient pas moins dans la société1.

Faujas, lui, entretient son réseau sur ces deux plans. C’est un savant de salon comme de cabinet. Il aime la fête et le monde autant que les démonstrations et les expériences et cultive autant sa réputation d’homme affable que d’homme de savoir. Les relations et les rencontres de Faujas sont multiples. Toutefois, de grandes tendances se dégagent et des personnages clés apparaissent. Ils représentent pour le minéralogiste des expériences relationnelles professionnelles ou amicales, voire les deux. Le Tableau 10 expose les noms les plus cités dans la base de données que nous avons constituée en parallèle de la transcription du journal de Faujas, dans lequel celui-ci répertorie toutes les personnes qu’il rencontre au cours de son voyage.

Tableau 10.Principaux nœuds du réseau de sociabilité de Faujas de Saint-Fond dans le Journal de Paris

1 Bruno BELHOSTE, Paris savant, op. cit., p. 110. 2

Les personnages à représentation égale sont classés par ordre alphabétique.

Classement2 Nom Nombre d’entrées Taux d’apparition

1 Chaulnes (duc de) 43/427 10,07 %

2 Dolomieu 16/427 3,74 %

2 Vaughan 16 / 427 3,74 %

3 Guillemot (madame) 15/427 3,51 %

4 Guillemot (mmonsieur) 11/427 2,57 %

5 Lacoste (chevalier de) 8/427 1,87 %

6 Cuchet 7/427 1,63 %

6 Milly (comte de) 7/427 1,63 %

7 Buffon 6/427 1,40 %

Grâce à son urbanité, il réussit au cours de ces quelques mois à tisser ou à renforcer des liens de sociabilité dans le but d’influencer le plus positivement possible une carrière en construction.

Les grands amis et les grandes rencontres

Comme on le montre le Tableau 10, certains personnages reviennent plus souvent que d’autres.

Le duc de Chaulnes occupe la première place des relations de Faujas tout au long de son déplacement. Du même âge que le Dauphinois, le duc fait office de protecteur. C’est lui qui héberge et introduit de nombreuses fois le naturaliste dans des milieux fréquentés par la bonne société parisienne. Faujas vit pendant plusieurs mois chez le duc de Chaulnes dans son hôtel particulier de la rue de Bondy qui abrite son cabinet de curiosité1. Il nous parle de ce

« nouveau logement » le 8 août. Le duc vient d’y installer son cabinet dans ce qui était encore

un quartier totalement neuf puisqu’il se développe entre 1744 et 1840. Sa première adresse, avant de déménager, se situe rue de Richelieu. Elle est donc proche du Palais Royal et de toutes les instances scientifiques de Paris. C’est dans cette maison que le duc organise ses drôles de soirées. Le duc est également un homme très riche. Paire de France, il juché en haut de la hiérarchie sociale. Cependant, il occupe également une place de choix dans le milieu savant de son temps. C’est donc un grand noble et un savant.

Grâce au duc de Chaulnes, Faujas est invité à des soirées, des dîners et des réunions scientifiques. Les deux hommes vont ensemble au théâtre et à l’opéra. Faujas est introduit au cours de médecine à l’école de chirurgie, comme chez monsieur Charles, et dans de nombreux cabinets. Avec Chaulnes, Faujas visite les catacombes, des maisons de luxe en construction, des lieux de production, des musées, etc. Grâce au duc, Faujas rencontre de nombreux personnages importants, comme les ambassadeurs anglais et notamment Vaughan avec qui il se lie d’amitié. Dans le champ scientifique, le duc de Chaulnes est considéré comme chimiste, membre de l’Académie Royale de Londres. Après une carrière militaire qui le hisse au rang de colonel, il se réoriente vers les sciences. On lui doit la découverte du gaz carbonique en

1775, dit « air méphitique », par l’analyse des bières en fermentation. La même année, il

1

Il s’agit aujourd’hui du 32 rue René Boulanger.

7 Hell 6 / 427 1,40 %

7 Lacroix 6/427 1,40 %

découvre comment cristalliser l’alcali grâce à ce même gaz. Enfin, dans la continuité de ce travail sur le gaz carbonique, il propose de soumettre les asphyxiés au charbon et à

l’ammoniaque. Pour ce faire, il réalise l’expérience sur lui-même, aidé de ses domestiques1.

Les expériences sur le « méphitisme » sont reprises par Faujas dans ses ouvrages. Il revient

souvent sur l’importance de cette découverte comme étant capitale dans la compréhension des airs. Il met également les théories du duc de Chaulnes en pratique quand il fait descendre des animaux dans le puits de Neyrac pour les réveiller ensuite à l’ammoniaque. Le duc est présent dans la liste des souscripteurs de l’histoire naturelle des volcans et il est cité comme y ayant

contribué. C’est lui qui offre à Faujas le basalte ramené de son voyage en Égypte2. Ce don

permet en effet au naturaliste de le comparer avec la statue de la vierge noire et avec les basaltes du Vivarais et du Velay. C’est donc un vieil allié de Faujas bien que l’on ne sache pas à quand remontent leurs premiers échanges.

Le duc de Chaulnes jouit également d’une grande lignée avec un ancêtre favori de Louis XII et son propre père était membre de l’Académie des sciences et proche de Louis XV. Michaud le décrit comme une personnalité au « caractère singulier », avec une connotation péjorative. On retrouve ce trait de caractère dans une description du duc par Faujas lors d’une

soirée organisée le onze août 1782. Faujas en parle comme d’« un des hommes les plus

aimables et des plus savants, mais en même temps un des plus cyniques et des plus… 3» Bien

que le mot n’ait pas été écrit par l’auteur, le duc semble tout aussi amusant qu’irritant. Faujas

cite même quelques mots proclamés par l’intéressé lors de cette soirée : « j’ai renoncé à tout

dans ce monde excepté aux catins que je n’aimerai bientôt plus4 ». Cette étrangeté que Faujas

souligne l’amène aussi à virer de bord et à lâcher son protégé quelque temps plus tard. C’est le grand ami de Faujas, le commandeur de Dolomieu qui l’avertit de cette traîtrise dans une

lettre du 21 mars 17835 et incite Faujas à s’éloigner du duc. Faujas change ensuite d’adresse.

Dolomieu est en quelque sorte le troisième homme de ce voyage. C’est un fidèle ami de Faujas. Les deux hommes s’apprécient depuis plusieurs années et échangent autant sur les

1 Louis-Gabriel MICHAUD (dir.), Biographie universelle ancienne et moderne : histoire par ordre alphabétique de la vie publique et privée de tous les hommes, Tome VIII, Chassiron-Comte, Paris, A. Thoisnier Desplaces, 1844, p. 38.

2 Marie-Joseph-Louis d’Albert d’Ailly (duc de) CHAULNES, Mémoire sur la véritable entrée du monument égyptien qui se trouve à quatre lieues du Caire, auprès de Saccara, et qui a été consacré par la superstition à la sépulture des animaux adorés pendant leur vie, Paris, Clousier, 1777.

3 Barthélemy FAUJAS DE SAINT-FOND, « Voyage de Paris », op. cit., p. 11. Souligné dans le texte. 4 Ibid., souligné dans le texte.

5 Lettre de DOLOMIEU à Faujas, 21 mars 1783, concernant l’attitude calomnieuse qu’aurait le duc de Chaulnes à l’égard de Faujas. BMG N.2152-5. Peu de temps après Faujas change d’adresse à Paris.

questions volcaniques que sur leur vie. Le 27 novembre 1782, Faujas reçoit une lettre de Dolomieu lui disant qu’il est à Paris et qu’il le cherche depuis une semaine. Cela ravit Faujas qui ne manque pas de commenter l’événement dans son journal :

Rentré à onze heures du soir après avoir passé la journée la plus agréable, en m’occupant d’art. J’ai trouvé en rentrant une lettre de M. le chevalier de Dolomieu, qui m’annonça son arrivée et qui m’apprend qu’il me cherche depuis huit jours. Cette lettre m’a enchanté je me suis levé de grand matin pour aller le voir1.

Le lendemain, Faujas passe toute la matinée avec Dolomieu :

Sorti à huit heures pour aller voir le chevalier de Dolomieu, j’ai eu le plus grand plaisir à le voir et il a été grandement question de son voyage en Sicile qu’il a fait avec tout le fruit possible, il a vu ce volcan sous toutes formes et en a pris plusieurs belles vues, ayant un dessinateur avec lui. Je l’ai quitté à midi lui ayant donné rendez-vous à quatre heures chez M. le duc de Chaulnes2.

Les conversations ont tourné autour de la minéralogie de l’île que Dolomieu explore assez

précisément et dont il publie un ouvrage important en 17833. Puis, après un intermède de deux

heures chez Condorcet, Faujas retrouve son ami chez le Duc de Chaulnes pour un dîner et une séance de dissection de crapauds qui ont été découvert coincés dans une cavité rocheuse. Ces quelques épisodes confirment la relation d’amitié qui s’est tissé entre les deux hommes. Dolomieu cherche Faujas pendant près d’une semaine, et ce dernier se lève aux aurores pour aller au plus vite accueillir le voyageur fraîchement débarqué de Sicile. La visite chez le secrétaire perpétuel de l’Académie est ensuite résumée en deux lignes pour enfin revenir à la soirée de dissection.

À Paris, ils visitent également plusieurs lieux et Faujas emmène son collègue à l’Opéra et l’introduit à une séance de dissection de batraciens, découverts coincés dans une cavité rocheuse, en présence de Benjamin Franklin. Faujas présente Dolomieu au savant américain

dans une lettre du 19 janvier 1783 dans laquelle s’entretient de minéralogie : « Voilà aussi un

morceau d’une pierre très curieuse, qu’un de mes amis, le Commandeur de Dolomieu,

chevalier de Malthe, m’a apporté d’un voyage qu’il vient de faire en Sicile4. » Dolomieu,

quant à lui, fait à deux reprises cadeau à Faujas de parties de ses collections volcaniques. Cette relation entre les deux vulcanologues, sous la plume de ce dernier, revêt un aspect plus horizontal qu’avec le duc de Chaulnes. Les deux amis sont sur le même pied d’égalité et

1 Barthélemy FAUJAS DE SAINT-FOND, « Voyage de Paris », op. cit., p. 77. 2

Ibid.

3 Déodat (de) DOLOMIEU, Voyage aux îles de Lipari fait en 1781, ou Notices sur les îles Aeoliennes pour servir à l’histoire des volcans ; suivi d’un mémoire sur une espèce de volcan d’air, et d’un autre sur la température du climat de Malthe et sur la différence de la chaleur réelle et de la chaleur sensible, Paris, J.-M. Boursy, 1783, 216 p.

4 Barthelémy FAUJAS DE SAINT-FOND, Benjamin Franklin Papers - From Barthélemy Faujas de Saint Fond (unpublished) - Sunday, January 19, 1783,

http://franklinpapers.org/franklin//framedVolumes.jsp;jsessionid=DAF58FB3BC7C2C51BAD46069078AD7CE consulté le 30 août 2016.

travaillent, sortent et devisent en toute sérénité. Après trois mois de séjour à Paris, Dolomieu quitte la capitale, et pour l’occasion Faujas dîne avec lui et d’autres savants :

Diné avec le commandeur de Dolomieu qui part demain, nous avons fait un dîner de naturaliste et nous nous sommes séparés de cet aimable commandeur avec bien du regret. J’en ai été véritablement affligé et je suis rentré chez moi à 10 heures du soir1.

Nous pouvons parfaitement ressentir la tristesse qu’éprouve Faujas lorsqu’ils doivent se

séparer. Les termes « véritablement affligé » montrent à quel point la compagnie de Dolomieu

est une source de joie pour Faujas. Dès lors de leur première rencontre, Faujas est tout à fait ravi des discussions sur les voyages de Dolomieu, et l’émulation intellectuelle fonctionne parfaitement entre ces deux passionnés de vulcanologie.

Dans le cadre de cette sociabilité de réseaux, la visite tient une place assez importante. Faujas, à plusieurs reprises, se rend par courtoisie ou par stratégie chez les personnes influentes du milieu scientifique. L’espace de rencontre que représente la capitale est incontestable pour ceux qui veulent monter dans la hiérarchie académique.

Les visites que Faujas effectue chez Condorcet en sont un bon exemple. Bien entendu, c’est une sociabilité courtoise où les conversations sur l’actualité sont de mise. Mais pour un scientifique de second rang comme Faujas, passer du temps chez le secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences ne peut être qu’une aubaine. D’autant plus que celui qui signe

« marquis de Condorcet » est d’ascendance dauphinoise, la branche paternelle de sa famille

étant originaire d’Orange2. Cette région fait partie intégrante du projet initial de Faujas

concernant son grand ouvrage avorté sur le Dauphiné et on peut envisager que ce levier lui serve d’axe de discussion avec ce savant très influent.

En l’espace de dix jours, les deux hommes se voient quatre fois et c’est généralement Faujas qui se déplace. Lors de leur première rencontre connue le 16 août 1782, Faujas précise

que le marquis « a voulu me retenir très longtemps3 », comme si le détail du temps passé était

un gage de la qualité de la visite. Cet aspect quantitatif est de nouveau présent le 28 novembre 1782 où Faujas précise être resté près de deux heures chez le marquis. Il sous-entend qu’ils ont matière à deviser, ou que sa conversation est d’un grand intérêt pour son interlocuteur. Faujas ne décrit pourtant qu’une seule de ces conversations. Les deux savants s’entendent sur les problèmes de charlatanisme qui sont dans ces années fort à la mode. Le baquet de Mesmer fait le bonheur des salons, et le malheur des académiciens qui fulminent à l’idée d’avoir perdu

1 Barthélemy FAUJAS DE SAINT-FOND, « Voyage de Paris », op. cit., p. 106.

2 Simone CHAMOUX, « L’ascendance dauphinoise de Condorcet », Paris, ENS éditions, 1997. 3

la gloire des années Nollet au profit d’un Allemand qu’ils jugent hérétique. Mais Condorcet s’intéresse plus particulièrement à Barthélemy Bleton, un sourcier dauphinois que Faujas connaît bien :

[J’ai] passé le reste de la matinée chez M °. le marquis de Condorcet, il m’a beaucoup parlé de Bleton, ayant assisté à des expériences qui furent faites en sa présence. Il est très décidé et je n’en ai jamais douté que M °. Thouvenel est un fanatique et Bleton un imposteur. Comme il a été découvert sur l’article de la baguette, elle ne lui tourne plus en ce moment et il n’en veut plus cure, il ne prend plus la fièvre, parce que comme les médecins et les chirurgiens abondent dans ce pays, l’on reconnoitra bientôt que cette prétendue fièvre est une moquerie, mais il prend une sorte de tremblement, des espèces de convulsions. M°. le duc de Chaulnes m’a assuré de l’avoir pris en défaut à l’observatoire en présence de M °. Thouvenel lui-même1.

Ce fameux Barthélemy Bleton, parfois orthographié Bléton, est un orphelin dauphinois devenu hydroscope à la mode pendant l’année 1782. Il serait vraisemblablement né vers 1740 à Bouvante, commune non loin de Saint-Jean-en-Royans (Drôme). À l’âge de 7 ans, alors qu’il s’occupait à apporter des repas à des ouvriers, il est pris de spasmes convulsifs. La crise passe quand les ouvriers le déplacent. Le curé du lieu constate que c’est la proximité avec de l’eau souterraine qui cause ses crises. Le jeune Bleton commence alors à parcourir le Dauphiné pour trouver des sources ici et là. En 1778, Pierre Thouvenel, médecin du comte d’Artois, le remarque et en fait son protégé. En 1781, il rédige les conclusions des expériences réalisées sur Bleton dans un ouvrage qui regroupe ses observations et des lettres anonymes de

« gens de confiance » pour appuyer ses dires2. En 1782, après avoir parcouru la province,

Bleton monte à Paris et devient le centre des discussions3. Mais Faujas est déjà sur le pont

depuis plusieurs années et il est annoncé comme commentateur du phénomène dès 1772 dans

le Journal des Savants du mois de décembre : « M. Faujas, Vice-Sénéchal de Montélimar, a

rassemblé des faits circonstanciés...4 » Pour résumer, Bleton fait tourner une baguette

métallique entre ses mains censées l’aider à se connecter aux flux terriens et le rapprocher des sources souterraines. Mais il est piégé par Jacques Charles et Lalande qui rédigent une lettre à charge dans le Journal des Savants. L’histoire est donc encore fraîche et les discussions vont bon train. Faujas en tant qu’observateur de longue date, trouve une place de choix dans le débat et se range, bien entendu, du côté des académiciens. Cet épisode colle parfaitement avec le contexte des sciences irrationnelles que Robert Darton décrit dans son travail célèbre sur la

1 Ibid., p. 17 et 18.

2 Pierre THOUVENEL, Mémoire physique et médicinal, montrant des rapports évidents entre les phénomènes de la Baguette Divinatoire, du Magnétisme et de l’Électricité, Paris, Didot le jeune, 1781.

3 Sur la vie de Barthélemy Bleton, consulter : Guillaume COMPARATO, « Bleton », in Bruno BELHOSTE et David ARMANDO (dirs.), Hatmonia Universalis, coll. « LabEx Hastec ».

4 « Compte rendu : L’hydroscope et le ventriloque, par l’abbé Sauri », Journal de Savants, décembre 1772, p. 874.

fin des Lumières1 et a été réétudié par Bruno Belhoste dans un ouvrage collectif : Mesmer et

le mesmérisme en contexte2.

Les déplacements de Faujas le mènent également chez des censeurs ou éventuels censeurs. Il rencontre plusieurs fois Antoine Court de Gébelin qui, en plus d’être l’auteur du

Monde Primitif3, fut nommé censeur royal vers 1776. Cité par l’Almanach du Voyageur à

Paris de Luc-Vincent Thiery comme un des hommes les plus sollicités de la capitale, il y est

classé en cinquième position dans la catégorie des « personnes les plus distinguées », section

« Gens de Lettres » après Buffon, Franklin, d’Alembert et Diderot4. Faujas se rend plusieurs

fois chez lui et semble faire en sorte de se faire bien voir. Le 21 août 1782, Faujas apporte des dessins de momie à son hôte, spécialiste des civilisations anciennes et passionné d’égyptologie. Le naturaliste et Court de Gébelin, ont quelques semaines plus tard, une longue discussion sur les façons de décrypter les hiéroglyphes. Faujas s’intéresse à ces questions et qu’il est connu pour son analyse de la vierge noire du Puy, qui est alors la plus solide étude sur le sujet. Court de Gébelin fait partie des personnages les plus présents du journal. Comme nous pouvons le voire sur le Tableau 10, il représente 1,41% du total des rencontres de Faujas à Paris. C’est un savant fort apprécié de Faujas qui parle de lui de manière toujours élogieuse

comme d’un savant « aussi modeste qu’estimable, qui gagne infiniment à être connu5. » La

modestie est une vertu importante dans la définition du mythe du bon philosophe modeste et créateur. Faujas réitère ses louanges et semble fasciné par le goût de Court de Gébelin la

graphie égyptienne : « je suis toujours de plus en plus enchanté de la modestie et du savoir

profond de cet homme habile6. » Ainsi, Court de Gébelin suscite une double satisfaction pour